France: présidentielles, désinformation, grossièretés

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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Il faut donc que la gauche réussisse à susciter un rejet passionnel de Nicolas Sarkozy de la part d’une fraction significative des électeurs de droite en pratiquant la bonne vieille méthode de la désinformation…

Au Salon de l’Agriculture, il y a quatre ans, Nicolas Sarkozy tend la main à un homme qui la lui refuse:

-  Ah non, touche-moi pas, dit cet homme

-  Casse-toi alors, répond Nicolas Sarkozy

-   Tu me salis

-  Casse-toi alors, pauvre con

C’est grossier. Le dialogue impromptu ressemble à du Audiard, sans l’humour. Les propos sont surprenants dans la bouche d’un président de la République.

Mais ils ne devraient pas émouvoir plus que cela les bobos…qui en disent certainement d’autres et qui d’ailleurs lisent Jean Genet… et parfois Céline.

Au début de cette année, lors d’un déjeuner de presse, François Hollande imite Nicolas Sarkozy:

"Je suis le président de l'échec, je suis un sale mec, mais, dans cette période difficile, je suis le seul capable."

C’est grossier de traiter implicitement le Président de la République de "sale mec" en lui attribuant de tels propos. Cela révèle le peu d’estime que François Hollande a pour Nicolas Sarkozy, d’autant que c’est voulu, réfléchi et pesé devant des journalistes, mais cela reste dans un registre tout au plus grossier.

Depuis le premier tour des présidentielles, sentant le doux fumet du pouvoir parvenir à ses narines, le monde politico-médiatique de gauche ne se retient plus et se croit tout permis puisque les sondages lui accordent 80 à 90% des voix dans la plupart des rédactions ici.

En principe les deux candidats du second tour ont besoin de récupérer des voix au centre et à l’extrême-droite pour l’emporter. Statistiquement, comme le montre l’équation de la droite de tendance de Bertrand Lemennicier, vérifiée 7 fois sur 9, lors des précédentes élections présidentielles de la Ve République, Nicolas Sarkozy devrait l’emporter au second tour, de justesse ici.

Cela devrait se vérifier une nouvelle fois le 6 mai prochain, sauf  "si une fraction des électeurs de droite choisit son représentant sous l'empire de la passion et préfère voter pour le camp adverse".

Il faut donc que la gauche réussisse à susciter un rejet passionnel de Nicolas Sarkozy de la part d’une fraction significative des électeurs de droite en pratiquant la bonne vieille méthode de la désinformation.

En grande partie, Marine Le Pen a réussi à dé-diaboliser le FN, d’où son score. Il faut donc que les électeurs de droite croient que Nicolas Sarkozy est pire que Marine Le Pen.

Le thème simple de la campagne de désinformation est exprimé, le 24 avril dernier, par le père Emmanuel Todd dans l’émission Ce soir ou jamais de Frédéric Taddeï :

"En vérité, je vous le dis, l’UMP est passée à la droite du FN."

Ce soir-là la campagne de désinformation est lancée.

Le lendemain L'Humanité, qui a retrouvé ses bonnes couleurs rouges, comme au bon vieux temps de l'Union soviétique, publie à la une, sous le titre Le raid de Sarkozy sur le 1er mai, la photo de Sarkozy et celle de Philippe Pétain, placées l’une à côté de l’autre, illustrées par des propos, respectivement du 19 février 2012 et du 11 octobre 1940, qui se ressemblent. L’amalgame est un des moyens de la désinformation…

Tout cela pourquoi ? Parce que Nicolas Sarkozy a eu le malheur de parler de "vrai travail" et surtout d'organiser lui aussi un rassemblement le 1er mai,comme les syndicats de gauche (et le FN) alors que c'est une chasse gardée des travailleurs et que, quand un homme de droite parle de la valeur travail, il ne peut être que pétainiste. CQFD.

Aussitôt les caisses de résonance se mettent en branle :

-          Le Nouvel Observateur pose ingénument la question : Sarkozy dans les pas de Pétain ?

-          Marianne titre en couverture, photo de Nicolas Sarkozy désavantageuse à l’appui : La honte de la Ve République

-          L’édito de Pascal Riché dans Rue 89 s’intitule : Vrai travail and co. Au secours Pétain revient !

-          L’Express titre : Sarkozy, Pétain et « le vrai travail ».

Etc.

Aujourd’hui c’est au tour des alliés politiques de gauche de François Hollande, qui fait mine d’être au-dessus de la mêlée, de résonner :

-        Jean-Luc Mélenchon sur France-Inter : "La phrase qui consiste à dire "se faire traiter de fasciste par un communiste est un compliment" est une reprise mot pour mot de Pierre Laval le collabo, de la même manière que parler de fête du travail et dire que c’est le "vrai travail", c’est mot pour mot le texte de l’affiche du Maréchal Pétain en 1941" et "Lui, il sort des mots, des phrases, des expressions qui sont directement tirés de la collaboration, pourquoi le fait-il ? A qui parle-t-il ? A qui veut-il inoculer ce poison ?"

-        Eva Joly sur i-télé accuse Nicolas Sarkozy de "[mettre] en avant des propos pétainistes".

Cette désinformation réussira-t-elle à ébranler les électeurs de droite et à les diviser? Permettra-t-elle à François Hollande de l’emporter? Si c’est le cas, quoique l’on pense de Nicolas Sarkozy, ce climat malsain, avec ses relents de lutte finale, préfigure mal de l’après 6 mai 2012…

blog francisrichard.net

 

5 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    « Plutôt perdre une élection que perdre son âme… » sans doute ! entre-temps le monsieur qui a prononcé cette maxime a été impliqué dans un trafic d’influence, abus de biens sociaux et condamné: en balance avec les bons du Trésor, l’âme ne pèse plus lourd; pour en revenir au sujet retenons que toute l’astuce de Tonton a consisté a introduire la proportionnelle pour détacher de la droite, intrinsèquement majoritaire en France, la fraction engagée derrière Le Pen; il a suffi ensuite de conspuer et d’anathémiser ces électeurs-là pour les rendre infréquentables au reste de la droite; les socialistes s’y sont employés à corps perdu, sans fausse honte, oubliant que leurs plus chers alliés, les électeurs du PCF ont de par le monde des amis encore bien vivants et actifs aujourd’hui, promoteurs du socialisme à coup de massacres, proscriptions, déportations, stérilisations en masse; mais cela ne gêne rien la gôche française; or, pour impliquer Le Pen dans les horreurs il faut remonter aux années 1933 et je crains que l’on ne trouve plus grand monde dans les rangs de FN qui se souvienne d’avoir vécu l’époque; le traquenard de Mitterrand aux mains d’ouvriers zélés poursuit donc sa carrière et personne à l’UMP pour l’arrêter ? complicité ou aveuglement ?

  2. Posté par Darius Farman le

    Article très intéressant, en particulier concernant l’équation de la droite de tendance de M. Lemennicier.

    Ceci dit, je ne suis pas certain que l’hypothèse 3 (report sur le candidat le plus proche) soit effectif pour la droite de l’échiquier politique : une partie non négligeable des 20% de l’extrême-droite sont des électeurs issus de classes populaires (sans péjoration), dégoûtés par 5 ans de sarkozysme mais peu ou pas convaincus par le candidat socialiste. Leur voix pourrait donc se reporter vers la gauche et ce d’autant plus que le FN ne donne aucune recommandation de vote (voire recommande l’abstention).

  3. Posté par Marie-France Oberson le

    « Désinformations,grossièretés.. » on pourrait rajouter « manipulations », » manque d’éthique »
    Ainsi, l’affiche du « vrai travail » à laquelle vous faites référence et sur laquelle se sont précipités Rue 89 et L’Expresss était en réalité un montage (Canal+ Le Grand Journal, ce soir 30 avril)
    Les journalistes font preuve d’un manque d’éthique inadmissible et je dirais même d’un manque de professionnalisme, quand, pour alimenter leur idéologie anti-sarko, ou simplement anti-droite, ils font feu de tous bois qu’ils trouvent sur la toile sans se donner la peine de vérifier ces sources, alors que l’on sait qu’avec Internet il est si facile de faire des montages, de dire tout et n’importe quoi. Je trouve cela très très grave pour la démocratie.

  4. Posté par Hélène Richard-Favre le

    Voici mon précédent commentaire qui a mal dû passer ici car il a été publié sur votre blog:
    Et que dire de plumes élégantes qui passent leur adversaire politique au vitriol sans le moindre souci de vérité?
    En termes d’impact, je ne crois pas la grossièreté gagnante.
    Pour ce qui est de la désinformation, je pense que la gauche comme la droite, le centre comme les extrêmes, s’y emploient quand il le faut.

  5. Posté par Hélène Richard-Favre le

    Je reviens sur mon précédent commentaire toujours en attente de modération semble-t-il pour signaler un article que je découvre à l’instant. Il traite du thème de l’insulte mais de manière très académique donc plus complexe à lire. En voici un extrait qui pourrait vous intéresser:

    « …l’énonciation d’une disqualification peut cacher beaucoup d’autres choses. Par exemple, quand un individu dit à un autre « Casse-toi, pauvre con », il ne tente probablement pas de persuader ce dernier qu’il est un pauvre con ; beaucoup plus certainement tente-t-il d’accroître la force illocutoire de son acte directif « casse-toi ». L’insulte aurait donc une valeur d’intensification, le pathos prenant le pas sur le logos.

    Plus important encore, dès lors que cette insulte est émise devant public, la visée sur l’insulté comme sur l’auditoire doit être prise en compte. En principe, l’image de l’insulté est d’autant plus atteinte que des témoins assistent à son affaiblissement (Lagorgette & Larrivée 2004 ; Vincent, Laforest & Turbide 2008) : si l’insulté n’est pas persuadé qu’il est un pauvre con, certains membres du public, eux, pourront l’être, multipliant la possibilité de propagation de l’insulte, parfois jusqu’à sa naturalisation dans l’espace public (Butler 2004 : 144). Bénéfice supplémentaire, l’insulteur aura affiché qu’il se donne en l’occurrence le droit de traiter la personne en question de pauvre con. Et ce ne sont que quelques-unes des interprétations possibles. Ainsi, dès que les deux interlocuteurs qui co-construisent la disqualification ne sont pas les seuls acteurs de la scène, la question suivante se pose : qui le locuteur cherche-t-il à persuader en disqualifiant autrui ? Autrement dit, à qui l’insulte profite-t-elle ?  »

    http://aad.revues.org/1252

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