Les beaux discours de la fête nationale du 1er août: paroles vites oubliées?

Uli Windisch
Rédacteur en chef

NDLR. Certes, le 1er août les citoyens veulent entendre de belles paroles. J’aimerais cependant qu’une partie, même infime, de tous ces discours servent ensuite de guide à l’action des politiques qui les ont tenus pour le reste de l’année, et qu’ils n’oublient pas qu’ils sont d’abord au service du pays et de la lutte constante pour la défense inconditionnelle des composantes les plus essentielles de notre système politico-culturel. Et cela encore davantage à l’époque actuelle où nombre de responsables politiques donnent l’impression d’être davantage préoccupés par l’adaptation de notre pays à des ensembles politiques internationaux plus vastes et en plus nettement moins démocratiques, participatifs, fédéralistes et peu respectueux des souverainetés nationales, même si ces responsables s’en défendent vigoureusement.
Je rediffuse ainsi aujourd’hui ci-dessous certains de mes propres discours du 1er août et articles y relatifs et qui ont précisément comme objectif de rappeler quelques-unes des valeurs et dimensions constitutives de la spécificité de notre pays, au cas où elles seraient quelque peu oubliées une fois les « belles paroles » déclamées près du feu lors de cette soirée de la fête nationale.

A l’approche de la fête nationale du 1er août

Uli Windisch

Rédacteur responsable
Août1erB

Edition du discours du 1er août 2011 fait à Crans-Montana: à toutes fins utiles

Discours du 1er août 2011 à Crans-Montana par Uli Windisch

Mesdames et Messieurs les autorités, Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Dear guests, Liebe Teilnehmer, cari amici, preziads amis rumantschs

 

Ce soir c’est la fête du 1er août. Que signifie donc cette fête ?

Premièrement, nous ne sommes pas un pays centralisé qui doit montrer sa force et sa puissance par de gigantesques défilés militaires et exhiber les armes les plus modernes, redoutables et menaçantes.

La fête du 1er août en Suisse n’est pas non plus une réception luxueuse réservée à une minorité de privilégiés, et gardés par une armada de policiers et de militaires

 

Non, la fête nationale du 1er août en Suisse est une fête véritablement populaire, ouverte à tous, décentralisée, multiple et diverse, en bref fédéraliste et participative comme l’est notre système politique.

Pas de fête unique dans la capitale du pays …mais

une fête dans chaque commune, village et ville, soit des milliers de fêtes au même instant, partout et avec la participation aussi bien des Suisses, des étrangers et de toutes les personnes présentes, et surtout des jeunes et des enfants. Les enfants se réjouissent de ce soir et en gardent des souvenirs mémorables. Le 1er août est rempli de symboles et de joies.

De quoi pouvons-nous nous réjouir ?

Avons-nous le droit de nous réjouir ?.. viennent même régulièrement demander, sarcastiquement, certains de nos esprits chagrins qui dénigrent notre pays et prônent un alignement sur des ensembles politiques plus vastes.

Or on peut très bien être très européens sans être dans l’UE.

Le fait d’être soi-disant une « tache blanche » au milieu de cette UE, comme le prétendent certains, ne nous empêche pas de nous réjouir et de pouvoir être fiers de notre pays.

Nous devons surtout être infiniment reconnaissants à nos ancêtres de nous avoir laissé un tel pays, au prix d’un travail et de sacrifices difficilement imaginables aujourd’hui.

Le patriotisme c’est d’abord cette reconnaissance envers nos ancêtres .

C’est aussi cela que nous fêtons ce soir, non avec des armes terrifiantes, mais simplement avec des feux, des feux de joie, des chants, des lampions, de la bonne humeur, dans une atmosphère collective et amicale.

Le patriotisme suisse n’est pas un nationalisme arrogant, agressif et menaçant mais un patriotisme soft, léger, à la fois humble et discrètement fier, amical et solidaire.

Personne n’a le monopole du patriotisme. Mais les patriotes humbles et sincères n’ont de leçon à recevoir de personne, surtout pas de ceux qui l’ont dénigré pendant des décennies au nom de l’internationalisme et qui tout à coup veulent le récupérer. Les citoyens avertis savent distinguer les croyances sincères des copies caricaturales et intéressées.

A ce propos, un sentiment d’appartenance européen ne pourra naître que si on ne cherche pas à effacer les patriotismes nationaux.

Notre modestie ne doit pas nous empêcher de défendre notre pays de manière plus déterminée et intransigeante face aux tentatives de nous faire subir de purs et violents rapports de force économiques et politiques, même de la part de pays voisins.

Nous ne devons en aucun cas accepter de devenir le bouc émissaire de pays en difficultés, difficultés dues à des incapacités de gestion, à un style dépensier et à des endettement inconsidérés et irresponsables.

Ce n’est pas parce que nous sommes petits que nous devons nous soumettre et nous applaventrir. Nous n’avons besoin ni de nouveaux baillis ni de « cavaleries » étrangères.

Nous respectons toutes les cultures .Nous avons le devoir d’exiger le même respect de la part des autres pays et cultures, le respect de nos propres spécificités et singularités, et notamment de notre culture politique participative si originale .

Nous devons faire un autre serment ce soir : à savoir, inciter nos autorités à être d’une grande fermeté et intransigeance dans la défense de nos intérêts et de notre système politique et pluriculturel, tout en sachant que la mondialisation suppose aussi de négocier avec les autres, mais pas à n’importe quel prix.

La naïveté, le manque de courage et le défaitisme ne sont plus de mise !

Même petit, notre pays ne doit pas avoir peur.

Celui qui a peur a déjà perdu.

Quelles sont donc nos caractéristiques politiques et culturelles, et qui sont de plus en plus admirées et enviées à l’étranger ?

Il y a d’abord la démocratie directe, soit cet esprit participatif (partout ailleurs les gens ne supportent plus d’être pris pour des immatures et des incompétents et d’être gouvernés par décrets ; ils souhaitent avoir leur mot à dire, …ce que permet justement notre système politique de la démocratie directe.

Il y a ensuite le fédéralisme : avec le fédéralisme, chaque région, chaque minorité est prise en considération et valorisée (dans un pays voisin on refuse même la reconnaissance des langues régionales !).

« Pourquoi ne vous entretuez-vous pas avec toutes vos différences (différences linguistiques, culturelles, religieuses,régionales, politiques, etc), voilà ce qu’on me demande souvent avec admiration à l’étranger.

Il y a ensuite la fameuse Unité dans la Diversité. Ce n’est pas une formule creuse, ni un mythe. Les Etats centralisés ont peur de l’éclatement ; la Suisse, en revanche a compris l’incompréhensible : que le fait de permettre aux minorités et aux diversités de s’exprimer et de les valoriser enrichit et renforce l’Unité plutôt que de la menacer.

Mais cette Unité dans la Diversité n’est pas acquise une fois pour toutes ; l’attention aux minorités doit être constante. Je pense en ce moment, par ex, au Tessin, qui se sent négligé par la Confédération.

Nous devons œuvrer quotidiennement pour ne pas nous retrouver un jour dans la situation tragique dont souffrent nos amis belges ces temps. Bon courage à vous, chers amis belges, face au malheur de votre pays. Vous ne méritez pas cela.

 

C’est grâce à cette conjugaison du fédéralisme et de la démocratie directe que nous avons, par ex, pu éviter que la minorité francophone du JURA, devenu en partie un nouveau canton, ne tourne pas au terrorisme, comme cela s’est produit très souvent ailleurs à cause de la non reconnaissance des minorités de toutes sortes.

Le modèle politique et pluriculturel suisse forme un tout et n’est pas négociable , même s’il a régulièrement été aménagé et adapté, et cela avec l’accord du peuple lui-même. Le système politique suisse est à la fois solide et réformable …mais en aucun cas nous n’abandonnerons la démocratie directe avec ses initiatives, référendums et votations populaires.

Le peuple suisse est un peuple mur, citoyen, responsable et qui sait, quand il le faut, faire passer les intérêts collectifs avant les intérêts individuels et corporatifs, et éviter ainsi de multiples et fréquentes grèves, déclenchées en plus souvent au moment des départs en vacances de ceux qui ont travaillé durement pendant toute l’année.

Il nous faut à tout prix maintenir ce pacte social de la Paix du travail, basé sur la discussion et la négociation et non sur les grèves ruineuses.

De même, nous devons essayer de maintenir une autre formule magique, celle du Gouvernement de tous les partis politiques importants et ne pas accepter que des intrigants de la politique passent une grande partie de leur temps à chercher à faire élire des personnes qui n’ont guère de représentativité.

Si nous en sommes là où nous en sommes aujourd’hui c’est encore une fois grâce au dévouement inconditionnel et à la qualité de visionnaires de nos ancêtres (nous manquons peut-être aujourd’hui un peu de visionnaires !) .A bon entendeur, salut !

C’est à eux, à nos ancêtres, que doit aller ce soir notre promesse de continuer à être digne d’eux. Cela dans la joie, la fête et l’allégresse. Que cette fête rituelle commence et soit belle et exemplaire.

Last but not least, un sincère et très grand merci aussi à tous les immigrés et étrangers qui participent depuis longtemps à la construction de notre pays.

Vive la Suisse ! Vive le Valais ! Vive Crans-Montana !

Bonne fête et bonne soirée. Merci de votre attention.

 

Deuxième article :

Fête nationale du 1er août. 22 ans après le refus de l’EEE. Etait-ce un dimanche noir ou clairvoyance populaire?

Uli Windisch

Rédacteur responsable

Rediffusion adaptée à l’occasion de la fête nationale du 1er août 2014.
Un autre mot d’ordre qui doit nous guider dans ces temps agités est celui de Résistance. En 1992 c’était la résistance du peuple suisse à l’EEE ; aujourd’hui c’est à une résistance encore plus forte et déterminée à l’UE, qui n’a, il faut le rappeler pas grand ‘chose à voir avec la civilisation européenne, dont nous devons faire preuve.
Comme j’avais insisté sur ce point à l’occasion des 20 ans du refus de l’EEE en 2012, j’en republie quelques extraits dont l’actualité ne fait aucun doute et que la fête du 1er août devrait réactiver et redynamiser.

Source : Discours de Uli Windisch à la Manifestation commémorative du refus de l’EEE le 6 décembre 1992, Bienne, 2 décembre 2012

 

Nous devons aujourd’hui remercier, louer et donner en exemple, ceux qui le 6 décembre 1992 ont lutté pour dire NON à l’entrée de la Suisse dans l’EEE, et  nous devons opposer la même résistance à ceux qui veulent nous faire entrer dans une UE, de manière avouée ou cachée

Vous êtes ici pour défendre de manière inconditionnelle notre pays dans une période où la Suisse est menacée de toutes  parts, au niveau international, et plus grave, aussi à l’intérieur de notre pays.

Souvenez-vous des Suisses qui  en 1991, quand nous avons fêté les 700 ans de la Confédération, criaient : « 700 ans ça suffit ». J’ai répondu « 700 ans ce n’est qu’un début».

Oui nous devons continuer sur la voie tracée par nos ancêtres qui se sont battus, au prix de leur vie parfois, et ne leur faisons pas honte en bradant tout ce qu’ils nous ont laissé.

Un seul mot d’ordre : Résistance. Résistons.

Cessons  avec cette autre  tendance à la mode qui consiste à nous excuser pour tout ce que nos ancêtres auraient fait de mal.

Il est déloyal de toujours accuser nos ancêtres en fonction des critères d’aujourd’hui. Demandons-nous plutôt ce que nous aurions fait à leur place. Aurions-nous été meilleurs ? on peut en douter.

Nous avons des autorités qui sont trop facilement prêtes à accepter les diktats, qui viennent de l’étranger, qui semblent penser trop souvent que notre seule possibilité est de nous adapter, unilatéralement.

L’UE  est devenue un monstre bureaucratique, technocratique, hiérarchique  et autoritaire. Le président Tchèque Vaclav Klaus s’est même demandé si l’UE ne devenait pas un régime autoritaire, voire totalitaire comme l’ont connu les pays de l’Est sous le joug communiste.

Des députés européens, surtout de gauche, deviennent autoritaires et ont soif de pouvoir, soif d’imposer les lois de l’UE à tous les pays. Certains veulent même en finir avec les patriotismes nationaux, et créer artificiellement un patriotisme européen,  un « patriotisme constitutionnel » ! Nous devrions adorer un papier! la Constitution européenne.

Le patriotisme, c’est d’abord une profonde reconnaissance envers nos ancêtres, envers leur travail et leurs luttes héroïques.

Oui nous sommes un petit pays, mais ce n’est pas une raison pour nous soumettre. Nous ne voulons pas de nouveaux baillis.

Nous ne voulons plus de la naïveté, du manque de courage et du défaitisme.

N’ayons pas peur, car celui qui a peur  a déjà perdu.

On peut être très européen sans être dans l’UE !

OUI à des négociations qui respectent nos intérêts et nos spécificités, NON à un alignement automatique et à une soumission inconditionnelle.

Certaines caractéristiques de notre système politique sont en totale contradiction avec ce qu’est devenue l’UE, devenue centralisatrice, autoritaire, non participative et souvent non démocratique.

 Notre  première caractéristique importante est évidemment la démocratie directe;  jamais nous devrons renoncer  à cette démocratie directe basée sur l’initiative populaire et le référendum. Les droits populaires sont sacrés.

Ici aussi le danger ne vient pas que de l’étranger. Nos autorités cherchent de plus en plus à invalider certaines initiatives parce qu’elles seraient incompatibles avec le droit international ou les droits humains. Cela est inacceptable.

Un  autre grand et nouveau danger interne: c’est le pouvoir des juges. Il est inacceptable  que le dernier mot  sur des problèmes  politiques majeurs reviennent aux juges.

 Refusons cet autre nouveau pouvoir, la judiciarisation du politique.

Au moment où certains cherchent à limiter nos droits populaires, de plus en plus de citoyens d’autres pays aimeraient connaître notre forme de démocratie participative.

Le peuple suisse serait « immature » et devrait être formé, nous disent  des « experts », alors que le peuple suisse reste un exemple de maturité et de responsabilité politique et citoyenne.

Quel autre pays aurait refusé de manière répétée un abaissement  du nombre d’heures de travail.

Le peuple suisse est un peuple mûr, guidé par le bon sens et l’intérêt supérieur du pays, au-delà des intérêts individuels et corporatistes.

Quelques autres caractéristiques du système politique suisse qui doivent être fermement défendues ?

-le fédéralisme : lui aussi est de plus en plus menacé par la Centralisation, qui risque de créer des déchirements  destructeurs dans le pays (pensons aux Valaisans qui voulaient quitter la Suisse après la votation du 11 mars 2012 :  « Halte aux résidences secondaires ! »

-la subsidiarité : ce que la commune peut faire, le canton ne doit pas le faire, ce que le canton peut faire la Confédération ne doit pas le faire, ce que la Confédération peut faire, l’UE ne doit pas le faire…

- l’indépendance et la neutralité, même si elles ne sont pas totales et complètes, doivent rester les fils conducteurs de notre politique internationale. Malgré  ceux qui les ridiculisent ou les disent impossibles.

Refusons l’abandon de la neutralité et de l’indépendance, que certains partis politiques sont prêts à sacrifier.

- le pragmatisme, la négociation, la discussion généralisée sont notre façon de gérer les problèmes (nous pouvons fêter cette année  les 75 ans de la Paix du Travail). Quel autres pays peuvent fêter cela, menacés qu’ils sont constamment par des grèves destructrices ?

-l’esprit de milice, cet esprit signifie que chaque citoyen est disposé à faire quelque chose, personnellement, pour le pays.

Chaque Suisse doit continuer à penser à ce qu’il peut faire pour son pays, plutôt que de se demander ce que le pays peut faire pour lui!

-l’Unité dans la Diversité, n’est pas un mythe. Question qu’on me pose régulièrement à l’étranger : Pourquoi ne vous entretuez-vous pas avec toutes ces diversités : linguistiques, religieuses, politiques, culturelles, économiques.. ?

Cette richesse est elle aussi à entretenir quotidiennement.

- Mais si la Suisse est forte elle est  aussi fragile. Le modèle politique suisse n’est pas acquis une fois pour toutes, il doit être construit et  reconstruit tous les jours.

C’est aussi pour cela que vous êtes présents aujourd’hui.

Que vive ce trésor culturel et politique qu’est la Suisse, trésor qui est de plus en plus envié à l’étranger ! Vous êtes ici pour dire votre volonté de défendre ce trésor et vous battre pour cela.

Vous direz NON quand il le faudra, vous saurez RESISTER, chaque fois qu’il le faudra.

Uli Windisch, 4 décembre 2012

 

Troisième et dernier article rediffusé :

 

 

2 commentaires

  1. Posté par Aude le

    Merci Mr. Windisch pour ce bel exposé……
    Je vous souhaite une très belle fête nationale ainsi qu’à tous mes compatriotes

  2. Posté par Aude le

    Merci Mr. Windisch pour ce bel exposé….Je vous souhaite une très belle fête nationale ainsi qu’à tous nos compatriotes

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