Les ONGs, c’est comme les trains… Humeurs

NDLR. Extraits

 

Effectivement, les ONGs, c’est comme les trains, ça peut en cacher un autre… Il ne s’agit pas - ici - de contester l’apport de la « société civile » à la vie internationale, mais faut-il encore que celle-ci et celle-là correspondent à des déterminations stabilisées et compatibles avec une règle du jeu commune du contrat social, national et multilatéral.

 

Les médias contemporains ont pris la fâcheuse habitude de recevoir, de relayer et de valoriser les messages des ONGs comme parole d’Evangile, de Coran ou de Talmud… sans toujours bien vérifier la composition et l’identité de leurs cadres et militants, sans vérifier la provenance de leurs financements, ni sans beaucoup s’intéresser à leur feuille de route répondant souvent à des objectifs foncièrement politiques, voire franchement économiques et financiers. Contrairement aux vieilles démocraties-témoins, les cadres d’ONGs ne sont pas élus mais bénéficient néanmoins d’un a priori favorable, comme s’ils participaient organiquement à la promotion des valeurs du bien, tandis que les Etats et leurs appareils ne cesseraient d’ourdir complots, coups tordus et autres machinations.

 

La vogue du droit-de-l’hommisme kouchnérien sans frontière, sans foi ni loi, n’a eu de cesse de promouvoir « le devoir d’ingérence » au nom d’une morale spontanée, d’autant plus unanime qu’elle était rarement définie. Les déviations successives de cette idéologie dominante qui a correspondu à l’avènement des « nouveaux philosophes » parisiens (fin des années soixante-dix) a engendré nombre de confusions allant, dans certains cas, jusqu’à justifier des « guerres humanitaires » très meurtrières dont les bilans de victimes civiles demeurent classifiés. Allez savoir pourquoi ! Songeons seulement aux multiples interventions occidentales désastreuses en Afghanistan, en Irak, en Libye et celles auxquelles ont a échappé, de justesse, en Syrie ou ailleurs. On peut tout autant mentionner la campagne militaire actuellement en cours au Yémen et les différentes rébellions encouragées par plusieurs puissances occidentales au Soudan du Sud avec leurs effets de contagion sur le Nil Bleu, le Kordofan et, à nouveau le Darfour… Malheureusement, ces rappels ne sont pas exhaustifs et s’accompagnent, dans la majorité des cas, par la présence démultipliée d’ONGs accompagnatrices et « bienfaisantes »…       

 

Si l’apparition d’ONGs, faux nez d’intérêts étatiques ou privés n’est pas un phénomène inédit, on assiste depuis plusieurs années à l’émergence d’officines, apparemment respectables, qui recyclent d’anciens terroristes aux couleurs des droits de l’homme, de la démocratie et de la bonne gouvernance, concept qui s’enracine dans le millénarisme anglo-saxon. Celles-ci se sont spécialisés, avec la complicité de grandes institutions reconnues comme la FIDH, Amnesty International et d’autres, dans l’ouverture de procédures judiciaires à l’encontre de responsables étatiques, souvent accusés de tortures, sinon de crimes de guerre, génocides ou crimes contre l’humanité. Dans la majorité des cas, la messe est dite, avant même que l’on y regarde de plus près, dans la mesure où ces actions s’inscrivent forcément dans le cadre de la lutte du bien contre le mal… c’est du moins ce que nous servent quotidiennement les médias pressés dont nous venons de rappeler l’empressement, le plus souvent, ignorant, voire parfois consciemment au service d’agendas politiques prémédités.

 

Naïveté ou machiavélisme des pays d’accueil : en accueillant ou finançant de telles ONGs, certains pays pensent pouvoir s’immuniser contre le terrorisme. Grave erreur : la Grande-Bretagne et d’autres l’ont appris à leurs dépens… Les terroristes n’ont que très rarement la reconnaissance du ventre. En initiant de telles ONGs, ils poursuivent leur combat par d’autres moyens. C’est tout l’art de la guerre, d’une autre guerre qui, dialectiquement, retourne les faiblesses des systèmes démocratiques ouverts contre leurs initiateurs et gardiens.   

 

S’il faut poursuivre et soutenir les progrès de la justice international, on ne peut pas accepter, par contre, que n’importe quels zozos s’emparent de n’importe quels dossiers requérant expertises et compétences juridiques, politiques et anthropologiques afin de régler des comptes, sinon de réviser unilatéralement des pans entiers de l’histoire contemporaine aux seules vues de la bien-pensée du moment. L’un des intervenants de la Conférence d’Alger sur la dé-radicalisation l’a rappelé fort à propos : « que les ONGS sérieuses et reconnues comme telles fassent leur travail, c’est bien mais sans empiéter sur les compétences régaliennes des appareils d’Etat. Chacun son boulot sans empiètement ni confusion. Les vaches et les moutons dans leurs champs respectifs et le cheptel sera bien gardé… » Les ONGs, quelles qu’elles soient, n’ont pas à se substituer aux Etats dont les appareils doivent rester forts, respectables et respectés dans un contexte mondialisé de dérégulation, de confusion, d’amalgame dangereux où règne la « guerre de tous contre tous », comme le rappelle souvent l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine. Merci Hubert !

 

Ces différents rappels ont été aussi clairement exprimés les 22 et 23 juillet derniers à Alger, et c’est tant mieux. La cerise sur la gâteau, parce qu’il en fallait une : pour faire acte de présence, avant la clôture de cette belle conférence d’Alger, la représente de l’OTAN a cru devoir prendre la parole pour engager la cinquantaine de délégations nationales présentes à « travailler avec les ONGs, acteurs indispensables » de la vie internationale actuelle. « Il est important », a-t-elle martelé, « que les Etats collaborent avec la société civile pour faire progresser la bonne gouvernance… » Mieux vaut entendre ça que d’être sourd ! On aurait bien aimé qu’elle intervienne sur les conséquences régionales et internationales de l’intervention militaire de son organisation du printemps 2011 en Libye. Certes, à l’impossible, nul n’est tenu, mais il y a quand même des limites à la décence...

 

 

Etienne Pellot, prochetmoyen-orient.ch

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