Quel Viagra contre Daech ?

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Une civilisation qui, comme la nôtre veut une jouissance universelle par la croissance, le plein emploi et les assurances sociales, est en mauvaise position pour se défendre. Entre un risque de mort qu’il faut nécessairement assumer lorsqu’on se défend et la jouissance de la vie, la contradiction est absolue. Prévoir de garantir cette jouissance par l’élimination de tout ennemi dans la chaleur d’un vivre-ensemble tous azimuts  n’arrange rien. Surtout quand, pendant des décennies, on s’est donné des frissons en désignant un ennemi qui n’en était pas un, l’extrême-droite. Aujourd’hui, à l’âge des attentats terroristes, d’une migration tsunamesque et de guerres qui se déclenchent partout, on croit halluciner lorsqu’on relit articles et déclarations sur le soi-disant retour d’une soi-disant peste brune portant une chemise Le Pen ou Freysinger.

Pour se dresser contre un ennemi, il faut avoir, dans son esprit et sa chair, des projets qui aillent au-delà des congés payés, du club med ou d’un daikiri siroté au bar de la plage. Si ma plus  profonde aspiration est d’étaler mon gros ventre sur quelque plage ensoleillée, un djihadiste n’aura aucune difficulté à le faire éclater. Avec une chiquenaude ! Quand certains me disent qu’ils ont peur de Daech, je pète les plombs. Peur pour votre gros ventre, cher Monsieur ?

La seule peur légitime, à mes yeux, est celle qu’on a pour ses proches, ses enfants et tout ce qui pourrait nous condamner à une existence de troglodyte. La seule peur légitime est celle qu’on éprouve à l’idée d’être gavé de force dans quelque  supermarché du matin au soir. La seule peur légitime est celle d’être réduit à un individu qui n’a que des besoins, rien que de besoins, fussent-ils culturels. La dignité humaine, avec ou sans droits humains consiste à s’élever au-dessus de soi-même pour participer à la vie d’une communauté qui transcende nos quotidiennetés. C’est une telle communauté que l’Occident a perdue et je dois bien avouer que je ne vois pas au nom de quoi nous pourrions encore nous redresser pour résister. Il y a bien du viagra pour des redressements défaillants – pour des défaillances en géopolitique, il n’y en pas.

Quand je déprime avec de telles pensées je pense aux Américains et à Hitler. Celui-ci ne voyait en eux qu’un ramassis d’individus narcissiques qui seraient incapables de se battre. En 1940 il déclarait  que les USA, c’était des « reines de beauté, quelques millionnaires, une musique stupide et Hollywood ». Un Patton,  un MacArthur, une bataille de Midway, il ne pouvait imaginer. On le comprend : comment des démocraties s’enlisant dans la course au profit et au plaisir pourraient-elles engendrer de la bravoure ?

C’est pourtant ce qui s’est passé. Non seulement lors de la Deuxième guerre mondiale mais, selon l’historien militaire Victor Hanson, au cours des âges. « Il s’avère que les citoyens d’une démocratie, écrit-il, sont les plus terribles tueurs de l’histoire. »

Reste donc à espérer que nous vivons toujours en démocratie.

Jan Marejko, 30 août 2015

Un commentaire

  1. Posté par Bussy le

    Et bien c’est évidemment quand les profits et le plaisir auront disparu que ça va réagir !
    L’arrivée massive de gens qui ne s’intégreront pas, ni socialement ni, surtout, économiquement, provoquera, outre un insupportable malvivre ensemble, une hausse massive des charges, donc des impôts. Et c’est alors que, complètement fauché et privé de club med et de daikiri sur la plage, Monsieur Grosbidon va se réveiller ! Trop tard ?
    On pensait que l’Europe de l’ouest en avait terminé avec les conflits… grâce aux bisounours mangeurs de caviar, aux fans du dumping salarial et autres politiciens corrompus par les rois du pétrole, l’Europe de l’ouest va replonger dans des guerres, civiles celles-là !
    Et oui, je pense à mes enfants et petits-enfants…. on leur prépare un avenir noir… très noir.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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