Ecologie progressiste: la genèse d’un contresens

Thomas Mazzone
Enseignant, écrivain

Il est communément admis que l’écologie politique tire son origine philosophique de pensées conservatrices: on préserve un espace naturel comme on préserve une cité et ses traditions. En tant que discipline scientifique, l’écologie vise à étudier les écosystèmes. Son aspect utilitaire est de ne pas perturber une harmonie naturelle, afin de pouvoir en bénéficier durablement. Le regard écologique sur les choses est millénaire et l’on note bien que tout changement est susceptible de perturber cette harmonie, s’il n’est effectué en accord avec celle-ci.

Après la Révolution Industrielle et la modernisation planétaire des sociétés humaines, on commença à faire le constat flagrant de perturbations écologiques à répercussions supposément ou assurément immédiates et futures. Cela se déclina de diverses manières: pour les naturalistes, toute forme de technologie créait un déséquilibre intrinsèque et il fallait que l’Homme prît pour modèle ses ancêtres les plus lointains et les tribus les plus “primitives” existant encore. Cela représentait de facto un point de vue anthropologique extrêmement réactionnaire. Pour les économes, il aurait fallu que l’on fût plus parcimonieux. Pour les repentis, il faudrait que l’homme répare ses dégâts. Pour les futuristes, il est impératif d’imiter ou de respecter la nature au moyen de la technologie ; de créer une harmonie nouvelle comme priorité. L’homme aurait alors pour raison d’être première de tout repenser pour faire mieux qu’avant en accord avec les règles que la Nature nous dicte.

La seule chose qui put en naître fut un instrument politique dans lequel d’anciens “chrétiens démocrates” acceptèrent d’abandonner Dieu pour placer la Nature en priorité, terrain d’entente commun à toute une frange de gens qui refusait à la fois le socialisme et le règne de l’argent. Ils rêvaient d’une société idéale avec un autre motif que l’égalité ou la liberté des hommes, toutes deux réunies sous l’égide de la “Fraternité Universelle” à la Révolution dite française, mais opposées autour de la question matérielle dans la lutte entre Capitalisme [Liberté] et Communisme [Egalité]. Pour sortir de l’abstraction des notions intrinsèquement et singulièrement contradictoires de 1789, on souhaitait ériger en maître une notion plus rationnelle et plus sensée. Après avoir tué Dieu au profit de l’Homme, on souhaitait s’en retourner à la déesse Gaia.

Toutes les conclusions hâtives - dont nous avons susmentionné quatre nuances - que l’on peut tirer d’un constat écologique alarmant sont éminemment contradictoires, mais elles ne sont conciliables, philosophiquement, que si on place l’homme au-dessous de la Nature ; et non plus comme une partie intégrante de celle-ci au niveau physique. Ainsi, l’homme est en éternelle vénération de Mère Nature et se doit de faire mieux que ses prédécesseurs (qui l’ont trahie en la défiant) pour ne pas la vexer. Toutes les voies peuvent être explorées et tout sacrifice la rend plus clémente. C’est la seule façon dont on peut faire de l’écologie une donnée progressiste. Cela conduit à toutes sortes d’excès. En effet, pourquoi ne pas considérer la pédophilie - “pédomanie” serait plus approprié - , puisque la Nature rend la chose possible et puisque l’homme n’est rien au regard de la Divinité? C’est sans vergogne que cette tendance était née comme le pinacle du progrès (de l’homme vers la déesse Terre) chez certaines mouvances écologistes (http://www.tdg.ch/monde/verts-demandent-pardon-victimes-actes-pedophiles/story/16951797, http://www.lesobservateurs.ch/2014/11/22/les-verts-allemands-longtemps-defendu-pedophilie-scandale-refait-surface/).

On ne pourrait s’arrêter en si bon chemin et ne pas faire remarquer que, comme l’Humanisme, la divinisation de la nature est une hérésie à la tradition et à la raison, puisqu’elle mène à des contradictions si énormes qu’elle divise et crée des oppositions insensées, réduites à des parts de marché sur l’échiquier politicien, voire géo-politicien ; car ce qui nait d’une contradiction possédera toujours une inter-dépendance ramenant à l’unification par l’érection d’un principe supérieur au précédent. A l’échelle du Monde, cela donne “l’Unité dans la Diversité”, un des adages du mondialisme et de son utopique gouvernement global. Aujourd’hui, il est clair que le principe unificateur est passé de Mammon à Gaia et aucun prophète de l’intelligentsia n’oserait plus se réclamer directement du matérialisme (contre la Nature). Mais dans l’Ordre Naturel, dans l’ordre des choses, ledit principe n’est humainement pas tenable. Il nous pousse dans un éternel remaniement, afin de gommer les divisions occasionnées par toutes les idéologies superficielles produites dans un but de synthèse idéale.

Quant à chercher plus d’harmonie avec la nature, l’idée n’est pas mauvaise: elle est nécessaire et raisonnable, à commencer par des égards intelligents pour la densité de population qu’on s’imagine rendre pérenne dans un espace vital donné. Seulement, pour mettre les hommes d’accord, pour écouter la perception de ceux-ci, pour fédérer quelque chose qui fasse sens selon les goûts et les cultures, selon la réalité des choses, il faudra un travail philosophiquement supérieur à de vagues suggestions en rupture avec toutes les traditions et les aspirations des peuples divers (lesquels ont évolué en des lieux souvent bien différents). On ne fait pas pousser un arbre en lui coupant ses racines. Alors, ainsi, on se verra contraint de conclure que l’écologie progressiste n’est qu’un avatar malheureux du sempiternel messianisme planétaire, cimetière infernal de toutes les bonnes intentions du Monde.

 

Thomas Mazzone, le 11 décembre 2014

4 commentaires

  1. Posté par Valérie Taupier le

    Bonjour, Je constate que l’être humain est toujours tenté par l’absolu. En fait, et je m’adresse à celles et ceux qui veulent un retour à la terre au mépris de l’évolution de la science ( cela étant, je suis tout à fait favorable aux médecines alternatives mais elles ont leurs limites). Il n’est pas raisonnable à mon sens de retourner à l’esclavage alors qu’on a connu la libération par les nouvelles technologies et la révolution sanitaire. En revanche, être progressiste et respecter notre environnement n’est pas forcément incompatible si nous faisons confiance à la science avec conscience (réf à F. Rabelais). Certes, nous ne sommes pas encore assez avancés à ce jour dans ce domaine pour prétendre trouver des solutions en matière de technologies non polluantes. Par ailleurs, j’ai la conviction que ce n’est pas en restant vivre dans un monde parallèle au milieu des champs de tomates sans lutter contre le fléau principal : le capitalisme que nous sortirons de l’impasse. L’Histoire l’a démontré : les acquis sont nés des luttes collectives. Je reste cependant confiante même si je suis sans doute perçue comme une « futuriste romantique et nostalgique d’un avenir meilleur ».

  2. Posté par colibri le

    Si toutes ces nouvelles technologies étaient aussi puissantes que cela pour aider à résoudre les problèmes… Il suffit de voir le peu de résultat sur les nombreux cancers depuis l’arrivée de la médecine dite de pointe non pas pour aider les patients sinon cela se saurait depuis longtemps. Finalement, la médecine dite de pointe n’aura été qu’un instrument pour rentabilisation .
    Et quand on sait les nombreuses erreurs imputables le plus souvent à trop de précipitation, on n’ose imaginer ce que penseront les plus jeunes dans quelques années en voyant le peu de considération le plus souvent proche du mépris de la part des théoriciens de la nature qui n’ont que le mot technologie en bouche et pour qui encore une fois seul le mot rentabilité a de l’importance
    Espérons que les pompiers bernois aient eut de nouvelles machines pour endiguer le feu des quelques tonnes de déchets qui hier sont partis en fumée
    Sans doute que le recyclé a fermenté, d’où cet incendie; mais ne dit -on pas que tout vient à point pour qui sait attendre surtout de la la nature qui elle même sait se retourner contre ceux qui abusent de la crédulité de certains citoyens

  3. Posté par colibri le

    ces écologistes agissent uniquement par principe..Ils obéissent sans réfléchir ! on a la preuve avec les Inuits qui privé d’aliments suite aux interdictions de chasser sont ravis de voir les pétroliers arriver pour leur offrir des institutions comme des universités afin de scolariser les plus jeunes
    Et tandis que des meneurs obligent ces écolos à prendre position contre ceci ou cela ,dans leur dos se construisent des œuvres d’art comme le pont actuel enjambant la Dordogne pour un nouveau TGV encore plus rapide ! C’est à se demander si les gouvernements eux-mêmes ne font pas exprès de les attirer à des endroits précis pour permettre à d’autre de continuer leur travail sans être dérangés
    On l’a vu avec Greenpeace qui occupé sur l’océan permettait à des trains entier chargés de matériaux dangereux d’arriver sans encombre et aux heures précises à destination
    Ce qui a permis aux voyageurs des autres lignes d’arriver sans problème sur leur lieu de travail
    Comme quoi l’intelligence n’est pas la matière première de ces écolos qui force est de le reconnaitre ont inventé un nouvel hobby bien Français,quand on s’ennuie le dimanche ou la semaine ,on manifeste avec en prime la certitude d’être* selfiés *nouvelle addiction qui elle n’en doutons pas est progressiste car finalement seule celle-ci compte le plus à leurs yeux .Faut peu pour occuper le peuple ,avec les écolos on en a la preuve

  4. Posté par Pierre H. le

    Les écolos d’aujourd’hui sont des « rouges », avec lesquels d’ailleurs ils s’associent souvent, déguisés en « verts » mais donc le but avoué ou non est de freiner voire d’exterminer l’esprit d’entreprise, les progrès de toutes sortes, les richesses, l’expansion, bref, tout ce que les rouges veulent détruire, en faisant croire que c’est pour préserver la nature dont d’ailleurs ils n’ont rien à foutre.

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