Le Sisyphe grec va-t-il continuer à rouler l’Euro ?

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Sysiphe-format-longGiscard ne voulait pas qu’on laisse Platon à la porte de l’Europe. Mme Lagarde appelle les dirigeants grecs actuels à revenir en adultes autour de la table. Il y a entre ces deux attitudes opposées la même désinvolture des dirigeants envers la réalité vécue par les vraies gens. Giscard qui se pique de culture identifiait la Grèce actuelle à l’Athènes de Périclès et au fondateur de la philosophie occidentale. C’était oublier la Grèce réelle telle que des siècles de domination romaine, près d’un millénaire d’Empire Byzantin et surtout quatre-cents ans de sujétion aux Ottomans en avaient fait. Si la roublardise célèbre depuis Ulysse y est restée vivante, c’était surtout pour duper un pouvoir dont il fallait se méfier et se protéger. Faire rentrer dans l’Europe un pays à la démocratie balbutiante et à l’économie pittoresque était une décision politique aussi clairvoyante que de faire rentrer le cheval dans la ville de Troie.

Or l’entrée de la Grèce dans la zone euro a encore été un choix politique alors que, cette fois, les conditions économiques et financières auraient dû être les seuls critères. Mais, cette admission frauduleuse a été voulue et effectuée entre amis socialistes. Pascal Lamy, éminent socialiste qui fut directeur de cabinet de Jacques Delors avant d’être Commissaire Européen aux côtés du Président de la Commission Romano Prodi, fleuron de la gauche italienne, avouait d’ailleurs que « tout le monde savait, à Bruxelles, que la Grèce maquillait ses statistiques. » Ni Schröder, Chancelier allemand, ni Jospin, Premier Ministre français ne voulurent faire de peine à leur camarade du Pasok, Costas Simitis, alors chef du gouvernement d’Athènes. Depuis, les Grecs ont connu l’illusion de la monnaie forte sans les contraintes des finances saines et de la gestion rigoureuse, le rêve socialiste à l’état pur. D’un côté, on évite de payer les taxes, les impôts et les charges, de l’autre, on augmente les emplois publics, les salaires et les retraites. Par clientélisme, les gouvernements de droite et de gauche avaient créé 200 000 emplois publics superflus avant 2009.

Lorsque  les Grecs furent condamnés a atterrir sur la terre de la dure réalité, leurs gouvernements durent entreprendre un travail de titan pour rétablir l’équilibre des comptes et réduire la dette. Les plans de sauvetage sous le contrôle de la Troïka CE-BCE-FMI se succédèrent. Les prêts, l’annulation partielle de la dette furent octroyés en contrepartie de réformes exigées pour restaurer les finances du pays. Cet ajustement budgétaire fut à la fois insupportable pour la population qui continue à vouloir l’Euro sans en respecter les règles, insuffisant en raison des résistances et des obstacles sectoriels, et surtout profondément déséquilibré. Entre 2008 et 2012, le salaire moyen des ménages grecs a reculé de près de 23%, mais de 17% pour les plus riches et de 86% pour les plus pauvres. La baisse des salaires a atteint 19% dans le privé quand elle a été de 8% dans le public. En conséquence, au lieu de privilégier la baisse des dépenses publiques, on a préféré la hausse de la pression fiscale dans un pays habitué aux avantages fiscaux catégoriels voire à la fraude.

Le gouvernement de droite d’Antonis Samaras obtenait en 2014 un premier excédent budgétaire hors service de la dette. Avec 26% de chômeurs, et 170% d’endettement par rapport au PIB, les Grecs virent leur pays guéri et mort à la fois. Sisyphe fut fatigué de pousser sans cesse son Euro vers de nouvelles épreuves. Les Grecs voulurent le miracle et votèrent pour Alexis Tsipras et la démagogie de Syriza. Le nouveau gouvernement n’entend pas poursuivre l’austérité drastique de son prédécesseur, il passe d’un expédient à un autre, le rappel du coût de l’occupation allemande ou l’appel à la Russie. Surtout, il ne veut pas amputer encore les emplois publics et toucher aux retraites. La Grèce ne pèse pas lourd et l’effacement de sa dette ne serait pas insurmontable, mais il serait payé cette fois non par les banquiers, mais par les contribuables, et notamment ceux des Etats vertueux. Cet exemple fâcheux donnerait raison aux indignés espagnols et tort au gouvernement de Madrid qui enregistre des résultats positifs malgré un chômage encore très élevé. De même que les Grecs sont acculés à un dilemme, vouloir l’Euro, et ne pas en payer le prix, de même les Européens sont devant le choix difficile d’accepter l’échec de l’Euro pour un pays au moins, ou d’exporter la richesse d’un pays à l’autre au détriment de ceux qui l’ont créée.

Mme Lagarde appelle les Grecs à accepter de souffrir en adultes. Giscard prône un départ amical de la Grèce hors de la zone euro parce que le pays ne peut se redresser avec une monnaie trop forte pour lui. Mais cet argument vaut aussi pour des pays comme l’Espagne, l’Italie et même la France. Comme le prouve la croissance modeste de l’Allemagne, et celle plus dynamique du Royaume-Uni, l’Euro a été une mauvaise idée politique que le monde réel de l’économie a condamnée. Il est encore temps d’en prendre conscience.

 

 

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