Réseaux de soins: la panacée? votation du 17 juin

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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Qu’est-ce qu’un réseau de soins intégrés ou « Managed Care » en bon français?

Le 17 juin 2012 le peuple suisse vote sur une loi qui donne la possibilité aux assureurs maladie de proposer à leurs clients d’opter pour un réseau de soins intégrés. Le but officiel est de maintenir « la qualité du système actuel », de continuer « à développer les soins médicaux» et « de freiner l’évolution des coûts » de la santé[1].

Cette loi approuvée largement par le Parlement le 30 septembre 2011 et soutenue par le Conseil fédéral fait l’objet d’un référendum facultatif. C’est pourquoi son sort est désormais suspendu, dans quatre semaines, aux bulletins glissés dans les urnes.

Si on veut voir le bon côté des choses, c’est une nouvelle possibilité accordée aux assurés de réduire leurs primes après celles offertes quand ils se limitent à un seul médecin de famille et quand ils choisissent une franchise élevée.

Qu’est-ce qu’un réseau de soins intégrés ou « Managed Care » en bon français?

L’Office fédéral de la santé publique, OFSP, le définit en ces termes:

«Un réseau de soins intégrés est un rassemblement de fournisseurs de prestations médicales qui offrent à l’assuré un suivi et un traitement coordonné tout au long de la chaîne thérapeutique. »

Si la loi est adoptée, un réseau de soins intégrés, une fois constitué, pourra contracter avec un ou – c’est vivement conseillé – plusieurs  assureurs.

Un assuré pourra choisir soit un réseau de soins intégrés puis un assureur avec lequel celui-là  aura contracté, soit un assureur puis un réseau de soins intégrés parmi ceux qui auront contracté avec lui.

Une fois que l’assuré aura fait son choix d’un réseau de soins intégrés, il ne pourra plus en changer. Il lui sera lié ad vitam sauf versement d’une prime de sortie convenue, qui risque d’être dissuasive[2]

Pour inciter les assurés à choisir cette option de réseau de soins intégrés, le législateur a prévu une carotte et un bâton, une bonne et une mauvaise nouvelle.

La bonne nouvelle est que les assureurs feront des réductions aux assurés qui opteront pour un réseau de soins intégrés – voire leur accorderont des ristournes –, et  que leur quote-part de 10%, au-delà de la franchise choisie, ne sera appliquée que jusqu’à un maximum de 500 francs pour un adulte au lieu de 700 francs actuellement.

La mauvaise nouvelle est que les assurés qui n’opteront pas pour un réseau de soins seront punis: leur quote-part au-delà de la franchise choisie passera à 15% et le maximum en sera porté à 1'000 francs au lieu de 700 francs actuellement.

Bref, il ressort de tout cet échafaudage, édifié laborieusement par le Parlement pendant les dix dernières années, que l’assuré modeste n’aura pas vraiment le choix. Tout est fait pour qu’il opte pour un réseau de soins intégrés, sinon il devra payer pour conserver une liberté de choix de son médecin toute relative.

Les partisans des réseaux de soins intégrés disent, selon une dépêche de l’ATS, que déjà 1,3 millions d’assurés les ont rejoints, de même que la moitié des médecins de famille et plus de 400 spécialistes. Une loi d’incitation était-elle donc nécessaire si les réseaux de soins intégrés sont aussi attractifs?

Les coûts seront-ils vraiment freinés? Laissons sur ce sujet la parole à deux socialistes, compétents par définition.

D’un côté, le conseiller d’Etat socialiste vaudois Pierre-Yves Maillard [3] dit que « la loi ne donne aucune garantie que les patients malades, les 10% d’assurés qui occasionnent 70% des coûts, iront dans les réseaux ».

Il aurait certainement préféré, en bon socialiste, que l’affiliation aux réseaux de soins intégrés soit obligatoire…

De l’autre, le ministre socialiste Alain Berset affirme que si 60% des assurés s’affilient à des réseaux de soins il en résultera des économies de l’ordre de 1 milliard, ce qui correspond à 4% des primes[4].

Dans son calcul hypothétique intègre-t-il les 10% d’assurés de son camarade Maillard?

De tout ceci on peut conclure que les politiques ont une fâcheuse tendance à vouloir faire croire aux citoyens qu’ils sont libres de leurs choix alors que l’incitation et la punition sont une manière déguisée de les contraindre à suivre ce que ces omniscients ont décidé pour eux.

Francis Richard

 

 

 

 

 



[1] Fiche d’information concernant les réseaux de soins intégrés de l’OFSP datée du 22 mars 2012

[2] Comme auparavant, le contrat peut être résilié en cas de modifications importantes ou de hausse démesurée de la prime.

[3] Dans Le Temps du 16 mai 2012

[4] Dans L’Hebdo du 16 mai 2012 et dans la NZZ du 18 mai 2012

Un commentaire

  1. Posté par Michel de Rougemont le

    « les 10% des assurés qui occasionnent 70% des coûts »
    Si l’on désire faire des économies substantielles ce sera dans ce groupe qu’il faudra chercher et non dans des batailles secondaires à propos de médicaments génériques, de médecines alternatives ou de consultations frivoles. Mais, alors que le 90% des assurés n’appartiennent pas à ce groupe ils risquent tous de le joindre, ce n’est qu’une question d’âge et de temps, les « bons » cas mourant vite d’un accident ou d’une maladie fulgurante étant peu nombreux. Et c’est cette perspective qui fait peur: lorsque le gros pépin viendra – et il viendra – chacun voudra pouvoir accéder à une offre de pointe, non limitée par l’affiliation de l’assuré à un seul réseau. La proposition du Conseil fédéral ne répond à ce besoin que par des différences tarifaires: ça coûtera encore plus cher lorsque nous serons très malades car nous ne serons pas disposés à rester enfermés dans un système! Est-ce bien là la politique de santé désirée?
    L’État fédéral ou cantonal s’implique dans la mise en place de solutions de santé. On n’oserait pas imaginer qu’il s’implique de manière similaire dans le développement industriel du pays car on sait qu’il n’est pas doué de la souplesse créatrice ou destructrice nécessaire. Avec l’instauration de réseaux de soins quasi-obligatoires (car la liberté de n’en pas faire partie coûtera trop cher), le système sera encore plus figé qu’avant, sans aucun moteur de changement réel car aucun des acteurs n’y a intérêt à le changer.
    Les coûts de la santé s’élèvent à 11.4 % du PIB (2010). C’est l’un des rares facteurs de croissance d’une économie post-industrielle telle que la nôtre. Si l’on appliquait à ce secteur quelques-uns des principes d’économie libérale, une saine concurrence devrait pouvoir se développer pour que chacun des acteurs soit soucieux d’offrir le meilleur service aux meilleures conditions. Une concurrence ouverte entre médecins, cliniques et autres services est actuellement interdite sous prétexte d’un incertain code de déontologie, plus protecteurs de prébendes qu’incitateur à la qualité et à l’efficience. Le rôle de l’État devrait plus être celui de la mise en place de conditions cadres permettant une mise en concurrence des acteurs, avec les garde-fous nécessaires, que celui du planificateur et du prescripteur toujours en retard d’une étape.

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