La Corée du Nord en suspens

Bruno Pellaud
Bruno Pellaud
Physicien
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Le petit-fils du fondateur du régime reprend les rênes du pouvoir. Apporte-t-il un nouvel espoir ou va-t-il rester prisonnier des militaires? Certains signaux peu fiables annoncent un ton inédit, notamment une disposition à négocier avec les Américains sur l’abandon de l’enrichissement d’uranium en échange d’une aide alimentaire massive.

Pour l’instant, difficile de savoir qui exerce effectivement le pouvoir. Certes les militaires, mais pas encore Kim Yong-eun lui-même. Son oncle, Jang Sung-taek, général et beau-frère du défunt père Kim Yong-Il, assure semble-t-il la régence. Kim Yong-eun, aime-t-il déjà le pouvoir ou va-t-il se cantonner dans les menus plaisirs musicaux et sportifs de l’Occident - qu'il a découvert pendant son séjour de quatre ans en Suisse, à l’École internationale de Gümligen en langue anglaise et à l’école publique de Liebefeld en langue allemande?

Le monde nord-coréen est opaque; rares sont les occasions de s’y approcher. Dans les années nonante, j’ai passé une semaine à Pyongyang pour y négocier les modalités de contrôle des activités nucléaires du pays au nom de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

L’année dernière en Allemagne, j'ai participé  à une rencontre informelle de trois jours entre une délégation du Ministère des Affaires étrangères de Pyongyang et une brochette d'anciens hauts fonctionnaires de l'Administration américaine sous les présidents George H. W. Bush, Bill Clinton et George W. Bush. J'y étais invité pour modérer le débat sur le dossier nucléaire, alors que deux allemands le firent sur les dossiers économiques et militaires. La discussion contrasta étonnamment avec les poncifs habituels de la propagande nord-coréenne. Un vrai échange de vues eut lieu, en langue anglaise, sur la base de documents écrits soumis à l'avance par les deux parties.

Dossier militaire

On parla du déséquilibre des forces militaires en présence sur la péninsule coréenne, des évènements violents de la fin 2010 et de la mise en place de moyens de communication rapide pour prévenir de futures crises (téléphone rouge). Les Américains insistèrent sur le transfert imminent du Haut Commandement régional vers le partenaire sud-coréen. Ceci au grand déplaisir des Nord-Coréens qui ne veulent traiter qu’avec les États-Unis.

Dossier économique

Les Coréens exaltèrent leur plan-cadre visant à encourager l’implantation de partenaires industriels étrangers. Un illustre ambassadeur américain, routinier des négociations avec les régimes communistes, expliqua avec patience que les réformes économiques devaient impérativement commencer à l'interne: "Regardez le succès économique de la Chine, regardez le Vietnam. Le Vietnam partage avec vous deux lourds fardeaux historiques: la Chine géante comme inconfortable voisin et une guerre terrible avec les États-Unis. Aujourd’hui, les multinationales américaines sont implantées au Vietnam».

Dossier nucléaire

Les Nord-Coréens accusèrent les États-Unis d’avoir saboté les négociations prometteuses engagées en 2003, cette menace justifiant à leurs yeux le lancement d’un programme d’enrichissement d’uranium en 2009.  En automne 2010, une installation de 2000 centrifugeuses fut montrée à Siegried Hecker, le meilleur spécialiste américain en armes nucléaires, qui jugea impossible un tel pas en avant en moins de deux ans. En fait, on le sait, le lancement datait de 2001. Pour l’instant, les deux explosions nucléaires de 2006 et 2009 confortent le régime de Pyongyang dans l’illusion qu’il a maintenant rejoint la cour des grands et que même des avantages commerciaux pourraient en découler.

Cette insolite réunion de 2011 montra qu’un dialogue était possible, que plusieurs fils tenus existaient, assez forts pour permettre une vaste négociation en parallèle sur les dossiers militaire, économique et nucléaire et sur la rédaction d’un traité de paix. Mais pour l’instant, tout reste en suspens, en attendant de voir si Kim Jong-eun s’avérera plus suisse que stalinien.

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