La révolte paysanne : un appel désespéré au bon sens !

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LefollLe gouvernement ne peut décidément plus échapper à des scénarios tragi-comiques. La mine grave, l’exécutif national entre Tour de France et festivals, se consacrait à sa tâche sans parler de vacances. L’usine parlementaire à produire les lois décidées à l’Elysée et à Matignon tournait à plein régime. Loi pour faciliter le séjour des étrangers, loi sur le renseignement et loi sur le dialogue social.. ont pris un tour involontairement comique lorsque le pouvoir, manifestement mal renseigné, s’est heurté à une forme particulièrement musclé du dialogue social  : le blocage d’un certain nombre de sites stratégiques, notamment pour le tourisme, par une armée de paysans en colère, une façon de rappeler qu’il y avait dans notre pays d’autres priorités que l’accueil des étrangers ou la pérennisation du régime des intermittents du spectacle, très avantageux… pour les grosses entreprises de production audiovisuelle. Lorsque des agriculteurs qui travaillent beaucoup plus de 35 heures par semaine ne trouvent plus dans leur activité, la vente de produits évidemment indispensables à la vie, mais aussi l’entretien de nos paysages, une source de revenus acceptables et que beaucoup sont surendettés pour répondre aux exigences de la concurrence, mais aussi à l’accumulation de normes que notre administration fait appliquer avec zèle, la révolte éclate avec une brutalité que seul un gouvernement désinvolte pouvait ne pas prévoir. Le Ministre, Stéphane Le Foll,  prétendit d’abord ne pas répondre à une convocation, puis, penaud, vint s’excuser en Normandie, tandis que les producteurs de lait rejoignaient les éleveurs et que toute la France se bloquait.

L’année dernière, les intermittents du spectacle avaient obtenu le maintien de leurs avantages en perturbant les festivals de l’été. Cette année, les paysans ont amené le pouvoir à Canossa en fermant la route des vacances. Dans les deux cas, des Français ou des étrangers bienvenus, les touristes, ont servi d’otages. Dans les deux cas, l’intérêt catégoriel n’a fait aucun cas de l’image du pays et de l’intérêt général. La loi et l’ordre ont été, comme le veut une habitude nationale, bafoués par des actions contre lesquelles le gouvernement n’a même pas osé réagir alors qu’ils portent atteinte à des piliers de notre droit : la liberté de circuler ou la propriété. Seul un pays qui fonctionne mal et qui est gouverné en dépit du bon sens peut conduire à une légitimation « morale » de l’anarchie, lorsque, par exemple, des professionnels exaspérés s’approprient des marchandises et les distribuent à des automobilistes heureux de passer gratuitement les péages d’autoroute.  Sur le terrain, des contrôles ont imposé sans vergogne la préférence nationale au détriment des produits importés. La compréhension relative des Français revenait à dire : ils ont raison, mais ils feraient mieux de s’en prendre aux industriels, aux distributeurs et surtout aux pouvoirs publics, plutôt qu’à nos vacances.

La mine défaite, l’air contrit, et d’une voix mal assurée, le Ministre a émergé d’un dialogue éprouvant pour dire qu’il fallait garantir les prix et favoriser les produits nationaux. Cette conclusion de bon sens accompagnée d’un plan d’urgence de 600 millions d’Euro a apaisé très momentanément la colère, mais elle revêt une fois de plus la forme d’un expédient, d’un bricolage de circonstance, réalisé par un apprenti maladroit. De tout temps, la France, favorisée par son étendue et sa situation géographique, par la diversité de ses climats, par le travail et la compétence de ses paysans,  a été la première nation agricole européenne. Nos gouvernements successifs ont usé d’un rare talent pour nous priver aussi de cette réussite. Le recul de la Politique Agricole Commune, notamment depuis 2003, la fin des prix garantis et le découplage des aides et de la production, visait a faire dépendre davantage les revenus agricoles du marché, et de la vente des produits. Les agriculteurs n’ont jamais demandé à être assistés en compensation de leur contribution au maintien de notre environnement paysager. Ils veulent vivre dignement de leur travail grâce à la vente d’une production de qualité. Il est consternant de voir que certains pays comme l’Allemagne, une fois encore, obtiennent de meilleurs résultats que nous, notamment en exportation.

Si certains produits français très spécialisés et réputés ne sont guère menacés, en revanche la production de base est confrontée à des concurrences étrangères qui bénéficient d’une compétitivité supérieure, comme le porc allemand ou espagnol par rapport au breton. Plutôt que de s’en prendre aux marges des transformateurs ou des distributeurs, qui sont aussi des entreprises françaises qui procurent des emplois, c’est une fois encore la compétitivité des entreprises agricoles qui est en cause. Le plan d’urgence est un aveu puisqu’il comprend notamment une dotation de 50 millions d’Euros au Fonds d’allègement des charges, un report de l’impôt sur le revenu, une exonération des taxes foncières et un remboursement de la TVA. L’Agriculture est victime, comme toute notre économie, de dépenses publiques excessives d’une fiscalité et de charges sociales déraisonnables. L’instauration, il y a bien longtemps, d’une TVA sociale, aurait peut-être augmenté momentanément les prix, mais elle aurait favorisé l’exportation et défavorisé l’importation, en baissant les charges de nos entreprises, et en augmentant leur compétitivité.

Les Etats-Unis usent de protectionnisme. L’idée de bon sens que la France devrait, au moins pour les marchés publics, pour fournir les besoins des collectivités territoriales et des établissements publics, faire de même, se heurte à la réglementation européenne qui exclut le critère d’origine géographique et impose l’égalité de traitement des candidats. Il ne serait pas scandaleux que la volonté de préserver une activité inséparable de l’identité française légitime un critère de proximité. Une agriculture moins taxée, moins imposée, moins soumise à des réglementations excessives, davantage regroupée pour négocier avec ses clients ou pour exporter, et bénéficiant d’une préférence nationale dans le secteur public devrait permettre aux agriculteurs de vivre et de bien vivre de leur travail et de leur savoir-faire. Si on y ajoute une politique plus intelligente envers la Russie dont le marché laitier nous est maintenant fermé, l’horizon pourrait se dégager.

Le plan d’urgence est un ballon d’oxygène. La révolte paysanne n’est pas qu’un feu de paille. Elle pourrait embraser tout le pays.

 

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