Avec une caisse unique, le pire est sûr

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

Toute personne domiciliée en Suisse doit conclure une assurance de base. Elle peut le faire actuellement auprès d'une des 61 caisses-maladie de droit privé. Ces caisses-maladie ne peuvent refuser aucune personne dans l'assurance de base, qui couvre des risques fixés arbitrairement par la loi.

Les primes que font payer les caisses-maladie pour couvrir ces risques de base doivent être approuvées chaque année par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Pour que les bons (ou mauvais) risques soient répartis, il existe en outre un système de compensation entre assureurs.

Comme on le voit, il y a certes concurrence entre les caisses-maladie, mais elle est réduite à une peau de chagrin de par l'intervention étatiste.

Toute économie administrée de la santé se traduit inévitablement par une inflation des dépenses, par un rationnement des soins, par des files d'attente, par des privilèges occultes.

Il faut savoir que les dépenses de santé en Suisse en 2011 (64.6 milliards de Francs) représentaient 11% du PIB, ce qui est comparable aux chiffres de l'Autriche (10.8%), de l'Allemagne (11.3%) ou de la France (11.6%), mais ce qui est bien supérieur aux chiffres de Singapour (4.2%), où la qualité des soins n'est pourtant pas moins bonne...

Cette même année 2011, l'assurance de base ne couvrait que 40.5% de ces dépenses. C'est dire que l'assurance de base n'est même pas prépondérante en la matière.

Quoi qu'il en soit, l'inflation des dépenses relatives à l'assurance de base est aujourd'hui favorisée par l'illusion de la gratuité qu'éprouvent ceux qui ne payent pas de primes ou qui payent des primes réduites. Ce qui correspond tout de même à 30% des assurés...

Sans que l'on s'en rende compte, cette inflation des dépenses conduit peu à peu au rationnement des soins qui résulte de toute demande de soins illimitée. Les conséquences en sont déjà des files d'attente...

Aujourd'hui, grâce à la concurrence relative des caisses-maladie entre elles, les frais administratifs de ces caisses sont limités à environ 5% des primes, y compris leurs frais de publicité (0.3%).

D'aucuns voudraient maintenant que le système de santé suisse de base, qui souffre déjà d'un manque cruel de concurrence et, donc, de privilèges occultes, ne connaisse plus de concurrence du tout.

Ces apprentis-sorciers ont déposé le 23 mai 2012 une liste de 115'841 signatures valables à l'appui d'une initiative populaire fédérale "pour une caisse publique d'assurance-maladie", sur laquelle le peuple suisse se prononcera le 28 septembre prochain.

Ces initiants prétendent que les primes et que les frais administratifs baisseront grâce à l'instauration de ce monopole public. Or il n'existe nulle part au monde de cas où un monopole public s'avère moins coûteux que des entreprises privées en concurrence, même réduite.

Au contraire, non seulement un monopole public n'est pas moins coûteux que des entreprises privées obligées d'innover et tenues de ne pas creuser de trous sous peine de faillite, mais il est bien souvent déficitaire et endetté: la protection de l'Etat n'incite jamais à la vertu dans les comptes.

Bref, le remède que préconisent les initiants à ce qu'ils appellent pseudo-concurrence est pire que le mal - qui est d'ailleurs moindre qu'ailleurs. Avec leur caisse unique, le pire est même sûr.

Francis Richard

Publication commune avec Le blog de Francis Richard

5 commentaires

  1. Posté par Francis Richard le

    On peut préférer, comme les commentateurs Nicolas et Alain, un système étatisé à un système libéral. Mais est-il juste qu’il soit imposé à ceux qui n’en veulent pas (ce qui se produira si l’initiative socialiste) est adoptée par le peuple?
    Le système actuel de santé en Suisse n’est pas le moins du monde libéral, mais, tel quel, il est pourtant préférable à un système étatisé. Ne serait-ce que parce qu’il donne aux patients quelques degrés de liberté, toujours bons à exercer.
    Effectivement, Alain, un secteur public obligatoire ne peut pas par définition fonctionner de manière libérale. Mais, pourquoi donc le système de santé devrait-il être un secteur public, qui plus est obligatoire? C’est un a priori, qui conduit à préférer que l’Etat (Confédération et Cantons) et les prestataires médicaux décident des primes et des prestations à la place des patients, considérés comme des enfants, qui ne savent pas ce qui est bon pour eux et incapables de discernement (mais on les trouve suffisamment adultes quand il s’agit de voter…).
    Quand un consommateur achète une automobile à laquelle il confie pourtant sa vie, il sait bien se renseigner sur ses qualités et ses défauts, par exemple en lisant la presse spécialisée ou en profitant de l’expérience des autres. Pourquoi n’en serait-il pas de même en matière de santé, sauf à admettre que les êtres humains ne peuvent jamais être adultes hormis une élite autoproclamée?
    Alain donne l’exemple de la SUVA et de l’AI pour dire que ce sont des réussites. Comme, dans l’un et l’autre cas, il n’y a pas concurrence, il est facile de dire que ces deux « assurances » sont moins coûteuses pour les patients qu’un système hypothétique qui n’existe pas et que l’on rejette par principe.
    Je ferai simplement remarquer qu’à défaut de pouvoir faire d’autres comparaisons chiffrées, dans le cas de la SUVA, les frais d’exploitation représentent 9,7% des charges de sinistres et, dans le cas de l’AI, les frais de gestion représentent 7,1% des prestations (les cotisations AI ne représentent que 51% des recettes…). A comparer aux 5% des frais de gestion de l’assurance obligatoire de soins, administrée et gérée par des entreprises privées.
    Dans tous les pays, comme la France, où l’assurance maladie est étatique, elle est chaque année déficitaire et sa dette croît inexorablement pour atteindre des sommets. Au moins dans le système de santé suisse actuel, tout imparfait qu’il soit, n’y a-t-il pas de déficits abyssaux.

  2. Posté par Alain le

    Merci Nicolas.

  3. Posté par Alain le

    Cet article est totalement caricatural : privé = efficacité; Etat = gaspillage.
    Il passe totalement sous silence le point explicité par Nicolas : la lutte depuis des années des assureurs pour prendre le contrôle de ce secteur. Leur lobbying est très puissant. Et on voudrait nous faire croire que ce secteur public, obligatoire, pourrait fonctionner de manière libérale ? Quelle mensonge ! Dans un système libéral, il n’y a pas d’assurance obligatoire se soins, pas d’usine à gaz genre LaMal. Le libéralisme de notre époque, c’est l’Etat qui offre des marchés aux grands intérêts sous couvert de libéralisme, nuance. Et Monsieur Richard ne semble pas l’avoir remarqué.
    Etatiser la LaMal protégerais ce secteur public des puissants appétit privés.
    Pour finir, Monsieur Richard ne mentionne pas deux exemples éloquents :
    1) le système de santé américain: véritablement libéral, et véritablement catastrophique.
    2) la SUVA, ou l’AI, qui, totalement étatiques, fonctionnent très correctement.
    Je ne suis ni pour l’inflation démesurée de l’Etat, ni pour la privatisation rampante (mensongère) du secteur public. Que l’Etat reste l’Etat et le privé le privé ! N’en déplaise aux lobbyistes.
    Alain

  4. Posté par Nicolas le

    Depuis 2004 et l’application de la Lamal, les assurances mènent le bal. Les assureurs ont même eu l’outrecuidance de s’autoproclamer Santésuisse, alors que ce ne sont que de vulgaires commerciaux. Comment ose-t-on prétendre que la qualité et l’efficience des soins sont gérées à l’avantage de la population par des entreprises à but lucratif dont la comptabilité est d’une totale opacité, sauf à être complètement crétin ou méchamment hypocrite. Cela fait des années que les assurances de soins tentent de mettre fin à l’obligation de contracter et au moratoire sur l’installation de nouveaux cabinets médicaux. A force de revenir à la charge avec le soutien de politiciens grassement rétribués, elles finiront par y arriver. On assistera alors à la disqualification de certains médecins suisses au motif qu’ils sont trop coûteux parce qu’ils soignent trop de patients chroniques, et on les remplacera par des médecins étrangers aux compétences non vérifiées, prêts travailler à prix cassés sous le diktat des caisses. Les Suisses l’ont bien compris, et ce n’est pas de tels articles nés sous des plume mal trempée qui les rendra encore plus idiots que leurs auteurs. Dont acte.

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