L’étrange campagne du candidat Varone

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Estéthique surannée, choix extravagants, langue en bois de rose, l’image graphique et textuelle de la campagne de Christian Varone semble faite pour accentuer toutes une série de lacunes qu’elle aurait dû gommer. Une superficialité qui semble atteindre jusqu’au coeur même de son programme.

Menton carré, gueule énergique, le regard ferme dans le lointain, le Valais ne s'est pas encore lassé de l'iconographie des grands hommes à l'aube des grandes conquêtes. Christian Varone est certainement bel homme et l'épreuve a su chasser cette ombre de timidité dominatrice que l'on peut trouver sur tous les autres clichés. L'absence de slogan, qu'a su relever Le Temps, témoigne en revanche d'une confiance exagérée dans les facilités de la retouche photographique et les ressorts d'une séduction qui n'aurait pas besoin de convaincre.

Or, face au vrai grand défi qui attend Christian Varone, renoncer d'avance à la joute argumentative est une erreur qui pourrait s'avérer mortelle. Et c'est ce qui choque le plus ici, la direction de campagne ayant pris résolument son fait de ne pas présenter son candidat sur le terrain: le terrain pratique, en sa qualité de chef de la police cantonale, qu'il est et qu'il ne cesse pas d'être, le terrain politique en sa qualité de candidat PLR opposé à la plus effroyable bête de scène du marché en ce moment.

Cette capitulation donne alors lieu à toute une succession d'errements censés lisser l'image du commandant Varone mais qui peinent à rendre sympathique quelqu'un qui l'est certainement mais n'est pas né pour que cela se voit au premier coup d'oeil. En outre, cette façon de faire brouille la visibilité précise des buts du candidat. Il s'agit là d'un postulat, un postulat honteux qui repose sur l'idée que quiconque à l'image tiède, voire un peu creuse, mais positive, a plus de chances d'être élu qu'un autre, indépendamment de son efficacité ou de celle de son programme. Gageons que la deuxième phase de la campagne sera une attaque en règle de la personnalité de l'adversaire, forcément plus marquée; rien de très glorieux en somme. Ce genre de stratégie a pour habitude de fonctionner dans une population lessivée par les habitudes, mais pour combien de temps ? Il suffit que les électeurs aient soif d'un peu de changement.

Que la direction de campagne ait planifié sur l'irréflexion d'un électorat où la conviction s'hérite de génération en génération, la chose paraît avérée, mais qu'elle en vienne à de pareilles libertés, la logique paraît difficile à suivre. Ainsi l'effet de la première photo, tant sur la page Facebook que sur le site du candidat Varone, se trouve annulé par le portrait en taille mannequin d'un commandant Varone en trench coat aux allures d'ex-agent « qui venait du froid », cravate pastel mise à part, échappé tout droit d'un épisode de la série Derrick.

Le lecteur nous pardonnera la facilité de la charge, mais le fait est que la passion déraisonnable du bureau de la communication de Christian Varone pour Instagram (un programme d'insertion de photos rendu célèbre pour sa capacité à imiter les couleurs passées des vieux polaroïds) donne à l'ensemble un petit côté apparatchik au balcon de la place rouge à l'aube de la chute du mur, pardon, un petit côté "eighties-nineties" qui colle assez mal avec la vision d'avenir que l'on souhaite apporter.

Partant de là, tout semble permis, une carte de voeux aux allures de Roland Collombin sur l'arrivée de Sapporo, le vieux bonnet Crédit Suisse vissé sur le haut du crâne (on ne se refait pas au parti radical), la vidéo attenante du candidat skiant à l'envers sur l'air, horripilant, du Gangnam style (un appel aux jeunes ?), des réponses sur son mur Facebook d'une asepsie confondante, mièvrerie d'ambiance où l'on découvre que Christian Varone  n'a d'autre chose à partager avec ceux qui cherchent à en savoir plus sur son programme que son amour des forêts enneigées, des couchers de soleil et des chalets croulant sous la neige, pour autant qu'il soient tous passés sous le filtre septantisant d'Instagram. Christiane Varone mérite mieux.

Il mérite mieux d'autant plus que cette légèreté semble pénétrer au coeur de la rédaction de son programme qui semble s'appliquer à enchaîner les lieux communs avec un zèle appuyé: « Nous vivons dans un monde de plus en plus globalisé. Le changement et l’innovation y sont devenus la règle... La mondialisation entraîne une concurrence acharnée ...  Le changement climatique amène de nouvelles problématiques dont on ignore encore l’ampleur. »
L'idée qu'aura retenue la presse sera celle, hasardeuse, de court-circuiter les députations en dépêchant un VRP à Berne, sur les points essentiels, l'on passe tout à côté. Sur la politique de sécurité, par exemple, la priorité est donnée aux... tremblements de terre. La solution à la criminalité semble toute trouvée, boucler les frontières, comme si le problème ne pouvait venir que de là. Sans doute était-on en droit d'attendre un peu plus du chef de la police. Enfin, c'est sans rire que Christian Varone réclame des « procédures accélérées qui permettent de déférer rapidement les auteur-e-s d’infractions devant les tribunaux », comme on le comprend !

L'on nous trouvera dur et l'on aura raison, si Christian Varone mérite mieux, nous l'avons dit, les Valaisans aussi. Le candidat Varone a certainement une valeur, qu'il l'a montre. Qu'il tombe la chemise et qu'il affronte les arguments et les adversaires que le destin lui présentera, qu'il ne prive pas ses électeurs des preuves de sa capacité à mener le combat. La campagne qu'il a eue à subir l'a sûrement affecté, mais qu'il ne se laisse pas convaincre par son bureau politique qu'il doit se faire oublier ou pardonner certaines choses, auquel cas il passera à côté de ce qu'il est vraiment et de ce qu'il peut être. Il a pris le parti d'y aller, qu'il y aille, « on n'abdique pas l'honneur d'être une cible ». Bonne campagne.

3 commentaires

  1. Posté par La Rédaction le

    @ Géo Cher Monsieur, vous trouverez nos coordonnées sous « Mentions légales » en bas de page de notre site.

    Cordialement.

  2. Posté par Robyr Julien le

    La campagne de M. Varone est une catastrophe, avant même le début de la campagne officielle. L’histoire du caillou, en fait, on s’en moque; Varone a fait une bêtise ou a été naïf lors de ses vacances; ça peut arriver à tout le monde, même au chef d’une police cantonale, qui n’est pas supposé connaître par coeur le code pénal de tout pays où il va passer ses vacances. De ce côté-là, M. Varone a assumé et assumera; fin de l’épisode.
    Ce qu’il y a, c’est que M. Varone refuse le débat politique: lors des nombreuses entrevues avec la chaîne Canal 9, il s’obstine à ne pas émettre d’opinion. A la question des redevances des barrages (faut-il donner plus au canton ou plus aux communes), Varone répond en gros: « Je pense qu’il faut trouver une solution pour tout le Valais, une solution qui soit avantageuse à la fois pour le canton et les communes ». A une question ayant trait à l’éducation (c’est le département actuel de M. Roch, démissionnaire au printemps), même réponse vague: « Je pense qu’il faut un bon système d’éducation pour nos enfants ». Et ainsi de suite; ces exemples de platitude ne sont même pas exagérés. Au congrès radical, où le candidat officiel doit être nommé, Varone clame: « Si on en veut tellement à ma peau, c’est qu’elle doit valoir cher! » S’il le dit…
    Ce qui irrite, c’est l’impression que donne M. Varone, comme s’il n’avait rien à prouver; comme si son élection n’était qu’une bête formalité. Il a ses qualités et a montré qu’il sait diriger la police cantonale de manière efficace, mais il refuse d’émettre une quelconque opinion politique; c’est tout juste si on sait de quel parti il est membre. Ne pas avoir de charisme, c’est une chose, mais ce n’est pas l’essentiel; par contre, refuser le débat des idées, c’est autre chose.
    Malgré ça, à moins d’un retrait de candidature en cas de condamnation en Turquie, Varone sera confortablement élu: le PDC souhaite maintenir ses 3 sièges, le PS souhaite maintenir le sien et le PRD souhaite remplacer Claude Roch par Christian Varone: pas besoin d’avoir fait un doctorat en sciences politiques pour deviner que ce cartel de trois partis va maintenir ses acquis sans encombre. Ce qui ne veut pas dire que le gouvernement actuel ait fait du mauvais travail, de loin pas.

  3. Posté par Géo le

    Article non signé, et vous réclamez l’identité de vos correspondants. Quelle crédibilité !

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