Les anti-héros sont-ils vraiment des héros ?

Uli Windisch
Rédacteur en chef

Nous attendons donc avec impatience les séries de reportages détaillées sur la vie brisée de tant de victimes, après avoir entendu ce journaliste souhaité bonne chance à ce criminel. Osons-nous dire criminel coûteux sans subir les foudres de la culpabilisation ? Nous prétendons que oui, surtout en pensant, par comparaison, aux indemnités des victimes, quand ces dernières existent.

 

La tendance à renverser l’échelle des valeurs en faisant des criminels, des déviants et autres destructeurs de nos sociétés, considérées comme horribles, injustes, coupables de tous les maux et ne méritant que leur destruction, a été particulièrement forte dans les années 1960-1990 pour ensuite s’atténuer quelque peu. Le marxisme était bien sûr pour quelque chose dans la nécessité absolue de diaboliser, de détruire, en l’occurrence, le capitalisme. Cette phase de culpabilisation semble néanmoins avoir laissé quelques traces.

Quels que soit les méfaits commis par certains individus déviants, ils étaient excusables puisque la faute était toujours à la société, à notre société, intrinsèquement et éternellement coupable. La responsabilité individuelle n’était rien à côté de l’essence profondément maléfique de La Société. L’excuse sociale, sociologique,  justifiait toutes les atteintes à notre société. Tel était le réflexe pavlovien de l’explication des phénomènes sociaux, notamment  pour les multiples atteintes à la société, aux biens et même aux personnes.

Cette lame de fond semble refaire surface sous diverses formes, de manière moins évidente, plus difficilement identifiables.

Tout récemment « notre » radio a consacré une semaine entière aux prisons, aux prisonniers, avec bien sûr un angle souvent accusateur envers les conditions inacceptables, voire, « inhumaines » des prisonniers et du régime carcéral. Une telle série d’émissions peut parfaitement se justifier et même s’avérer intéressante et nécessaire, mais son unilatéralité et le fait qu’on ne parle quasiment que des prisonniers et très peu, voire jamais des victimes de tous ces criminels qui sont en prison, quand ils le sont, devraient poser problème.

Un minimum d’objectivité nécessiterait de temps en temps également quelques émissions montrant cette fois la terrible et insupportable situation des très nombreuses victimes de ces criminels, victimes qui sont souvent marquées à vie par la  gravité des actes commis envers eux par d’ignobles crapules et criminels de toutes sortes. Pour voir ou entendre de semblables séries d’émissions de manière régulière il faudra sans doute attendre encore longtemps.

Si nous avions les moyens pour investiguer et faire parler ces laissés-pour-compte nous montrerions ce désarroi et ces malheurs inguérissables de nombre de victimes, et l’impression de  véritable viol de l’ intimité que représente un simple cambriolage, racket ou l’extorsion sous la contrainte même de quelques objets indispensables du quotidien ayant souvent nécessité des heures et des heures de travail et d’économies.

Cette automaticité de la défense des criminels et surtout son exclusivité peut être considérée comme relevant de cette même tendance à excuser, voire à héroïser ces criminels en rendant la société fautive de leurs conditions « difficiles ».

Cette tendance devient encore plus nette lorsque tel journaliste prend la défense d’un criminel, devenu connu sous le nom de Carlos, et dont la « réinsertion » coûte des dizaines de milliers de francs par mois. Oui par mois !

Même lorsqu’il ne s’agit pas directement de la défense des criminels, il y a toujours minimisation ; une minimisation tout à fait inacceptable, voire scandaleuse pour une grande partie de la population, surtout lorsqu’on se souvient du nombre de personnes qui vivent dans la gêne, la difficulté et la pauvreté.

A titre d’exemple il y a l’article de J.-C Péclet dans le MatinDimanche du 30 mars 2014 qui s’émeut de l’exaspération et de la protestation populaire massive face à cette tentative de « réinsertion », dudit Carlos, sans enfermement, et donc au coût faramineux. Le journaliste parle de  « la polémique proche de l’hystérie » qu’a déclenchée la révélation de cette affaire et écrit encore que « cette histoire nous renvoie un reflet peu flatteur ». Il critique aussi le fait que l’on n’a retenu que le coût ! Et qu’ensuite « la meute a suivi ». Il s’en prend même aux médias, donc aux autres, qui n’en sortent pas « grandis ».

Il souligne que même le « Tribunal fédéral a dû rappeler  aux autorités zurichoises que nous vivons dans un Etat de droit et que la vindicte populaire n’est pas un motif suffisant d’enfermement ». Vindicte populaire ?

Le journaliste parle encore de « la lâcheté d’une société dont le premier réflexe est de se couvrir les fesses » ! Le fait qu’une dizaine de spécialistes s’occupaient parfois de ce criminel- il a quand même donné « un coup de couteau presque mortel quand il avait 15 ans » - dixit le journaliste- sans doute une broutille, ne le surprend guère. Pas un mot de la victime. Mieux, en conclusion, c’est au criminel qu’il souhaite « bonne chance ».

On pourrait poursuivre la logique de ce genre d’analyse mais le type d’exemple cité devrait suffire à montrer que la tendance à rendre responsable la société, à la culpabiliser, à faire appel à l’excuse sociale, et à déresponsabiliser les individus criminels, voire à héroïser des anti-héros, et donc à négliger les victimes, constitue bel et bien un réflexe conditionné encore profondément ancré dans certaines manières de percevoir et « d’analyser »  le social.

Nous attendons donc avec impatience les séries de reportages détaillées sur la vie brisée de tant de victimes, après avoir entendu ce journaliste souhaité bonne chance à ce criminel. Osons-nous dire criminel coûteux sans subir les foudres de la culpabilisation ? Nous prétendons que oui, surtout en pensant, par comparaison, aux indemnités des victimes, quand ces dernières existent.

Last but not least, on ne peut s’empêcher de penser aux effets de ce genre de présentation de l’activité criminelle sur une grande partie de la population, notamment sur celle donc qui vit ou survit péniblement. Mais ce genre de question relève sans doute du « populisme » le plus crasse pour ce type de journalisme.

Uli Windisch, 6 avril 2014

 

 

2 commentaires

  1. Posté par dominique degoumois le

    les délinquants sont des héros des victimes, et les victimes des sortes de coupables qui l’ont bien cherchés, à l’image de cette jeune fille violée, il y quelques mois! On nous explique qu’elle est très (trop) mignonne!!!!! Si elle avait été voilée elle n’aurait pas été agressée, en gros!

  2. Posté par Patricia le

    Excellente analyse! Vraiment, rien à redire, c’est clair et précis. Malheureusement, la censure sur les sites du torchon orange et son équivalent 20 minutes, empêche souvent toutes personnes qui veut aussi que les victimes d’agressions soient écoutées et médiatisées.
    Le 90% des articles sur les faits divers parlent des détenus.
    C’est comme ce journaleux de la TSR qui dit que « l’opulence et les richesses sur la riviéra vaudoise et au abords de Genève ne peuvent qu’attirer les voleurs ». C’est normal quoi ! Ce qu’il oublie par idéologie gauchiste, c’est que même des gens de la classe et moyenne et pauvre se font cambrioler, voler dans leur auto, maison ou dans la rue et violer dans leur intimité ! Et ce sont eux les plus nombreux d’ailleurs. Beaucoup moins les riches bourgeois dans leurs quartiers bien sécurisés. C’est logique. Mais pas pour tout le monde apparemment.
    Bref, cette presse gauchisante n’est plus crédible. Et cela c’est démontrer à moult reprise lors des votations. Dommage, elle a réussi son coup pour Schengen. On voit ou ça nous a mené. Chômage et insécurité en hausse.
    Quand à la « faute de la société » j’aimerai rappeler à nos chers « journalistes » que beaucoup de monde vit dans la précarité, dans une grande pauvreté, ont de la peine à boucler leurs fins de mois mais restent dignes et ne font de mal à personne! Et ils ne se réfugient pas derrière l’excuse « C’est la faute à la société ». Ayant vécu personnellement une période très difficile, j’ai surmonté les épreuves sans à avoir fait du mal à autrui qui ne m’a rien fait et qui n’est en rien responsable de mon ancienne situation.
    Et pour finir, ce fameux carlos, sa réinsertion sera plus que difficile. Il est traité comme un enfant roi: Il a commis un délit très grave, et on le bichonne et on le forme au combat. On sait tous comment réagit un enfant-roi devant la frustration : colère et violence. Nous avons les pires psychiatres, psychologues, pédagogues de la planète. Triste.
    A toutes les victimes de ces gens protégés par des bobos bien-pensants et les médias, une pensée émue.

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