Lire Houellebecq pour entrevoir une France islamisée

Par Charles Terrade

Une piqûre de rappel pour les retardataires: il faut absolument, lire «Soumission» de Michel Houellebecq. Dans ce livre plein d’ironie philosophique, l’auteur se penche sur le rôle que pourrait assumer l’islam dans le renouveau moral d’une France accablée par 50 ans de déconstruction nihiliste. Incontournable.

France, 2022. François, le narrateur, est professeur d’université à la Sorbonne. Sa spécialité
la littérature du XIXe siècle, et tout particulièrement Huysmans, écrivain tourmenté et converti sur le tard au catholicisme. François a la quarantaine mais vit seul. Il n’a plus de contacts depuis longtemps avec ses parents divorcés qu’il déteste. Les créatures féminines passent dans sa vie comme les plats tout prêts dans son micro-onde. Une relation amoureuse durable lui est impossible. Il fornique de préférence avec des prostituées. Il ne fréquente que des relations de travail dont il se lasse vite. Cet antihéros relativiste, néo-Meursault universitaire, ne croit en rien et est indifférent à tout : autrui, la société, la politique, l’histoire. Mais son nihilisme n’est pas radieux. François s’ennuie et ressent la vacuité de son être avec une angoisse croissante. Il se méprise lui-même. La dépression le guette.

Les élites de la société française dans laquelle François traîne sa lamentable existence sont atteintes de la même fatigue de vivre et rongées par la même haine de soi. Dans le sillage des idéologues
soixante-huitards, elles ont pourtant parachevé avec jubilation la destruction des anciens repères religieux, moraux, familiaux, identitaires. Mais la société libérale-libertaire, que ces
apprentis sorciers ont contribué à engendrer, n’a pas produit la nouvelle humanité épanouie
qu’ils attendaient. La disparition des valeurs traditionnelles a conduit à un vide existentiel qui
sape la cohésion sociale. La volonté de vivre ensemble s’est réduite à tel point que l’intégrité
même de l’Etat est menacée. En réaction, l’exigence de sens de la population déboussolée
revient en force, comme un boomerang, à la figure des élites désemparées. C’est toute la
société qui réclame ardemment la fin du chaos ontologique.
La nombreuse communauté
musulmane est la plus active en termes de revendications d’un retour à un ordre moral, lequel
devrait selon elle s’aligner sur ses dogmes religieux.

L’incapable François Hollande a réussi à se faire réélire en 2017 grâce à ses manipulations de
l’opinion publique. Le début du roman coïncide avec les dernières semaines de son deuxième
quinquennat, encore plus désastreux que le premier, et les élections présidentielles de 2022.
Le contexte est extrêmement tendu: économie en déroute, mécontentement social au paroxysme. Les attentats islamistes le disputent aux affrontements entre musulmans et
identitaires. Le PS et l’UMP n’ayant pas réussi à se qualifier pour le deuxième tour de
l’élection présidentielle, les Français devront choisir entre Marine Le Pen, infatigable
présidente du Front National, et Mohammed Ben Abbes, habile et retors président de la
Fraternité Musulmane qui se présente comme un islamiste modéré et démocrate.
Afin de faire barrage au FN qui en 2022 incarne toujours pour l’oligarchie politico-médiatique
le Mal absolu, tous les autres partis ont appelé à voter pour Ben Abbes au deuxième tour. Ce
ralliement leur a permis d’obtenir des promesses de ministères clés. Le candidat islamiste est facilement élu, une majorité d’électeurs ayant été séduits par son boniment d’un islam
fédérateur à visage humain comme solution au mal-être français.

Ben Abbes islamise alors doucement mais sûrement la France, avec le soutien de la plupart
des élites masculines. L’islamisation ne déclenche pas de protestation d’envergure. Avant tout
marquée par un retour à un ordre moral rigoureux, elle se calque sur les règles de vie des
sociétés musulmanes. Seuls les juifs se montrent ouvertement inquiets en quittant le pays pour
Israël.

Pour commencer, les femmes voient leur place dans la société radicalement modifiée. Le
nouveau pouvoir les incite à quitter le marché du travail, notamment au moyen d’allocations
familiales très fortement revalorisées. Grâce à leur retour à la maison, la famille traditionnelle
gagne en stabilité. Elle redevient la cellule centrale et respectée de la société.
Les femmes cédant leur place aux hommes inactifs, le chômage disparait. Le retour au plein
emploi, ainsi que l’activisme social des imams salafistes des banlieues, massivement soutenus
par l’Etat, font disparaître la violence et les trafics illicites des nombreux territoires
auparavant considérés comme perdus par la République.
L’enseignement public voit ses missions drastiquement revues à la baisse. Il se concentre
principalement sur le premier degré. Le nouveau ministre – musulman –  de l’éducation prend
des mesures qui découragent fortement les filles de poursuivre leurs études au-delà du
primaire. Ces dernières sont orientées vers l’apprentissage pratique de leurs futurs rôles de
mère et de ménagère. Suite à la privatisation des enseignements secondaires et supérieurs, les
établissements musulmans poussent comme des champignons et deviennent les plus prisés
grâce aux très généreux dons des pétromonarchies du Golfe. Leurs cours y sont compatibles
avec le Coran. L’Arabie saoudite finance et gère la Sorbonne qui n’accueille dorénavant que
des professeurs musulmans de sexe masculin. La baisse drastique du budget de l’Education
Nationale permet aux comptes de l’Etat de retrouver l’équilibre. L’augmentation inexorable et
incontrôlée de la dette publique française s’arrête enfin.

Un nouvel ordre moral, social et économique s’établit qui renoue avec certaines des anciennes valeurs traditionnelles de la France tout en y ajoutant, en surplomb, des préceptes spécifiquement islamiques. La plupart des gens y trouvent leur compte. La
confiance en l’avenir revient. Le Produit Intérieur Brut croit à nouveau. La France islamisée renaît de la France déconstruite.
François, comme presque tous les autres professeurs d’université, choisit de se convertir à
l’islam. Par motivation pratique : la conversion est nécessaire pour garder son poste.
Egalement pour des raisons financières : son traitement est très nettement revalorisé, ce qui lui
permet de vivre beaucoup plus confortablement. Par ailleurs, sa nouvelle situation enviable de
professeur dans une prestigieuse université islamique lui donne droit à quatre jeunes et
ravissantes épouses. Ses futures femmes l’attendent, ravies de se soumettre socialement et
sexuellement au maître que l’ordre nouveau leur a désigné. Quant à lui, il est soulagé de se
soumettre intellectuellement et spirituellement à l’islam car celui-ci le libère enfin de ses tourments existentiels.

Ce livre est incontournable pour qui s'intéresse à l'islamophilie de notre élitocratie politique, médiatique et intellectuelle, et à ses conséquences ultimes pour la France. Houellebecq met en outre malicieusement en évidence les avantages que pourrait apporter l'islamisation de la France à ses élites masculines ayant perdu tout repère et s'enfonçant inexorablement dans le nihilisme. Leur besoin inavoué mais désespéré de sens dans un monde anomique pourrait les
entraîner vers une soumission totale à un nouvel ordre politico-religieux viril leur apportant la
tranquillité de l’âme. La soumission à l'islam est pensée par l'auteur comme délivrance
d'une liberté radicale finalement insupportable.
Allah est ironiquement pressenti comme
rédempteur divin d'une élite plongée dans la déréliction du fait de sa propre déconstruction.
Mais le Très Miséricordieux est aussi entrevu comme pourvoyeur de félicités sexuelles. Le
nouveau pouvoir islamique veillerait à la stimulation libidinale du mâle des classes
supérieures.
Celle-ci serait assurée par la diversité du cheptel de femelles à disposition et son
renouvellement permis par la polygamie et la speed-répudiation.

Michel Houellebecq n’a eu qu’à observer, d’une part l’essor de l’islam en France, et d’autre
part les mœurs du monde musulman, pour inventer cette fiction cauchemardesque. Si celle-ci
se réalisait, les femmes paieraient au prix fort la régression monumentale induite par
l'islamisation de la société. Mais la dégradation des relations hommes-femmes ferait aussi des hommes les perdants du nouvel ordre. L’égalité entre les sexes n’est-elle pas au cœur de notre civilisation? Réduire la femme à ses fonctions d’objet sexuel, d’utérus et de ménagère, ne ferait pas que l’humilier et l’inférioriser. En bridant l’entendement et la créativité d’une moitié de l’humanité, l’homme provoquerait un appauvrissement intellectuel et culturel généralisé. Et il se châtrerait d’une des plus belles dimensions de sa vie : la communion avec son égale dans le sentiment amoureux.

 

Charles Terrade

 

 

7 commentaires

  1. Posté par Jan Marejko le

    Remarquable cette chronique de Michel Onfray.

  2. Posté par Anne Lauwaert le

    et à côté de l’histoire immaginée par Houellebecq, lisez l’histoire vraie que j’ai racontée dans « Des raisins trip verts ou les déconvenues des migrants »

  3. Posté par kyrr le

    La France est un beau pays…mais avec ou sans l’islam et les musulmans, je refuse d’y vivre ou d’y séjourner pour beaucoup de temps. Raison : Les gouvernants Français sont des nullités, hypocrites affairistes mêlés dans des affaires louches avec des dictateurs du tiers monde.
    ….la nation des droits de l’homme qui soutien des Dictateurs avec son VETO et décore avec la médaille de la légion d’honneur un Bourreau Tortionnaire en échange du business avec son Boss!

  4. Posté par Leb le

    La chronique mensuelle de Michel Onfray | Mars 2015 – N° 118LE CHOC DES CIVILISATIONS –

    Le politiquement correct recule, tant mieux, mais il a tellement imbibé les consciences depuis un quart de siècle qu’il y a fort à parier qu’il mette encore un peu de temps avant de crever comme une sale bête… La droite y est le moins sensible. Normal, ce renoncement à la pensée qui se fait prendre pour une pensée est l’apanage des conceptuels et des idéologues, la pathologie de la gauche incapable de pragmatisme, au contraire de la droite qui en est, elle, trop capable, et qui, de ce fait, demeure incapable d’idéal.

    L’un des slogans du politiquement correct est qu’il n’y aurait pas de choc des civilisations. Invention de Samuel Huntington, un penseur américain néoconservateur, autant dire : le diable en philosophie… Mais peu importe la politique ou la religion d’un philosophe quand il pense juste. Prétendre qu’il n’y a pas un choc des civilisations entre l’occident localisé et moribond et l’Islam déterritorialisé en pleine santé est une sottise qui empêche de penser ce qui est advenu, ce qui est, et ce qui va advenir.

    L’Islam est une civilisation, avec ses textes sacrés, ses héros, ses grands hommes, ses soldats, ses martyrs, ses artistes, ses poètes, ses penseurs, ses architectes, ses philosophes. Il suppose un mode de vie, une façon d’être et de penser qui ignore le libre arbitre augustinien, le sujet cartésien, la séparation kantienne du nouménal et du phénoménal, la raison laïque des Lumières, la philosophie de l’histoire hégélienne, l’athéisme feuerbachien, le positivisme comtien, l’hédonisme freudo-marxiste. Il ignore également l’iconophile et l’iconodulie (goût et défense des images religieuses) pour lui préférer la mathématique et l’algèbre des formes pures (mosaïques, entrelacs, arabesques, calligraphie), ce qu’il faut savoir pour comprendre pourquoi la figuration de Mahomet est un blasphème.

    Refuser la réalité du choc des civilisations ne peut se faire que si l’on ignore ce qu’est une civilisation, si l’on méprise l’Islam en lui refusant d’en être une, si l’on déteste la nôtre par haine de soi, si l’on pense l’histoire avec les fadaises du logiciel chrétien et marxiste qui promet la parousie en ignorant les leçons de philosophie données par Hegel : les civilisations naissent, croissent, vivent, culminent, décroissent, s’effondrent, disparaissent pour laisser place à de nouvelles civilisations. Qu’on médite sur l’alignement de Stonehenge, les pyramides du Caire, le Parthénon d’Athènes ou les ruines de Rome comme on méditera plus tard sur les ruines des cathédrales !

    Notre occident est en décomposition : les adultes s’achètent des albums à colorier, ils se déplacent en trottinette, ils tétouillent des cigarettes électroniques, la femme à barbe constitue l’horizon indépassable du progrès post-moderne, ils conduisent leurs animaux domestiques chez le psychanalyste, ils marchandisent l’utérus de femmes pauvres pour porter les foetus de riches, ils se ruent sur les soldes comme des bêtes assoiffées sur un point d’eau, mais aucun d’entre eux n’est prêt à mourir pour ces fariboles.

    Pendant ce temps, animé par la grande santé nietzschéenne, l’Islam planétaire propose une spiritualité, un sens, une conquête, une guerre pour ses valeurs, il a des soldats, des guerriers, des martyrs qui attendent à la porte du paradis. Refuser qu’il en aille, là, d’une civilisation qui se propose « le paradis à l’ombre de épées », un propos du Prophète, c’est persister dans l’aveuglement. Mais comment pourrait-il en être autrement ? L’aveuglement qui fait dire que le réel n’a pas eu lieu (ou n’a pas lieu) est aussi un signe de nihilisme.
    Michel Onfray©
    http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-mars-2015-n-118/

  5. Posté par François le

    Merci à Houellebecq de nous avertir du terrible danger destructeur qui nous menace de manière imminente et dans lequel l’Europe plonge tête baissée !

  6. Posté par bluena le

    Ha ha ha !!
    Belle tentative de la part de Houellebecq mais tout le monde ne prends pas.
    1° ce n’est qu’une minable caricature de l’islam.
    2° les gens peuvent se renseigner sur ce qu’est réellement l’islam.
    3° je suis vraiment désolée mais on fait référence d’une part à la phobie d’une petite partie de « Français »dont il est interdit de nommer l’appellation qui se contente de véhiculer sa propre peur .
    De plus aujourd’hui malgré une désinformations généralisée liée elle même à la finance, cette « petite partie dont font partie beaucoup de journalistes, nous montre aujourd’hui de quoi elle est capable dans toute sa splendeur. Suffit de regarder dans quel état se trouve aujourd’hui la France et ceci grâce à eux seul.

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