Genève découvre la grève « à la française »

 

Par Stéphane Montabert, depuis la Suisse.

Tram de Genève TPG Credit Alain Gavillet (Creative Commons)

Si Genève n’est pas vraiment la Suisse, comme le proclament de nombreux Genevois avec une pointe de fierté, la ville ressemble de plus en plus à la France – grèves comprises. Mais tout n’est pas perdu.

L’événement genevois de la semaine eut donc lieu mercredi 19 novembre avec une grève des Transports Publics Genevois (TPG) de 24h particulièrement suivie. Elle priva la ville de bus et de tram pendant une journée entière. L’expérience de cette privation fut riche en enseignements.

Sur le plan de la circulation d’abord. La population locale, dressée comme partout à croire en l’omnipotence du transport collectif sur l’odieux déplacement individuel en voiture, s’attendait au pire. Et en fin de compte… Rien – ou quasiment. Les gens se déplacèrent tant bien que mal, en taxi à plusieurs, en vélo, en covoiturage ou tout simplement à pied. Il faisait beau mais froid en ce mois de novembre. Quelques embouteillages eurent lieu le soir mais malheureusement ils sont monnaie courante dans la région, grève ou pas.

L’information avait été correctement diffusée : il en allait de l’influence du mouvement syndical, après tout. Mais mis à part quelques malheureux découvrant la situation le jour même, la plupart des gens eurent le temps de se préparer et de trouver des alternatives. Le chaos annoncé laissa plutôt la place à la bonne humeur, de nombreux citoyens – dont beaucoup de cyclistes – goûtant à l’absence des bus et tram qui monopolisent d’habitude la circulation au centre-ville.

Surpris et un peu déçu du manque d’impact de la disparition des transports publics sur les déplacements de la population, certains affirmèrent que les solutions trouvées ce jour-là ne sauraient être que ponctuelles ; d’autres annoncèrent au contraire que nous avions assisté en direct à la démonstration de l’inutilité des transports en commun.

Sur le plan politique, les Suisses découvrirent un mouvement social à la française : on fait grève d’abord et on discute ensuite. L’idée des grévistes était de demander au Conseil d’État le retrait du contrat de prestation 2015-2018, actuellement discuté au Grand Conseil et dont le vote final est attendu le 4 ou le 5 décembre. Ce contrat remet en cause le statut des employés de la régie publique et pourrait amener un certain nombre de licenciements.

Il n’est pas anodin de constater la naïveté absolue de la classe politique face à ce mouvement de contestation. La palme en revient incontestablement à Christophe Stucki, directeur par intérim des TPG, et Luc Barthassat, le Conseiller d’État chargé du département de l’environnement, des transports et de l’agriculture. Les deux hommes claironnèrent ainsi que « le mouvement syndical avait été très suivi » et « les avait pris au dépourvu », justifiant ainsi l’échec de la mise en application d’un service minimal pourtant prévu dans la Constitution. Un véritable camouflet pour l’élu PDC.

La motivation des grévistes l’aurait emporté… Bel exemple de lyrisme syndicaliste comme on les aime, à un petit détail près : c’est complètement faux. Le soir même de cette journée de contestation, la RTS diffusait le reportage de journalistes embarqués avec les grévistes. On y voit un leader syndical local haranguer ses troupes et les préparer, le micro d’un haut-parleur en main:

« Mettez-vous dans tous les points stratégiques, empêchez les gens d’aller démarrer les véhicules, et on va essayer de tenir toute la journée comme on a prévu. »

Autrement dit, loin des couleuvres gobées par les responsables hiérarchiques des TPG, il y avait bien un piquet de grève ce jour-là pour empêcher les non-grévistes de travailler, ce qui est évidemment illégal. Un peu moins naïfs que leurs aînés, les jeunes libéraux genevois en profitèrent donc pour déposer des plaintes à titre personnel. Nous verrons comment la justice instruira ces dossiers.

Les syndicalistes n’ont pas obtenu gain de cause et promettent de remettre le couvert en décembre. Les dégâts en termes d’image sont pourtant très importants. La grève en Suisse est contraire à l’esprit de la paix du travail, qui ne la considère comme un moyen de dernier recours. Ce n’est évidemment pas le cas ici, puisque le projet litigieux n’a même pas encore été étudié par le parlement genevois.

Non seulement les grévistes des TPG passent pour des jusqu’au-boutistes capricieux, mais aussi pour des… Français. Le rayonnement français n’est pas forcément celui que l’on croit ; ici, le pays est devenu synonyme de conflits sociaux à répétition pour un oui ou pour un non. Les internautes s’en donnent ainsi à cœur-joie :

« Genève compte tellement de Français que forcément leur mentalité revendicatrice et tire-au-flanc se transmet aux Suisses. Une horreur qui porte gravement préjudice aux citoyens. »

Les Français frontaliers représentent un peu plus d’un quart des salariés des TPG. Sont-ils responsables du style du mouvement syndical ? Nous n’en savons strictement rien. Mais beaucoup de Genevois y ont vu l’occasion de tirer à boulets rouges sur leurs voisins français et sur les frontaliers, et ce bien que les compagnies privées qui aient remplacé au pied levé les TPG défaillants pour assurer un minimum de service aient été… françaises.

Dans son propre intérêt, le personnel des TPG aurait intérêt à revenir s’asseoir à la table de négociation et à essayer de trouver des solutions au lieu de se jeter à corps perdu dans le bras de fer. La grève préventive ne correspond tout simplement pas à la mentalité helvétique, Genève comprise.


Sur le web.

 

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5 commentaires

  1. Posté par Jenkins le

    De plus, en discutant avec une lyonnaise établie a Genève depuis 7 ans, elle m a dit : « les résidents de la Suisse ont en marre des étrangers et, …je les comprends. Si lorsque j’habitais Lyon, on m avait dit que dans ma ville, habitent ou arrivent pour travailler chaque jour plus de 60% d’étrangers, je ne me serais pas sentie chez moi »
    Il y a aussi le dumping salarial et le dumping d’identité. A Rive, existe une Société qui s’occupe des comptes d’une chaine d’hôtels, tous les employés sont frontaliers et tous les congés sont francais, 14 juillet etc pourtant strictement interdit. Dans un musée a Genève, une genevoise est en burn-out car, elle était séverement réprimandée lorsqu’elle disait septante au lieu de soixante dix.
    Il y a aussi les commerces, coiffeurs, couturières, tous des frontaliers. Le résident genevois ne peut pas car les bques ne prêtent pas mais les banques françaises, elles, prêtent pour leurs citoyens.
    Il y a aussi une autre forme d’étrangers, les Américains, les Italiens etc dans les multinationales. Faites l’expérience un soir d été, vers minuit, les fenêtres sont ouvertes, écoutez….anglais, russe, italien. Pour trouver quelqu’un qui parle francais, bonne chance. Grâce a ce type d immigrés, pour que la Suisse ait l’air d’un super pays avec toutes ces grosses boites, nous devons toucher un salaire de fr 5’500.–( salaire médiant d’après les statistiques) et payer fr. 4’000 pour un 4 pièces genevois car, les multinationales peuvent, elles. Protégeons-nous, c’est urgent ! Le capitalisme, la pollution, la surpopulation, et ensuite la précarité nous guettent.

  2. Posté par jessica le

    La proximité des syndicats français poussent les syndicats suisses, déjà noyautés par des syndiqués français, à agir comme eux.
    Les leaders syndicalistes suisses ont appris des syndicalistes français tout ce qu’ils pourraient obtenir en avantages personnels et pouvoir, en agissant comme eux.
    Exigences impossibles à accepter pour l’entreprise sans la mettre en péril, (mais de cela ils s’en foutent les syndicats) L’ouvrier commande et exige, l’entrepreneur obéit .
    C’est à cause des syndicats que la France coule.
    Malheureusement, en Suisse comme en l’Allemagne, les syndicats politisés et intéressés uniquement par leurs intérêts personnels à la française progressent, font des émules.
    Que leurs exigences ruinent leur pays, que leurs soi-disant protégés (en réalité moyens de s’enrichir) se retrouvent au chômage, dans la misère, ils n’en ont RIEN à cirer.
    EUX gagnent et ont des places de travail protégées, surpayées et à vie et un tremplain idéal pour faire une carrière politique.
    Il fut un temps où les syndicats étaient utiles, remplissaient leur rôle de protection des ouvriers envers des abus et injustices patronales.
    Ce temps est bien loin.
    Maintenant les syndicats ne sont plus qu’un autre parti politique de gauche, subventionné par l’Etat comme n’importe quel autre parti politique.

  3. Posté par jessica le

    Il y a des abus patronaux, c’est indéniable, et je trouve cela inadmissible, mais il faut arrêter de généraliser c’est une minorité.
    L’invasion dans nos entreprises de mentalités provenant de pays où l’ouvrier a tous les droits (y celui de prendre officiellement 12 jours de congé/maladie par année, même s’il n’est pas malade) et aucun devoir nuit gravement à notre économie.
    Surtout cette invasion détruit petit à petit le Label de « Qualité Suisse » notre seule matière première.
    Finies la ponctualité, la fiabilité, le travail bien fait, minutieux, méticuleux et précis qui faisait notre force et justifiait des prix plus élevés.
    Le règne de l’à peu près, du quand on peut, si on veut, quand on a le temps, du bricolage ou du manque de sérieux qui a ruiné les économies des pays qui nous entourent a commencé.
    Et il n’y aura plus aucune raison pour que les acheteurs paient plus cher des produits qui ne valent pas plus que ceux d’autres pays qui vendent moins chers ce même à peu près.
    On verra alors ces gens venus soi-disant aider la Suisse, cette Suisse qui sans eux ne serait rien, perdue et pauvre, s’en aller en courant chercher un travail dans d’autres pays, sans le moindre regret ni remerciement, abandonnant entre les mains de « cette fois devenue pauvre suisse » une économie exangue, à la française, avec en plus les dettes et les coûts d’entretien des énormes infrastructures construites (par eux en bonne partie) mais POUR eux et payée par NOUS.
    La loi devrait interdire d’engager des DRH étrangers qui n’engagent que les LEURS et virent les suisses.
    Il devrait y avoir des minima imposés par la loi, ne serait-ce que pour sauvegarder la « qualité suisse ».
    Si les employés suisses sont majoritaires à plus de 70% ils réussiront à la sauvegarder.
    S’il y en a moins ou pire l’inverse, notre *qualité suisse* est condamnée à disparaître à très court terme, vu que la médiocrité et le travail mal fait ont déjà commencé, voire devenu la norme, depuis quelques années dans plusieurs secteurs économiques, dont la construction.

  4. Posté par Derek Doppler le

    Attendez un peu que la France soit devenue une république islamique (ce qui devrait être bâché dans les 18 mois qui viennent, au mieux) et vous allez vraiment apprécier sa proximité.

  5. Posté par Le pragmatique le

    Et d’une façon plus générale, on se réjouit que tous les français qui travaillent dans nos entreprises, sans aucun devoir d’intégration puisque avec Schengen l’invasion de la Suisse est un dû, nous implantent les modèles de gestion « à la française » qui font leur preuves chaque jour au pays de Napoléon.

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