Allô Damas ? Passez-moi Bachar al-Assad !

Michel Garroté
Politologue, blogueur


Syrie-Damas-1


Michel Garroté -- La crise syrienne me pose un problème. Je l’ai déjà écrit plusieurs fois. Je déteste le clan Assad. Notamment parce que j’ai vu de mes yeux les monstruosités perpétrées par le clan Assad contre les Chrétiens au Liban dans les années 1975-1990. Cela dit, lorsque dans le milieu des années 1990, je me suis rendu en Syrie, j’ai été bien obligé d’admettre que la situation des Chrétiens y était bonne. C’est un paradoxe typiquement levantin. Le clan Assad a voulu chasser les Chrétiens du Liban afin de pouvoir annexer ce pays. Et le même  clan Assad, dans son propre pays, la Syrie, a ménagé les minorités, y compris les minorités chrétiennes, du fait que ce clan est lui-même une minorité alaouite (et donc « chiite ») dans un pays majoritairement sunnite. Je sais très bien qu’actuellement le clan Assad fait à son propre peuple ce qu’il avait déjà fait pendant plus de quinze ans au peuple libanais.

Du reste, à l’époque, j’étais très seul dans ma défense des chrétiens libanais qui semblaient laisser le monde entier indifférent. Et n’ayant pas changé sur la défense des chrétiens en terre d’islam, je ne peux donc pas, aujourd’hui, prendre parti contre le clan Assad que je déteste, car si un califat islamique lui succède, les Chrétiens de Syrie n’auront plus qu’à faire leurs valises. Et qui les accueillera ? Personne. Encore un point à préciser dans ce contexte : oui, je sais, la Syrie est alliée à l’Iran et au Hezbollah. Cela dit, une Syrie laïque avec al-Assad est « moins pire » qu’un éventuel Califat sunnite syrien. Un tel califat serait génocidaire pour les syriens chrétiens, et, létal pour Israël.

Des djihadistes de l'Etat islamique ont enlevé ces trois derniers jours 220 chrétiens assyriens dans des villages situés dans le nord-est de la Syrie. Les enlèvements se sont produits lors de la capture d'une dizaine de villages situés non loin de la ville syrienne d'Hassaka. Cette région dans le nord-est de la Syrie est le théâtre d'affrontements entre djihadistes de l'Etat islamique et combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG).

Voici la réaction de Mgr Jacques Behnan Hindo, archevêque syrien catholique : « Par leurs politiques malheureuses, en particulier les Français (ndmg - Hollande) et les Américains (ndmg - Obama), avec leurs alliés régionaux, ont favorisé de facto la montée en puissance du Daesh (l’Etat islamique : EI). Maintenant, ils persévèrent dans l’erreur, commettant des fautes stratégiques grotesques. De plus, ils s’obstinent à interférer au travers d’interventions sans importance, au lieu de reconnaître que le soutien qu’ils apportent aux groupes djihadistes nous a porté à ce chaos et a détruit la Syrie, nous faisant régresser de 200 ans », conclut Mgr Jacques Behnan Hindo.

Dans ce contexte, rappelons que depuis 2013, la radicalisation des groupes d’opposants syriens armés continue et que le nombre de combattants étrangers augmente, qu’ils sont fortement disciplinés et bien entraînés. A cause de cela, les groupes les plus radicaux ont maintenant un avantage sur les factions soi-disant « modérées », ce qui explique que des groupes comme l’État Islamique aient réussi à créer leurs propres bastions, notamment dans le nord de la Syrie. La perméabilité des frontières de la Syrie facilite l’intrusion d’acteurs régionaux armés dans ce conflit et l’influence d’éléments extrémistes augmente. Et à ce propos, je continue de penser qu’en France en particulier et en Europe en général, les innombrables journalistes, analystes et experts qui formulent leurs opinions sur ce conflit, non seulement sont totalement incultes et lamentablement démagogues, mais en plus, ils sont terriblement arrogants et même insultants envers ceux qui ne pensent pas comme eux.

La semaine du 23 février 2015, les députés UMP Jacques Myard et PS Gérard Bapt, par ailleurs président du groupe d'amitié France-Syrie à l'Assemblée, ainsi que Jean-Pierre Vial, sénateur UMP de Haute-Savoie, président du groupe d'amitié France-Syrie au Sénat, et François Zocchetto, sénateur UDI de la Mayenne, ont séjourné en Syrie pour une mission : « Nous avons rencontré Bachar al-Assad pendant une bonne heure. Ça s'est très bien passé », a indiqué le député des Yvelines. « Nous ferons rapport à qui de droit », a-t-il dit. Les parlementaires se trouvaient auparavant au Liban.

La rupture officielle avec Damas n'ayant rien donné, et les menaces de ‘Etat Islamique (« Daesh ») se faisant de plus en plus insistantes, la ligne imposée par Paris est de plus en plus controversée. Ayant décidé de se faire une idée de la situation directement sur place, les quatre parlementaires ont rencontré, outre Bachar al-Assad, le mufti, les patriarches catholique, orthodoxe et arménien, ainsi que les représentants du croissant et de la croix rouges, et du lycée français.

De plus en plus de voix, même au sein des renseignements, s'élèvent contre le choix de la France, qui a conduit jusqu'à présent à une impasse. "On ne peut pas travailler sur Daesh et contre Daesh sans passer par la Syrie, donc une nécessaire reprise du dialogue est obligatoire », estime l'ancien patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini. Beaucoup de services aimeraient retourner à Damas, reconnait un diplomate européen, soulignant que Paris et Londres étaient, au sein de l'UE, dans une position encore extrêmement crispée vis-à-vis de toute reprise de contact, même minimale, avec Damas.

Les quatre parlementaires français ont été reçus par le vice-ministre syrien des Affaires Etrangères Fayçal Moqdad et ils se sont entretenus avec le chef de la diplomatie, Walid Mouallem. Ils ont dîné également avec le mufti de la République cheikh Ahmad Hassoun. Cette visite de parlementaires français constitue une première depuis la rupture des relations diplomatiques décidée en mai 2012 conjointement par la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne, sous l’impulsion d’Obama et Hollande. Depuis, la France ne cesse de réclamer le départ du pouvoir d'Assad en soutenant politiquement et militairement l'opposition islamique au président laïc syrien.

Alexandre Giorgini, porte-parole du Quai d'Orsay et donc porte-parole de l’incompétent Fabius, interrogé sur une éventuelle concertation de cette visite avec les services de son patron, a précisé qu'il s'agit d'une initiative de parlementaires qui, conformément au principe de séparation des pouvoirs, n'a pas été décidée en concertation avec le ministère des Affaires étrangères. « Comme l'a précisé M. Fabius le 15 février, les parlementaires concernés ne sont porteurs d'aucun message officiel », a ajouté Alexandre Giorgini. Il est vrai que depuis le milieu des années 1970, la France n’a cessé de signer des accords, d’abord avec la Ligue Arabe, puis avec l’Organisation de la Coopération islamique, accords conclus sur le dos des chrétiens en terre d’islam et sur le dos d’Israël.

Michel Garroté, 26 février 2015

2 commentaires

  1. Posté par Sancenay le

    Il est grand temps assurément que « le vent de l’histoire » se retourne ! Il est temps que les nations de l’occident bradeur de leurs racines prennent soin de sauver les dernières traces qui en restent au Moyen-Orient et au Sahel. Faute de quoi elles pourraient elles-mêmes être emportées par le nouveau génocide qu’elles auront amplement causé par leur incurie.Fin des utopies droits-de-l’hommistes contre l’humanité.

  2. Posté par zouk k le

    Analyse très intéressante… où en serions-nous si Poutine n’avait pas mis les pieds au mur contre la guerre ? …certainement le chaos voulu par les USA et sa clique de l’UE comme en Ukraine… merci Poutine !! Les USA fauteur de guerre sont ignobles idem l’UE !

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