L’effet « fed-up »

Anne Lauwaert
Ecrivain belge

Je vais l’appeler “effet fed up” parce que l’expression “fed up” est celle qui exprime le mieux cette sensation.

“Raz ‘l bol” c’est encore supportable : vous prenez un bol de quelque chose, il est plein à raz bord, on ne sait plus rien y ajouter.....  "Marre”: en avoir marre ou soupé c’est pas très fort: on en a assez, mais ça s’arrête là. En avoir “plein l’cul” c’est franchement vulgaire et puis c’est encore autre chose, etc....

Etre “fed up” signifie littéralement être bourré, gavé, arriver au point où quand on a assez mangé on avale encore de la nourriture et que, fatalement, il s’en suit une envie de vomir, surtout si ce sont les autres qui continuent à vous pousser de la nourriture dans l’œsophage et vous obligent à avaler, c.-à-d. qu’on vous gave comme on le fait avec les oies…

Quand subit-on l’effet fed up? Voici un exemple :

Quand j’avais 16 ans, en 1962, j’avais un ami qui en avait 32. Notre amitié consistait dans le plaisir de parler de nos dessins ou des toiles que nous peignions et des poésies que nous aimions. Cet ami était homosexuel. Je lui avais dis que je le savais et cela resta notre secret. Cet homme vivait très difficilement son homosexualité car elle n’était pas acceptée, ni par sa famille, ni par “les autres”, car à l’époque, l’homosexualité c’était mal. Par exemple, pour téléphoner à son compagnon, il devait aller au téléphone public dans le bistrot où on se moquait de lui.

Grands dieux du ciel! Quelle catastrophe quand mon père vint à savoir que sa fille “parlait” à un pédéraste, tantouse, tapette, inverti, jeannette, lopette, enculeur, cocotte, chochotte, etc… Je n’avais jamais entendu tant de vulgarité de la part de mon père et ça à l’encontre de mon ami! Si mon père était capable de cette agressivité, on peut imaginer ce que mon ami devait supporter. Bref interdiction de revoir ce sale type… Comme la directrice de mon pensionnat avait confiance en moi, elle me permit de suivre la saison au théâtre national. J’ai donc vu du Brecht, Pirandello, Tennesy Williams et autres Oscar Wilde en compagnie de mon ami assis à ma gauche et de son ami assis à ma droite. Après la représentation ils m’accompagnaient à l’arrêt du tram. Ils ont fini par partir à l’étranger.

L’homosexualité n’a jamais été un problème pour moi jusqu’à ce qu’on commence à ne plus parler que de ça: les coming out à la télé, le mariage pour tous (au lieu de supprimer le mariage pour tous et de le remplacer par le contrat de convivence personnalisé pour tous) l’exhibitionnisme limite grivois à la Ruquier, on ne parle plus que de ça, on ne voit plus que ça et on en a assez.

L’excès, le fed up, produit la nausée et la tristesse de voir comment les homosexuels, dans cette ridiculisation, ont perdu leur dignité. Oui, les homosexuels ont droit à un contrat de convivence, mais non, cela n’est pas un “mariage”. Oui, des enfants abandonnées sont mieux au sein d’un couple homosexuel que sur les quais d’une gare en Inde, mais non, “avoir des enfants” ce n’est pas un “droit”.

Et oui, les procréations assistées et inséminations artificielles sont des jeux d’apprentis sorciers dont on ne connait pas les conséquences à longue échéance.

Et oui, les homosexuels ont droit au respect et non, les gay-prides n’inspirent pas le respect. Bref, le mieux est l’ennemi du bien, trop c’est trop, et quand on en a assez, quand on en est gavé, on en a la nausée et on éprouve l’effet fed up… qui entraine l’hostilité… qui finit par nourrir cette homophobie qu’on prétend combattre.

Le même effet fed up se fait sentir avec la lutte contre le racisme.

J’ai travaillé comme physiothérapeute dans un hôpital “populaire” à Bruxelles. Mes collègues me laissaient les “étrangers” car je connaissais plusieurs langues et avais été habituée aux “allochtones” depuis mon enfance au Congo.

Un jour, dans mon programme je trouve “un nègre”… Ce type se lève, il est grand, fort beau, il s’exprime dans un hollandais châtié, il est raffiné, exquis,  éblouissant… il est danseur classique et s’est foulé une cheville… en plus il homosexuel. Nous allons devenir amis et je vais lui servir de guide touristique pendant son court séjour à Bruxelles ce qui va me donner l’occasion de rencontrer le bête racisme primaire à l’égard d’une blanche accompagnée d’un nègre… à tel point qu’en croisant des messieurs en costard qui manifestement sortaient du bureau, l’un d’eux me dit carrément “encore un couple qui est mal assorti”…

S’ils avaient vu mon ami dans Casse Noisette, ils l’auraient applaudi… Je n’ai jamais eu de problèmes avec mes condisciples juives, ni avec mes patients marocains,  amis pakistanais, collègues congolaises, mais j’ai un terrible fed up envers les antiracistes qui s’attaquent aux “têtes de nègres” ou aux albums de Tintin. Idem envers ceux pour qui les morts ne sont pas morts mais absents ou disparus et les femmes de ménage ne sont plus des femmes de ménage mais des opératrices de surface… et là, la liste est très longue…

Etant donné que j’ai expérimenté le séjour d’un Pakistanais à mon domicile et que j’ai pu constater l’incapacité à s’adapter réciproque, de lui à nous et de nous à lui (comme je l’ai décrit dans mon livre "Des raisins trop verts" ) j’ai de plus en plus de fed up envers tous ceux qui veulent nous imposer de plus en plus de “réfugiés” dont on ne saura quoi faire, qui vont être de plus en plus déçus et vont devenir de plus en plus rancuniers et hostiles à notre égard.  Ce n’est pas eux qui auront tort, mais ceux qui les ont trompés en leur  laissant croire qu’ils allaient trouver un paradis chez nous… Et alors qu’est ce qu’on va faire?

Idem à l’égard de l’islam. Dans les années 50 nous habitions au Congo où il y avait une communauté sénégalaise musulmane qui était fort respectée car c’étaient des personnes “sérieuses”. Pendant mes séjours au Pakistan dans les années 90 j’ai rencontré des musulmans aussi pieux que nos catholiques,  normalement pieux et pas exhibitionnistes pour un sou. J’ai été séduite par les Pakistanais parce que c’étaient des personnes sérieuses, respectueuses, de confiance, à tel point que j’y ai voyagé seule en toute sérénité. Fatalement je me suis intéressée à l’islam et ai même entrepris d’apprendre l’arabe. Mais, quand on a commencé à ne plus parler que de foulards, burqas, mosquées, halal, ramadan, égorgements en place publique et prières de rues, piscines, lisez le rapport  Obin  et Denécé .....

Quand on a vu sur toutes les télés des imams sirupeux et des politiciens du genre Juppé qui, sans avoir lu le coran, déclarent  l’islam compatible avec la république… l’effet fed up se fait sentir. Effet fed up suivi d’hostilité non pas envers les musulmans, mais envers ces opportunistes qui exploitent l’islam et les musulmans sans se soucier des conséquences à long terme pour les musulmans mais aussi pour nous.

Mais il y a fed up vraiment partout: les folies dans l’enseignement, les théories du genre,  l’obligation de rouler avec les phares allumés même en plein soleil, les démarcheurs qui vous téléphonent à 22h pour vous vendre de l’huile d’olive… et j’en passe et des meilleures…on ne sait plus quoi inventer pour emmerder le monde.

Bon, moi je suis une vieille dame pacifique et devenue modérée à force de raboter mes angles contre les réalités, mais que va-t-il se passer le jour où le fed up général aura contaminé des excités du genre hooligans ou casseurs?

Pour le moment on vote Front National, mais quel est le stade suivant?

Anne Lauwaert

 

 

 

11 commentaires

  1. Posté par Anne Lauwaert le

    Mes grands-parents étaient des paysans, plus je vieillis, plus j’apprécie le bon sens paysan = un chat est un chat… Camus disait que mal nommer les choses ajoute du malheur au monde, un autre proverbe: un chat né dans une poissonnerie n’est pas un poisson, etc. Il ne dépend que de nous-mêmes de refuser les folies. Pourquoi devrions-nous manger des fraises en hiver ? Pourquoi serions-nous obligés d’aller nous entasser sur les autoroutes pendant le week-end? etc. il ne faut même pas faire de révolution, il suffit de ne pas marcher dans la combine.

  2. Posté par SilvanaC le

    Mme Lauwaert, je vous remercie infiniment pour cet article si plein d’un ingrédient qui fait tellement défaut par les temps qui courent: le bon sens! Il a mis du baume au coeur car je me suis identifiée à 100%! Avec un tel tapage médiatique autour des thèmes évoqués, évidement tous dans un sens unique, il est plus que plaisant lire vos mots. J’espère que nous aurons encore le droit de les lire car il me semble que le politiquement correct va bientôt aussi frapper dans cet espace de liberté qui s’appelle internet. Merci encore!

  3. Posté par Gérard Brazon le

    Toujours cette prose qui lie le talent et le bon sens. Cela coule… de source ! Mais, il semble que la majorité de nos gouvernants, ne boivent plus d’eau depuis longtemps. En effet, si nous avions des Anne dans les différents gouvernements des pays occidentaux, nous ne serions pas obligé d’entrer en résistance, de nous faire traiter de raciste, d’islamophobe, et autres sobriquets du genre crade et disons-le insultants. L’islamophobie n’étant pas à mon sens une une forme de racisme mais tout simplement une prise de conscience, une réaction salutaire, un coup de pied au fond de la piscine. L’islamisme étant l’islam en mouvement. Et il semble bien que malgré plus de 25 000 attentats depuis le 9 sep 2001, nos gouvernants sont soit des idiots, soit des complices.
    Merci à toi Anne, je sors d’élection pénible, je ne suis pas au second tour, mais je vais voter Front National par la pensée car Marine est et reste notre seul espoir tangible.

  4. Posté par mia vossen le

    Disons clairement ce que nous observons en de trop nombreuses occasions: les pires racistes, les dangereux racistes, les écoeurants racistes… sont les « antiracistes »!

  5. Posté par Anne Lauwaert le

    Mais il y a aussi des aspects franchement pervers… les commerçants qui sont pour la burqa parce que leurs clients arabes ne lésinent pas sur leurs dépenses… et les hôteliers qui sont pour l’immigration car plus il y a des demandeurs d’asile plus les chambres de leur hôtel seront occupées et payées par le contribuable… et la construction de mosquées profite à celui qui vend son terrain, à l’architecte, aux entreprises de construction, etc… et à mon avis cela va encore plus loin : plus on réussit à convaincre les parents « des banlieues » d’interdire les sports ou les arts à leurs enfants sous prétextes religieux et autres, plus on évite la concurrence ! si tous ces gosses se mettaient à la compétition de gymnastique artistique ou patinage ou piano, vous vous rendez compte de la compétition avec nos fils de bobos ? Si on donnait vraiment leur chance à ces gosses, vous vous rendez compte : premier en math … « un nègre » 🙁 … premier en chimie « un arabe » 🙁 … première en dictée « une maghrébine » 🙁 … et avec les voix qu’ils ont, ils pourraient bien éclipser nos sopranos et nos ténors… Les Chinois ou les Coréens ne se laissent pas prendre à ce piège et sont toujours présents parmi les 12 finalistes du concours Reine Elisabeth – ne pas exiger que les enfants des banlieues suivent la discipline et le parcours scolaire sans concessions, ça c’est le vrai racisme, la façon occulte d’empêcher ce prolétariat de sortir de l’ignorance. Pour eux le rap et la diction à la Jamel, ça suffit… Question : qui tire les ficelles ?

    J’ai vu un reportage à la télé qui montrait au Kenya des serres immenses dans lesquelles on cultivait des roses qui le matin étaient coupées et arrivaient quelques heures plus tard sur nos guéridons. Ce jour là j’ai compris qu’aussi longtemps qu’on parvient à fixer l’attention des Africains sur l’horreur du mot « nègre » ou sur le racisme de Tintin, ces gens ne vont pas prendre conscience de l’exploitation salariale dans ces serres et pas non plus du danger que courent ces ouvriers qui sans protection manipulent des insecticides et engrais chimiques et qu’en plus de ça ces poisons sont déversés dans les rivières et contaminent les sols et l’eau et tout à l’avenant… ça c’est le vrai racisme, c’est d’ailleurs pour ça qu’il faut mettre le mot « race » à l’index…

    Aussi longtemps que nous accueillons des demandeurs d’asile qui fuient l’Afrique, ces gens ne vont pas améliorer leur pays et plus leurs pays restent vulnérables plus on peut les exploiter, dépouiller… ah mais n’appelez pas cette friandise une « tête de nègre »… car ça c’est grave…

    Ben oui, y a des jours où j’ai le fed up…

  6. Posté par mia vossen le

    MERCI, Anne Lauwaert! Je transmets et espère que ce texte réaliste et généreux à la fois sera lu des millions de fois.

  7. Posté par Jeferson le

    Bonjour,
    Excellent et plein de bon sens. Merci pour ce beau texte, généreux. Je me permets de creuser un tantinet dans une direction qui m’apparaît de plus-en-plus essentielle. Cause homosexuelle, antiracisme, (anti-)religion ou écologie, on peut avoir un avis et normalement débattre de tout, en bonne intelligence. Pour autant que ça reste une conversation entre humains. Las, certains cachent leur humanité loin derrière leur militantisme. Très loin. Et c’est insupportable.
    Tant que j’ai affaire à un humain, je serai correct, urbain, respectueux. Mais je suis sans pitié aucune avec les militants aveugles qui veulent m’imposer leur point-de-vue.
    J’ai par chance le verbe facile et l’esprit vif, ça permet de renvoyer très rapidement les roquets dans leurs niches. Et de m’en faire des ennemis à vie hélas, mais…
    Amicalement,
    Jeferson

  8. Posté par Mireille Vallette le

    Excellent!

  9. Posté par C. Donal le

    Et en Allemagne, on entend souvent : « Ich kann gar nicht so viel essen, wie ich kotzen möchte. »
    Je ne peux pas même manger autant que j’aimerais vomir.

  10. Posté par JeanDa le

    Merci pour ce texte qui, pour moi, éclaire l’évolution dans mon esprit, d’une bonne tolérance envers les autres (s’ils sont eux-mêmes tolérants) vers une profonde détestation.
    Vous illustrez très clairement le fait que j’aie tendance à me tromper de cible. Ce ne sont pas les sujets eux-mêmes que je déteste (homosexuels, migrants, musulmans, etc.) mais bien ceux qui nous gavent à outrance pour les surprotéger (et, en guise de prime, en profitent pour nous culpabiliser) : tous les donneurs de leçons (socialos-bobo, journaleux, membres du synode, conseillers fédéraux, bien-pensants angéliques, etc, toujours manipulateurs et souvent menteurs).
    Pour moi, les leviers d’action prioritaires à notre disposition ces prochains temps pour commencer à nettoyer les écuries d’Augias sont :
    1) Ne plus JAMAIS élire des socialistes ou autres gôchos, à quelque position que ce soit,
    2) Supprimer la taxe Billag pour assécher la principale source de désinformation
    3) Ne pas renouveler nos abonnements à la presse « main-stream »
    4) Prendre un soin particulier à discuter avec nos enfants et petits-enfants pour les réinformer
    5) Exprimer nos désaccords face aux donneurs de leçons, sans cesse, obstinément et partout (famille, bureau, café, associations, etc) même si l’on a l’impression que ça ne sert à rien.
    C’est à ce prix que nous sauvegarderons notre pays et la démocratie

  11. Posté par Josiane Filio le

    Magnifique texte que j’approuve de A à Z. Venant de la part d’Anne Lauwaert dont le talent n’est plus à prouver, ce n’est nullement étonnant, et j’ai plaisir à le souligner, car c’est ce genre de prose, franche, directe et pleine de bon sens, dont certains citoyens européens ont besoin pour bien comprendre quelle est l’emprise mortifère dans laquelle nous enferment nos gouvernants et tous leurs complices. J’avoue que je n’arrive même pas à décider s’ils sont inconscients des conséquences de leurs actes ou simplement démoniaques au point de s’en moquer (pensant sans doute pouvoir s’en préserver). En revanche je suis convaincue qu’il faut transmettre cette saine littérature au plus grand nombre de contacts … dont acte.
    Josiane Filio

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