Allemagne : vers la sortie de l’euro ?

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Par Charles Sannat.

Merkel credits lea leamm (licence creative commons)

Tous les problèmes de l’euro perdurent, tels que je les avais décrits en 2011. Rien n’a été réglé depuis. Nous avons juste acheté du temps. Reste l’essentiel : nous approchons à nouveau d’une période de doutes existentiels. Ces doutes, il y aura deux façons de les affronter et peut-être trois.

La première sera le grand saut fédéral auquel je ne crois pas, tant les divergences sont profondes, à savoir une fiscalité commune, une émission de dette commune, un gouvernement commun et l’utilisation, tous en chœur, de la planche à billets et une bonne dose de monétisation. C’est possible mais fort peu probable et, au bout du compte, les Allemands seraient ruinés par les cigales du Sud et notre monnaie finirait comme le yen japonais. Une mort lente et douce certes, mais une mort tout de même.

La deuxième serait « l’explosion » de la zone et le retour aux monnaies nationales. Ce ne serait pas la solution politiquement et économiquement la plus efficace et la plus élégante. Le mieux, comme je le disais dès 2011, serait en réalité une sortie de l’euro de l’Allemagne et la conservation de l’euro pour les pays du Sud dont la France, ce qui permettrait d’avoir un choc de dévaluation plus modéré.

La troisième façon d’affronter ces doutes serait de ne rien faire comme depuis sept ans et le début de la crise, mais de parler pour ne rien dire, comme sait le faire Mario Draghi qui nous explique à l’envi qu’il fera tout ce qu’il faut pour sauver la zone euro et que ce sera assez… Sauf que cette fois-ci, le bluff risque de ne pas prendre.

Messieurs les Allemands, sortez les premiers

Voici ce que je disais dès 2011 :

« « Messieurs les Anglais, tirez les premiers. » C’est lors de l’épisode de la bataille de Fontenoy (en 1745) que ce mot fameux aurait été prononcé.

Dans notre Europe moderne, nous avons su depuis quelques décennies faire taire les armes et les canons. C’est bien sûr le principal succès de l’Union européenne. C’est d’ailleurs ce succès et cette connaissance historique partagée par tous des affres des guerres ayant ravagé notre continent pendant des siècles qui rend, dans l’esprit de tous, indépassable l’idée de construction européenne.

Pourtant, pourtant, l’année 2012 pourrait être celle où l’ensemble des européens demandera à nos amis allemands de sortir les premiers de l’euro.

L’Euro est une construction politique. Pas économique.

La monnaie unique a été créée et pensée il y a presque vingt ans. À l’époque, et c’est important de le rappeler, le Mur de Berlin vient de s’effondrer. La France, inquiète, voit poindre le danger d’une grande Allemagne réunifiée. François Mitterrand, alors président de la République, reste avant tout un homme de la Seconde Guerre mondiale. Il n’aura de cesse d’arrimer l’Allemagne à la France, à moins que ce ne soit le contraire, afin de rendre le destin de nos deux nations indissociable. La monnaie unique est un peu comme une corde reliant plusieurs alpinistes mais qui ne pourrait pas être coupée en cas d’accident. Dès lors, si l’un des membres de l’euro tombe, toute la cordée sera entraînée dans la chute.

L’euro est une monnaie économiquement allemande mais de construction politique française.
Le Président Mitterrand a donc négocié l’aide et le soutien de la France à la réunification allemande contre l’adhésion de l’Allemagne à l’euro en échange de quelques critères de bonne gestion financière (les célèbres critères de Maastricht) oubliés par tous (y compris nos camarades allemands) depuis bien longtemps. Il ne faut pas oublier la décision politique prise à ce moment-là par le Chancelier allemand de l’époque, Helmut Kohl. Ce dernier a décidé de convertir la monnaie des Allemands de l’Est au prix de la monnaie de l’Ouest. En clair, un Deutsche Mark (RFA-ouest) valait un Ost Mark (RDA-est). L’Allemagne n’avait pas l’argent nécessaire, bien sûr, pour convertir cette masse monétaire nouvelle sur la base de 1 pour 1. Une telle conversion n’avait d’ailleurs aucun sens économique. L’Ost Mark valait plutôt dix fois moins d’un Deutsche Mark. Là encore, l’idée était politique. Il s’agissait d’affirmer la réunification du peuple allemand, et qu’un Allemand de l’Ouest « valait » un Allemand de l’Est.

N’oublions pas qu’hier comme aujourd’hui, les Allemands ont toujours refusé la notion de monétisation. Les Allemands n’ont pas imprimé les Deutsche Mark nécessaires. Ils les ont empruntés sur les marchés. Ce faisant, ils ont asséché le marché monétaire, provoqué une hausse massive des taux d’intérêt, à l’origine de la récession et de la crise économique des années 90 à 95. Nous avons tous payé le prix de la réunification allemande en Europe et particulièrement en France. Mais l’adhésion de l’Allemagne à l’euro était à ce prix. »

Le plan secret d’Angela Merkel pour revenir au Deutsche Mark

C’est le titre de cet article qui nous vient d’Italie. Je vous livre ici ma traduction des points essentiels et à retenir de cet article.

« Selon ce plan, Berlin pense à se déconnecter de la monnaie unique avant qu’il ne soit trop tard, en raison de plusieurs éléments.

Il y aurait d’abord la décision de la France de ne pas respecter la contrainte de 3% de déficits publics et les difficultés à maintenir les politiques d’austérité et de rigueur imposées par les traités de l’UE dans la zone euro et enfin le désir d’Angela Merkel de mettre fin à cette aventure monétaire devenue plus que douteuse et douloureuse pour tout le monde.

Non seulement cette hypothèse circule à Berlin dans les milieux politiques liés au parti chrétien-démocrate de la chancelière, mais en plus les plans seraient déjà bien établis. En cas d’effondrement soudain de l’euro, l’Allemagne se prépare pour un retour offensif à son cher vieux Deutsche Mark…

C’est un plan que la chancelière Angela Merkel serait en train de finaliser dans les détails. Les autorités allemandes nient officiellement toute l’idée (NDLR ils ne peuvent en aucun cas dire l’inverse « bien sûr, bien sûr, on se prépare à l’effondrement de l’euro et au retour au Mark, mais dormez tranquille tout va bien se passer »… ce serait la panique assurée).

Cependant, selon certaines rumeurs circulant constamment, non seulement en Allemagne, mais aussi à Bruxelles, dans les rangs de la CDU, le parti de Mme Merkel serait bel et bien en train de se préparer pour l’effondrement de la monnaie unique. Une telle sortie ne peut évidemment être totalement improvisée !

Dans un tel scénario, semi-apocalyptique, le Mark recommencerait à circuler dans les poches des citoyens et dans les banques allemandes très rapidement pour ne pas dire presque instantanément (NDLR d’après de nombreuses rumeurs sérieuses, mais n’en ayant jamais eu en main je ne peux que les qualifier de « rumeurs », les nouveaux marks en particulier les billets auraient déjà été imprimés dès 2011). »

Voilà pour l’essentiel de cet article italien.

L’euro n’a aucun avenir

Allemagne sortie de l'euro rené le honzecL’euro, encore une fois, n’a aucun avenir et il ne s’agit pas là d’idéologie mais de faits. Les faits sont têtus et les faits sont froids. L’euro ne fonctionne pas, ou en tout cas très mal, et sur ce point, toute personne objective sera d’accord. Dès lors se pose la question de comment faire pour « réparer » l’euro et qu’il marche bien. Vous aurez d’un côté ceux qui pensent que la seule façon d’avoir une monnaie unique réellement opérationnelle sera, comme je le disais en introduction, le grand saut fédéral et c’est d’ailleurs toujours la même et unique solution avancée. « Ce grand saut fédéral est-il possible ? » est donc la question logique à se poser après.

Ma réponse est non. Pourquoi ? Tout simplement parce que, encore une fois, les intérêts économiques, politiques, géopolitiques ou encore démographiques sont trop divergents. Parce qu’en réalité, il n’y a qu’une convergence économique de façade mais des divergences de fond et irréconciliables à tous les niveaux. Et je vous passe les immenses différences de culture entre, par exemple, la rigueur financière allemande et le côté artistique de la gestion des finances publiques françaises…

Conséquence logique de cette petite démonstration : si le saut fédéral n’est pas possible à court et moyen terme (et il ne l’est manifestement pas), une grande attaque d’envergure sur les marchés devra forcer les dirigeants européens à faire des choix. Le choix du plus d’euro ou du moins d’euro. Si les États-Unis d’Europe sont impossibles alors ce sera le retour aux monnaies nationales.

Encore une fois, et comme je le disais dès 2011, la sagesse économique, la stabilité sociale et l’intelligence politique voudraient que l’Allemagne sorte de l’euro pour laisser l’euro aux autres. Cette solution permettrait de retrouver un fonctionnement non pas parfait mais plus optimal, et surtout le choc serait moins violent ainsi que plus facilement absorbé par les économies du sud de l’Europe, dont notre pays. Ce serait une première étape vers le détricotage de l’euro car il se posera pour la France très rapidement les mêmes problèmes avec les pays qui seront restés dans l’euro. Mais sans doute que cela permettrait d’engager un processus de sortie de l’euro en relativement bon ordre plutôt que de plonger dans le chaos de l’inconnu et des incertitudes.

J’espère que vous commencez à comprendre pourquoi il est déjà trop tard, préparez-vous.


Sur le web

 

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2 commentaires

  1. Posté par Daniel ROUX le

    Il y a un monde entre le raisonnement économique prenant en compte la réalité, la chute du Yen, les dettes souveraines non remboursables, etc.. et les décisions politiques prisent de ne rien faire (en Europe) ou de faire n’importe quoi (au Japon et aux US) ou de faire le malin (en Chine), pour gagner du temps, encore un peu de temps, pour maintenir les taux bas et l’anesthésie sociale, pour laisser le temps à ceux qui les financent de capter l’essentiel des actifs de valeur, pour durer jusqu’à la fin de son mandat, laissant à d’autres la résolution de la crise par la crise ultime, celle de la réduction autoritaire de la dette aux dépens des créanciers de dernier recours, les épargnants.
    La complicité et la connivence des politiques dans la survenance et l’amplification des grands déséquilibres, derrière laquelle il serait imprudent d’exclure une volonté de reprise en main du pouvoir par les plus riches ( mondialisation sauvage, financiarisation, paradis fiscaux, affaiblissement des nations, etc..) auxquelles il faut ajouter la « culpabilité allemande » que l’on prend tant de soins à maintenir vivante, ne doivent pas être sous estimées. Les dirigeants allemands réfléchiront à deux fois avant de prendre le risque d’être rendue responsable des conséquences en cascade pour les peuples qui marqueraient la fin de l’Euro, c’est à dire la fin de l’UE.

  2. Posté par Paul Tron le

    Croyez-vous que l’oligarchie financière internationale toute puissante qui a imposé l’Euro autorisera sans autre sa disparition, ce que certains plaisantins annoncent depuis des années ? Lol ! Ils préféreront faire crever les 3/4 des gens plutôt qu’abandonner l’Euro.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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