A Armes Inégales…

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images (85)David contre Goliath, Alexandre contre l’Empire Perse… les Musulmans sortis de leurs déserts et battant coup sur coup l’Empire Byzantin et l’Empire perse des Sassanides. Il y a dans l’histoire des exemples de guerres asymétriques qui ont été gagnées par celui des belligérants qui était apparemment le plus faible. La situation présente offre un cas  de confrontation asymétrique. En Syrie et en Irak s’est installé un prétendu « état islamique » appuyé sur quelques dizaines de milliers de fanatiques. Face à lui, théoriquement, la première puissance mondiale, soutenue par ses alliés occidentaux dotés d’armées modernes bien équipées, et de nombreux autres pays, européens, arabes sunnites, ou encore l’Iran chiite. En première ligne, il y a deux Etats, la Syrie et l’Irak dont les troupes semblent incapables de contenir la poussée islamiste, et la résistance la plus solide paraît se réduire aux Kurdes, ce peuple sans Etat, réparti sur quatre ou cinq pays, et qu’on arme en catastrophe. Lorsqu’on compare la rapidité de l’effondrement de la dictature de Saddam Hussein et de son armée à la faiblesse et à la lenteur de la riposte face à la montée de l’ »état islamique », on est saisi d’un doute. Pourquoi ?

Certes l’islamisme radical a allumé de nombreux foyers d’incendie dans le monde, en Afrique, au Nigéria, en Somalie, en Libye et dans le Sahel, par exemple. Le prosélytisme djihadiste recrute dans le monde entier des combattants, les aides financières sont considérables, mais le danger vient moins de la puissance de ce mouvement que de la faiblesse du camp opposé, essentiellement les démocraties occidentales. On peut cerner cinq causes principales.

La première est le rapport à la mort. Les fanatiques n’ont pas peur de la mort, ni de la leur qui est la porte du paradis, ni de celle de leurs ennemis qui est un acte de justice qui peut revêtir les formes les plus barbares pour satisfaire le commandement divin et terroriser les adversaires qui perdront ainsi tout courage, parce qu’ils craignent la mort et la souffrance. Des centaines de soldats loyalistes abattus, des otages décapités avec le sentiment du devoir accompli, d’un côté, et de l’autre, un pays entier suspendu à la vie d’un otage, enlevé en Algérie. Les armes sont inégales, mais en faveur du plus féroce et non du plus fort.

C’est bien sûr la médiatisation intense des événements qui accroît la fragilité psychologique de nos sociétés. La population va être bombardée d’informations qui vont augmenter la tension et qui seront avant tout porteuses d’émotion. On ne peut rester froid et insensible à l’idée de l’égorgement spectaculaire d’un innocent ou de l’attente cruelle pour lui-même comme pour ses proches d’un otage condamné. Certes la colère peut faire naître une volonté de réaction implacable, mais résistera-t-elle au temps ? Ne sera-t-elle pas minée par la compassion ou noyée dans le flot d’informations confuses voire contradictoires jusqu’au point de laisser place à une forme d’hébétude ?

L’information à jets continus ne laisse pas suffisamment place à la réflexion. Elle peut être ainsi superficielle et orientée. Par exemple, une « spécialiste » culturelle d’I-Télévision s’est aventurée hier sur le terrain du traitement des djihadistes de retour au « pays ». Manifestement, elle n’aimait pas la solution classique des Britanniques, avec interrogatoire approfondi et prison et préférait la pédagogie danoise, avec accueil spécialisé, accompagnement psychologique et réinsertion sociale. Elle apportait comme argument en faveur de sa préférence la réussite de cette méthode en… Arabie Saoudite. Il lui a manifestement échappé que réintégrer un Musulman fanatique dans un Etat wahabite où ses idées sont appliquées avec plus de formes, où l’on décapite au sabre et non pas au couteau de boucher, n’a pas grand chose à voir avec sa réadaptation à une société libérale avancée dont la plupart des idées sont pour lui méprisables au plus haut point. On en arrive donc à opposer une pensée unique, totalitaire à des opinions confuses et variables. Le choc risque évidemment de donner l’avantage aux premières.

En quatrième lieu, la « vérité » religieuse a l’éternité pour elle. Le temps joue doublement en défaveur des démocraties. Celles-ci sont dirigées par des élus suspendus à l’attente des sondages du jour, du journal télévisé du soir et des élections du lendemain. On a donc d’un côté une stratégie d’une totale clarté : prendre le maximum de terrain, tuer le plus possible de mécréants, utiliser sans vergogne tous les moyens, même les plus ignobles parce qu’ils seront sanctifiés par la fin, et de l’autre une stratégie soucieuse d’obtenir à court terme des résultats positifs auprès d’une opinion versatile. Il ne faut pas perdre les élections de mi-mandat en risquant de se contredire pour avoir engagé un soldat américain au sol. En revanche, revêtir l’armure du chef de guerre peut renverser la spirale infernale d’un rejet populaire fondé avant tout sur la politique économique et sociale.

Enfin, la solitude garantit l’unité. Les coalitions dispersent les efforts et les objectifs. Il est de plus en plus clair que l’ennemi principal des Etats-Unis est la Russie, et non l’ »état islamique ». Celui-ci est né grâce à l’action criminelle des Américains contre le régime syrien, le dernier allié de Moscou au Moyen-Orient. Il était difficile de s’opposer au prétendu califat de Mossoul sans s’allier de fait à Bachar Al-Assad. Obama a mis le temps, mais il a trouvé la parade. Les Américains vont intervenir en Syrie avec leurs alliés sunnites, les émirats pétroliers du Golfe, les commanditaires de la chute du régime de Damas. Quelques bavures du-dit régime plus ou moins vraies après, des bombardements vont viser non seulement les djihadistes mais aussi les alliés des Russes, pendant que des armes seront livrées aux « bons » rebelles.

De ce combat inégal entre le fanatisme et les démocraties, il faut souhaiter que le géant sorte vainqueur, mais cette victoire anormalement difficile aura montré non seulement les faiblesses mais aussi les vices du système qui est le nôtre.

 

Extrait de: Source et auteur

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Un commentaire

  1. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    David contre Goliath… Il faut se souvenir que David fut présent, sur un front du champ de bataille, par hasard! Il n’y est pas venu en combattant, ni en forcené revanchard. On peut presque dire que, témoin de l’arrogance, son sang n’a fait qu’un tour! Il ne s’est pas posé en défenseur de démocratie ou de valeurs! Tu as offensé l’Eternel! Notez qu’il n’y a ici rien de religieux. Il n’est pas, à mon avis, judicieux de comparer l’EI à David! Car les forces en présences étaient comparables, et enlisées depuis des mois dans un statu quo sans issue. Je le dis comme je m’en souviens. mais chacun peut relire cette histoire. Les Philistins, se découvrant une pointure jugée irrésistible, Goliath, eurent l’idée du combat singulier. Et David s’avança! Sans la lourde armure ni l’encombrante épée du Roi. Et encore moins des droits de l’homme!

    Oui, il est effectivement étonnant que l’Irak de Sadam soit tombé presque sans coup férir. Cela jette même une lumière crue sur le mensonge qui a présidé à l’attaque! C’est peut-être le même état mensonger qui rend impuissant! la noblesse des objectifs ne masquera pas indéfiniment la bassesse des motivations. Une incursion, à la faveur d’une recherche sur une édition en ligne de la Bible (en relation avec un article publié par les Observateurs) m’a conduit sur un passage d’Esaie. Le portrait des chefs des nations y est brossé avec une précision que ne désavouerait pas un habitué de café de commerce. C’est tout dire.
    Je ne retrouve pas ce passage, mais en voici un autre.
    Esaie 28:13, « et pour eux, la parole de l’Eternel sera précepte sur précepte, règle sur règle, règle sur règle. Un peu ici, un peu là, afin qu’en marchant ils tombent à la renverse et se brisent. Afin qu’ils soient enlacés et pris. »
    Précepte sur précepte… règle sur règle… ça ne vous dit rien?

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