La Vérité difficile.

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téléchargement (54)Je reviens d’une rencontre de « Chrétiens engagés en politique » organisée à Versailles dans les locaux de l’Ermitage par Jean-François Debiol infatigable artisan de la synthèse entre communion et engagement. Ces réunions sont toujours l’occasion d’échanges passionnants entre des militants et des responsables politiques et associatifs animés par la spiritualité chrétienne. Celle-ci m’a permis de découvrir le Général Didier Tauzin. Officier supérieur des Forces Spéciales, ses actions sur de nombreux terrains d’opérations risqués et délicats lui ont permis d’accumuler une expérience humaine exceptionnelle.

Mais c’est un pays qu’il porte en lui comme une croix : le Rwanda. Parlementaire récent en 1994, j’avais une conception circonspecte de l’opération Turquoise déclenchée par le gouvernement d’Edouard Balladur et destinée à protéger les populations, essentiellement les Tutsis victimes des massacres perpétrés par les Hutus à la suite de l’attentat qui coûta la vie au Président Habyarimana. Les Français ayant auparavant encadré l’armée « hutu » du Rwanda et lui ayant permis de contenir les rebelles tutsis, leur intervention humanitaire et neutre a été suspectée et même accusée d’apporter un soutien aux massacreurs. J’avoue que l’aller-retour de nos soldats sur la scène rwandaise d’abord comme alliés des Hutus puis comme protecteurs des Tutsis me laissait perplexe. La première action a été inefficace puisque le FPR du Tutsi anglophone Kagamé a fini par l’emporter dans une rivalité qui au-delà des ethnies directement concernées mesurait l’influence des Etats-Unis et celle de la France dans cette région du monde. La chute de Mobutu au Zaïre redevenu Congo, et la victoire de Kagamé dit assez que nous avons perdu la partie. La seconde intervention française m’était apparue comme une tardive tentative de sauver l’honneur et la face d’une politique confuse, inefficace et peut-être peu honorable. J’avais vu le film réalisé sur l’opération Turquoise par Alain Tasma et celui-ci avait accentué mes interrogations. On y voit la proximité des troupes rwandaises génocidaires avec les Français que les Hutus accueillent comme des alliés, et la difficulté des Français à faire comprendre à leurs anciens protégés qu’ils protègent désormais leurs ennemis.

Un certain nombre de responsables politiques et militaires de notre pays ont été mis en cause et font l’objet de poursuites judiciaires de l’actuel régime rwandais à dominante tutsie. Le général Tauzin en fait partie, et c’est pour lui absolument inacceptable. C’est pourquoi il a rédigé : « Je demande justice pour la France et ses soldats ». L’échange que j’ai eu avec lui et la lecture de son livre ont dissipé mes doutes en même temps qu’ils confortaient des craintes d’une autre nature. La France et son armée n’ont pas à ressentir de honte des actions entreprises. L’honneur est sauf, dans la mesure où la longue discrimination ethnique qui pèse sur le Rwanda n’oppose pas les gentilles victimes tutsies au méchants bourreaux hutus, mais une minorité dominante à une majorité dominée. La France a tenté de défendre le gouvernement légal majoritaire contre la rébellion, puis a soutenu des accords qui devaient conduire à la réconciliation. Lorsque le massacre des Tutsis a commencé, les troupes françaises étaient retournées en France. Elles ne sont revenues au Rwanda, trop tard, que pour limiter la tuerie et alors que le FPR de Kagamé avait gagné la guerre. Elles ont alors rempli leur mission dans la limite de leurs moyens. Elles n’ont ni soutenu ni commis de massacres.

Mais au-delà de cette satisfaction morale, on trouve, dans cette affaire, une fois de plus, la légèreté, l’irresponsabilité, la lâcheté des politiques. Le soutien aux Hutus quand il était encore temps de sauver ce régime allié de la France a été insuffisant et hésitant. Les rebelles n’ont pas été rejetés en Ouganda, et l’armée rwandaise, les FAR, a été abandonnée face à l’APR rebelle manifestement plus opérationnelle. L’opération Turquoise n’a été qu’une réaction de communication politique pour faire face aux accusations qui pleuvaient sur la France. Elle a été beaucoup trop tardive. Lorsque des officiers français ont été accusés, les politiciens français, Sarkozy, en particulier, ont préféré la discrétion et le rétablissement des rapports avec le nouveau régime plutôt que la défense de l’honneur de nos soldats. Le général Tauzin a vécu douloureusement la grandeur et la servitude militaires qui consistent à obéir, même lorsque les décisions politiques ou leur absence sont stupides, et à supporter ensuite le manque de solidarité de ceux qui ont décidé avec ceux qui ont exécuté.

Enfin, la sympathie que m’inspire le général prend tout son sens dans une expérience commune. Comme lui j’ai souffert d’accusations injustes et comme lui j’ai beaucoup de mal à faire entendre la vérité, ainsi qu’en témoigne le peu d’échos faits à la condamnation d’Eva Joly pour m’avoir diffamé, comme si certains mensonges avaient plus de poids que certaines vérités. On avait osé m’accuser de négationnisme et la clameur publique l’avait repris. Maintenant que chacun sait que je disais vrai, cela se susurre à peine. De la même façon, le rouleau compresseur de la désinformation qui faisait partie de la stratégie des adversaires de la France a installé dans les esprits un doute sur le comportement de notre armée au Rwanda. Entretenu par des « communicants » français celui-ci domine les médias de notre pays. C’est ce doute que Didier Tauzin voudrait éteindre. Dans son ouvrage on trouve la même citation de Charles Péguy que dans mon opuscule « M… au lobby gay » : Qui ne gueule pas la vérité, quand il sait la vérité, se fait le complice des menteurs et des faussaires ».

 

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