L’Occident devrait cesser de diaboliser Poutine, par Yves Boyer

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Un (vrai) pro, Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, fait le point sur les événements en Ukraine…

Alors que Moscou exige un cessez-le-feu «immédiat et sans conditions» entre les forces ukrainiennes et les rebelles pro-russes, des soldats russes ont été repérés dans l’Est ukrainien. A quoi joue la Russie? 20 Minutes fait le point avec Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

L’Otan a confirmé la semaine dernière la présence de troupes régulières russes dans l’Est de l’Ukraine, ce que Moscou dément. Pourquoi?

Parce que tout le monde ment, que ce soit sciemment, par omission ou même par erreur. Il faut donc être très prudent. Un exemple: mi-août, l’Ukraine avait assuré avoir détruit une colonne de véhicules blindés russes entrée la veille sur son territoire. Cette information est peut-être réelle, mais nous en attendons toujours les preuves.

En tout cas, si des officiers et des militaires russes sont sans doute présents dans l’Est ukrainien pour des missions de renseignements et d’aide au commandement, il n’y a pas d’engagement massif des troupes russes.

D’après Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, tout ce que Moscou fait ne vise «qu’à faire avancer une approche politique» dans le règlement de la situation en Ukraine. Qu’en pensez-vous?

Carl von Clausewitz, l’un des plus grands penseurs de la stratégie militaire moderne, a écrit: «La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens»… Dans le cas présent, je crois que les Russes font monter la pression militaire sur Kiev pour inciter ses dirigeants à se rapprocher des rebelles pro-Russes et à trouver avec eux une solution politique au conflit actuel.

Mais quand Vladimir Poutine évoque l’idée d’un «statut étatique» pour l’Est ukrainien, n’est-ce pas une provocation?

Comme on l’a expliqué dans les commentaires, et comme l’a fait Danielle Bleitrach ici, rappelons que ceci est une erreur de traduction de l’AFP, Poutine n’a parlé que d’autonomie dans une Ukraine unifiée. Mais qu’importe la Vérité…

L’Occident devrait cesser de diaboliser Poutine et retrouver la voie de la raison. Il faut écouter ce que la Russie -qui est une grande puissance européenne, une nation dotée de l’arme nucléaire et un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU- dit.

En l’occurrence, il y a des réalités humaines, sociales et historiques à prendre en compte dans l’Est de l’Ukraine. Je ne crois pas à la création d’un Etat spécifique. La Novorossia de Catherine II est une vieille idée qui a été évacuée depuis les années 1920 dans les poubelles de l’Histoire.

Mais sans vouloir une émancipation, un certain nombre d’Ukrainiens de l’Est sont favorables à une fédéralisation. Certains se battent même pour cette idée et pour ce qu’ils croient être les intérêts de leur communauté. Et je rappelle que la fédéralisation est une solution évoquée par la chancelière Angela Merkel elle-même.

D’après vous, la Russie ne tient donc pas un double discours comme l’Occident l’affirme?

Si, parce qu’elle défend ses intérêts. Mais le double langage est tenu partout et par tous, ce n’est pas une spécialité russe. Prenez Petro Porochenko, le président ukrainien. Il est pris en tenaille entre les jusqu’au-boutistes de son camp, qui veulent la peau des Russes, et la nécessaire solution politique, notamment défendue par Allemands, le tout sur fond d’effondrement économique de son pays… Empêtré dans cette situation difficile, il tient lui aussi un double langage.

Que pouvons-nous attendre de la réunion ce lundi du «groupe de contact» à Minsk?

Pas grand-chose, mais paradoxalement, il est très important que ce rendez-vous se tienne… Il aurait en effet pu être annulé compte tenu de l’accélération des événements sur le terrain. Même si aucune solution n’en sortira dans l’immédiat, au moins, le dialogue n’est pas rompu.

Une solution militaire est-elle envisageable?

Aucun dirigeant américain ou européen ne l’envisage. C’est une idée grotesque, pas seulement parce que nous n’en avons pas les moyens, mais parce que si l’Occident commence à tuer du Russe, c’est l’escalade vers la guerre nucléaire. Et personne ne veut d’une telle guerre pour l’Ukraine. C’est peut-être triste à dire, peut-être pas, mais en tout cas, c’est la réalité. C’est la «realpolitik».

Source : 20 minutes, 01/09/2014

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En bonus depuis le Figaro (dont il faut saluer : la plus grande honnêteté intellectuelle dans le suivi de cette affaire par rapport aux autres journaux)

« Poutine et Porochenko ne savent plus s’arrêter » par Hélène Carrère d’Encausse

LE FIGARO. – Vladimir Poutine, qui continue d’envoyer des troupes russes en Ukraine, évoque désormais la création d’un «statut étatique» pour le sud-est de l’Ukraine? Quel est réellement son plan?

Hélène CARRÈRE D’ENCAUSSE. -Le jeu très inquiétant, auquel nous assistons, entre l’Ukraine et la Russie peut devenir une véritable catastrophe pour l’Europe.

D’un côté, le président ukrainien, Petro Porochenko, n’a de cesse depuis son arrivée au pouvoir de vouloir reprendre par la force le contrôle de cette partie russophone de l’Ukraine, après avoir refusé d’accepter le principe d’une fédéralisation du pays. Il joue le même jeu que ceux qui ont refusé aux russophones de la région de parler leur langue, décision qui déclencha un processus de révolte de ces russophones et offrit à Vladimir Poutine la possibilité de s’emparer de la Crimée.

De l’autre côté, Poutine, qui n’a pas selon moi de grand plan préétabli, joue au coup par coup. À la tentation de l’occidentalisation de l’ensemble du pays du président ukrainien qui se dit prêt à adhérer à l’Otan, Poutine, ulcéré par une telle perspective, répond par la provocation. S’appuyant sur les séparatistes ukrainiens, le président russe joue la carte de la déstabilisation du sud-est du pays. Cette partie du pays pourrait ainsi éventuellement devenir la zone de raccord entre la Crimée et la Russie alors que dans l’état actuel des choses la Russie est coupée de la Crimée et doit envisager, pour rendre son rattachement effectif, d’énormes et coûteux travaux de construction d’un pont de plus de 15 kilomètres au-dessus du détroit de Kertch.

L’agitation et la rébellion de l’Ukraine du Sud-Est menace de devenir irréversible. Les habitants du sud-est du pays pourront-ils oublier qu’ils ont été traités en ennemis et vivent aujourd’hui la guerre civile? Poutine tire avantage de cette situation. Certes, les sanctions contre la Russie se multiplient. Il les sait coûteuses pour les pays qui les décident mais également pour la Russie, qui en paie le prix par des difficultés économiques réelles. Soutenir les séparatistes est sans doute contraire à l’ordre international et à la souveraineté de l’État ukrainien. Envoyer des mercenaires ou des soldats sans uniformes en Ukraine n’est pas légal. Poutine, qui le sait parfaitement mais qui est convaincu que cela est couramment pratiqué dans d’autres conflits, notamment par les États-Unis, conteste du coup les accusations portées contre la Russie sur ce point. Mais la situation de quasi-guerre civile dans cette partie de l’Europe et de l’Ukraine déchirée, incite d’autant plus Vladimir Poutine à intervenir que la Russie est exclue pour l’instant du débat sur l’avenir de l’Ukraine.

Si cela n’était pas tragique, le conflit entre l’Ukraine et la Russie ressemblerait à une bataille de gamins qui ne savent plus s’arrêter.

Ils sont, par ailleurs, humiliés par des sanctions prises à leur égard par l’Europe et ils considèrent que leur pays est victime de l’arrogance des pays européens et des États-Unis.

Poutine n’est-il pas fragilisé par la mobilisation des mères de soldats russes? Bénéficie-t-il du soutien du peuple russe?

Oui. Les Russes ont vu avec satisfaction le rattachement de la Crimée à leur pays. Ils sont, par ailleurs, humiliés par des sanctions prises à leur égard par l’Europe et ils considèrent que leur pays est victime de l’arrogance des pays européens et des États-Unis. Ils n’oublient pas que Gorbatchev a accordé au chancelier Kohl en 1990 la réunification de l’Allemagne contre l’engagement que l’Otan ne s’installerait pas aux frontières de leur pays. Pourtant, ils ont laissé les pays Baltes entrer dans l’Otan mais ceci constitue pour la Russie un cas particulier, la limite de l’acceptable. L’Ukraine est différente par ses dimensions et ses liens historiques avec la Russie.

Lire la suite de l’Interview sur le site du Figaro 

20 minutes présentait une carte  de la situation :

On admirera la jolie “invasion” de chars russes (à ce stade, il faut consulter)…

Ceci étant, c’était mieux que la “poche magique sur la mer d’Azov” de la carte de la BBC, en direct des fous de Kiev :

Ceci étant, quand on a le Parisien (finalement, il vaut mieux l’avoir en voisin qu’en journal) :

Le Nouvel Obs, grandiose :

L’article est court :

Au moins, la relève des “diplomates” européens est assurée :

 

 

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