Le Désordre Immoral.

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rcaDes soldats français ainsi que des militaires africains chargés de maintenir la paix civile et de protéger les habitants de République Centre-Africaine auraient commis des actes de pédophilie sur des enfants dont ils devaient assurer la sécurité. Si le crime est vérifié, il doit être durement réprimé. Certains évoquent un double-crime en soulignant la gravité d’actes accomplis à l’encontre d’une mission dont on a la charge et en profitant des facilités qu’accorde celle-ci. Cette indignation légitime vaut d’une certaine manière lorsque de tels comportements ont pour acteurs des éducateurs ou des ecclésiastiques. Il y a lieu toutefois de faire preuve de prudence. Si les faits sont avérés, il ne faut pas que certains en profitent pour dénigrer l’institution avec une joie maligne mal dissimulée. Les crimes commis par des individus n’enlèvent rien au rôle positif joué par l’Armée française dans une Afrique déchirée par la violence. Les salopards ne doivent pas ternir l’image des héros qu’on oublie un peu vite. La réputation de notre pays qui a eu le courage d’intervenir au Mali et en RCA, quand tant d’autres restaient indifférents, ne doit pas en souffrir. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que certains chercheraient à salir notre armée. Le souvenir du Rwanda est présent dans les mémoires.

Il serait plus utile de réfléchir sur l’ambiguïté de la morale qui sous-tend de telles dérives. Une société libérale ne peut se passer d’une éducation sévère. Le citoyen libre dans son expression, dans ses affaires, dans ses choix de vie ou ses options politiques ne peut s’autoriser à faire n’importe quoi s’il y trouve son plaisir ou son intérêt. Seule l’autonomie, la capacité d’obéir volontairement aux normes que l’on s’impose parce qu’elles sont indispensables à la vie dans une société raisonnable, est compatible avec une société libérale. La surveillance et la punition développées à un certain degré ruinent la liberté et suscitent la dissimulation et l’hypocrisie. La rigueur morale n’est donc pas un obstacle au libéralisme, mais une condition de possibilité. Or notre société entretient la plus grande confusion, d’une part en rendant de plus en plus floues et mouvantes les limites du permis et de l’interdit, d’autres part, en laissant penser que ce qui est autorisé aux uns ne l’est pas aux autres.

Dans un pays qui n’a jamais été puritain, 1968 a correspondu davantage à une explosion outrancière qu’à une véritable révolution. Les jeunes bourgeois, les héritiers qui au nom de Trotsky ou de Mao s’en prenaient à la société capitaliste, ont pour beaucoup profité de leur notoriété ou utilisé la sympathie envers leurs discours libertaires pour s’emparer de positions confortables au sein de cette société. Que l’ascenseur social fût bloqué leur importait peu puisque leur inspiration chez Marcuse penchait davantage vers Freud que vers Marx, à condition d’avoir mal lu Freud, bien entendu. Ils ont initié l’évolution de la gauche embourgeoisée vers le « sociétal » à défaut du social. Se libérer a moins consisté à combattre l’exploitation qu’à matraquer les idées conservatrices, la morale honnie dont le nom même était rejeté avec dégoût au profit de l’éthique, plus chic. C’est ainsi que les années 1970 ont vu fleurir la libération sexuelle, comme si elle incarnait l’essence de la liberté. Louis Malle osait introduire l’inceste émouvant au cinéma dans « le Souffle au coeur »(1971). Cohn-Bendit confessait ses attouchements pédagogiques dans les jardins d’enfants en publiant « le Grand Bazar »( 1977), l’année où Polanski était poursuivi aux Etats-Unis pour un crime sexuel envers une mineure de 13 ans, et Pasolini portait à l’écran « les 120 journées de Sodome » de Sade transposées bien sûr dans un contexte de hiérarques fascistes. En France, cet auteur devenait un classique, grâce à un éditeur encensé par « Libé », Jean-Jacques Pauvert. Depuis, le ressac a eu lieu. Si tout est permis, c’est entre majeurs consentants. Cohn-Bendit, notable européiste et social-libéral jure ses grands dieux  que l’on s’était mépris, et qu’il regrettait d’avoir écrit dans l’atmosphère de l’époque… Ben voyons ! Aujourd’hui par un chassé-croisé étonnant, ce sont les idées conservatrices, attachées à la famille traditionnelle et réputées homophobes, ou à l’identité nationale et accusées de racisme, qui sont poursuivies. La libération sexuelle a gagné, tout au moins pour les plus de quinze ans.

Toutefois, dans ce domaine, suivant l’excellente expression d’Orwell, certains sont plus égaux que les autres. Comment ? La Justice américaine ose poursuivre ce grand cinéaste qu’est Polanski ? Frédéric Mitterrand vole immédiatement à son secours. Lui-même, dans « la Mauvaise Vie »a-t-il célébré les bordels de Thaïlande, leurs « garçons » et leurs « gosses » ? Il s’agissait de jeunes gens, d’étudiants, se défend-il. Une « partouze » avec de jeunes Marocains a-t-elle eu lieu à Marrakech autour d’une personnalité politique de premier plan ? Luc Ferry, naïvement, dit être au courant et se retire, la queue basse, comme un délateur gaffeur.. Quand vous appartenez à la médiocratie, il est inconvenant d’en révéler les turpitudes. C’est là déroger à une connivence et à une complaisance qui délimitent les allées du pouvoir.

Bien sûr, le « politiquement correct » défini par l’oligarchie qui entend nous diriger trace les bornes du mal et du bien. Si celles-ci étaient valables pour tout un chacun, elles seraient plus légitimes et n’offriraient pas à certains l’occasion de les franchir.

 

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