Par Michel Gay.
La production d’électricité nucléaire résulte aujourd’hui essentiellement de réacteurs à eau pressurisée (REP) qui sont peu économes en combustible : ils exploitent moins de 1% du contenu énergétique de l’uranium naturel. Ce faible taux d’utilisation ainsi que la consommation mondiale actuelle d’uranium amènent l’Agence internationale de l’énergie à estimer les réserves terrestres à une centaine d’années. Ces réacteurs REP ne représentent donc pas une source d’énergie durable.
Un REP actuel d’une puissance de 1000 mégawatts (MW) fissionne seulement une tonne d’uranium par an. Mais 200 tonnes d’uranium naturel sont nécessaires pour fabriquer son combustible, alors qu’un système régénérateur (fonctionnant à l’uranium ou au thorium) n’a besoin que… d’une seule tonne.
Un cadre de réflexion international, le Forum1 Génération IV, a été créé à l’initiative des États-Unis en juillet 2001 pour déterminer le ou les futurs réacteurs régénérateurs. Le travail s’organise en collaboration depuis plus de dix ans. Le développement d’une nouvelle filière nucléaire est coûteux en recherche et en développement. Aucun pays aujourd’hui (sauf peut-être les États-Unis) ne peut explorer simultanément plusieurs filières dont ni le succès technique, ni la compétitivité ne sont garantis. Pouvoir travailler de façon multilatérale sur plusieurs filières est donc un atout considérable. La Génération IV minimise les déchets, économise les ressources et améliore la non prolifération.
Contrairement à la filière actuelle2, les réacteurs régénérateurs utilisent entièrement l’uranium en renouvelant la matière fissile au fur et à mesure qu’elle est consommée. Ces réacteurs, dits de quatrième génération, utiliseront 100 fois mieux les deux seules ressources naturelles qui permettent cette transformation « miraculeuse » : l’uranium et le thorium. Ces réacteurs transforment beaucoup plus efficacement la ressource naturelle en énergie (les réserves mondiales passeraient à plusieurs milliers d’années) et ils diminuent par quatre l’activité radioactive des déchets sur le long terme.
Les déchets sont principalement constitués par les produits de fission (qui représentent donc une tonne par an pour un réacteur de 1000 MW) qui sont sensiblement les mêmes, quels que soient le combustible et le type de réacteur. Il y a aussi les actinides mineurs (neptunium, américium, curium) issus de noyaux « parasites » qui, au lieu de se briser, absorbent des neutrons. Les actinides mineurs ne peuvent pas être transmutés efficacement dans les REP et ils constituent des déchets avec les produits de fission.
En France, le plutonium produit dans les REP n’est pas considéré comme un déchet. Il est utilisé dans un combustible particulier appelé « MOX » (mixed oxyde) dans 22 réacteurs (sur 58). Il ne peut être entièrement « brûlé » car, dans les REP, seule une partie3 du plutonium est fissile. Après avoir été partiellement recyclé une fois, il est mis de côté en attente d’une utilisation éventuelle dans ces futurs réacteurs « régénérateurs ».
Des solutions existent aujourd’hui pour un nucléaire propre et durable qui pourra contribuer de façon significative à la demande énergétique de la France et d’une grande partie du monde (États-Unis, Chine, Inde, Russie…). Quelle autre source d’énergie permettra d’éviter une crise de l’approvisionnement énergétique, tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre ?
Quand s’épuiseront les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon), le nucléaire deviendra la source d’énergie durable nécessaire dont l’humanité aura besoin.
- Il comprend dix pays et une organisation : Afrique du Sud, Chine, Russie, Canada, Corée du Sud, États-Unis, France, Grande Bretagne, Japon, Suisse, et Euratom. ↩
- Qui utilise l’uranium 235, présent en très faible quantité (0,72%) dans l’uranium naturel composé à plus de 90% d’U238. ↩
- Seuls les isotopes impairs du plutonium sont fissiles : Pu 239 et Pu 241. Il existe aussi le Pu 240 et le Pu 242. ↩
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