Racisme. Le Conseil de l’Europe pointe les multiples failles de la lutte antiraciste en Suisse

Mireille Vallette
journaliste

Alors que les statistiques du racisme en Suisse semblent rassurantes, le rapport d’une commission du Conseil de l’Europe fait une liste interminable des carences du dispositif helvétique.

 

«Un clic contre le racisme», «cliquez, luttez, signalez», des affiches en une quinzaine de langues pour un centre d’écoute des victimes à Genève, un observatoire du racisme, une appli contre les tags racistes, des formulaires contre le racisme.

En France, en Suisse, en Europe, se plaindre de racisme est de plus en plus simple, les outils sans cesse plus nombreux… Que d’invitations! Que de tentations!

La Suisse dispose entre autres d’un Service de lutte contre le racisme, d’une Commission fédérale contre le racisme et dans de nombreux cantons d’un délégué à l’intégration dont un des rôles est d’apprendre aux nouveaux arrivants qu’ils sont tombés dans une société emplie de racistes, mode d’emploi des plaintes à l’appui.

 

Depuis 2008, un Réseau de consultations pour victimes de racisme rassemble des données sur la discrimination raciale en Suisse. Les membres du réseau desservent les régions de Zurich, Berne, Bâle, Saint-Gall, Schaffhouse, Lausanne, Bienne et le canton de Vaud. Genève, qui a récemment créé son « centre d’écoute », le rejoindra pour les statistiques 2014.

Le fléau comprend pêle-mêle des propos racistes, des refus d’entrée dans un lieu (généralement de loisirs), des abus de pouvoir, des agressions verbales, des refus de prestations, des mimiques, des discriminations sur le marché du logement, etc.

En 2013, les onze centres ont reçu 192 victimes. La récolte est rien moins qu’affolante, même si ce nombre peut être enrichi des victimes d’autres organismes dédiés à la cause.

 

Les motifs de discrimination sont dans l’écrasante majorité des cas la «xénophobie» (106) et le racisme anti-noir (46). L’« islamophobie » est relevée dans 19 cas. Ce racisme s’est principalement manifesté par des propos (81 cas), et principalement sur le lieu de travail, suivi par l’administration publique.

Les centres se plaignent de leur manque de moyens. Il est en effet fort probable que plus on a d’argent, plus on a de victimes. D’autant que les responsables sont convaincus d’avoir affaire à la pointe d’un iceberg.

Je leur suggère une idée pour découvrir une autre partie de l’iceberg: s’intéresser aux victimes de racisme inter-migrants qui se révèle autrement plus agressif. Comme le montre l’actualité, les prisons et les centres pour requérants d’asile sont des terrains très favorables à une telle action.

Bien…Vous concluez  benoitement, après lecture de ce rapport, que le racisme n’est pas une caractéristique majeure de la paisible Helvétie… Mais au fil des clics, votre regard tombe sur un lien indiqué par la Commission fédérale contre le racisme. Il s’agit du tout récent rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), créée par le Conseil de l’Europe, et qui s’est penchée une nouvelle fois sur notre pays (et sur bien d’autres, voir son site).

Et là, découverte bouleversante: notre législation antiraciste est pleine de trous ! Les mailles de son filet laissent passer des bataillons de racistes. Les réactions sont beaucoup trop molles, notamment contre les politiciens, policiers, médias, particuliers. Pour être au bon niveau, de très nombreuses lois devraient être révisées ou créées. Et la vigilance infiniment accrue.

Voici une liste non exhaustive (même si très longue) des failles relevées et des remèdes à apporter :

Interdiction générale de la discrimination

Il est nécessaire d’adopter une « législation complète » visant l’interdiction générale de la discrimination (à l’égard aussi de la population LGBT, sujet que je vous laisse découvrir). Cette interdiction permettrait enfin à la Suisse de se rallier au Protocole n°12 du Conseil de l’Europe.

En attendant, il convient de «saisir les moments les plus opportuns pour encore améliorer la protection pénale contre le racisme. »

«L’ECRI a été informée» que les trois motifs de la race, de l’ethnie et de la religion  (art. 261 bis CP) sont trop souvent interprétés d’une manière étroite. De plus, il faut insérer des motifs supplémentaires: couleur, langue et nationalité.

Autres manques: l’incitation à la violence et les menaces à motivation raciste ne sont pas expressément érigées en infraction ; la diffamation et les injures publiques contre des groupes tels les étrangers ou les demandeurs d’asile, ne sont pas punissables.

 

L’interdiction constitutionnelle de la discrimination ne s’étend qu’indirectement aux relations qui lient les particuliers entre eux. «Or, l’ECRI a été informée de nombreuses insuffisances de cette protection contre la discrimination entre particuliers. (…) Les mesures que les autorités ont entreprises pour combler ces lacunes ne se sont ni soldées par une protection satisfaisante des victimes, y compris un dédommagement régulier, ni au moins par une augmentation du nombre de procédures judiciaires.»

De l’avis des rapporteurs, l’ordre juridique suisse serait plus efficace si notre droit privé et administratif interdisait expressément «la discrimination raciale directe et indirecte.» La loi devrait aussi garantir des procédures judiciaires plus accessibles et prévoir des allègements de la charge de la preuve de la part des victimes.

 

L’UDC dans le viseur

L’ECRI déplore à nouveau l’évolution malsaine du discours politique en Suisse. Elle en constate les effets extrêmement néfastes: les musulmans, la communauté noire, les Yéniches et les Roms ressentent une dégradation considérable de leur situation.

Les réfugiés, les frontaliers, les personnes LGBT sont la cible de discours de haine. L’Union démocratique du centre notamment a «continué à utiliser des images et des propos hautement intolérants pour défendre ses nouvelles initiatives populaires».

Remède de l’ECRI : les autorités doivent avoir une attitude de tolérance zéro face aux déclarations racistes de politiciens. Elle recommande de poursuivre fermement tout propos relevant de l’article 261 bis en utilisant «toutes les marges d’interprétation ouvertes par le Tribunal Fédéral». Elle recommande aux autorités d’assurer la levée de l’immunité de politiciens tenant des discours racistes.

A propos des initiative telles que «Pour le renvoi des étrangers criminels », «Contre l'immigration de masse» et «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels», l’ECRI rappelle «une décision récente du Tribunal fédéral selon laquelle aucune révision partielle de la Constitution ne doit violer les règles impératives du droit international. Selon cet arrêt, les dispositions internationales de protection des droits de l’homme, telles que la Cour européenne des droits de l’homme, priment sur la législation nationale, de sorte que la norme nationale ne doit pas être appliquée. »

Il faut donc introduire « un système de filtrage préalable de la conformité des projets de votation populaire au droit international ».

La communauté noire  a informé l’ECRI» qu’elle souffre d’une dégradation de son image due aux médias, dans lesquels par ailleurs elle ne peut pas assez s’exprimer. Et les rapporteurs ont constaté que la couverture médiatique des contrôles policiers pour soupçon de trafic de drogue et le traitement du thème de l’abus du droit d’asile ont contribué à cette dégradation. Les autorités devraient en conséquence initier un processus de sensibilisation des journalistes et développer des mesures destinées à « rééquilibrer la couverture médiatique des groupes vulnérables ».

L’ECRI recommande aussi aux autorités d’améliorer leur système d’enregistrement et de suivi, notamment des incidents impliquant la violence en vue d’obtenir des statistiques plus solides sur la motivation raciste ou homo ou transphobe d’infractions au Code pénal.

Le réseau de consultations pour les victimes du racisme a constaté une augmentation des violences physiques de 5 en 2011 à 14 en 2012 (réd : 11 en 2013). Pour inverser cette tendance, l’ECRI considère que les autorités devront fermement lutter contre les discours de haine.

Beaucoup à faire pour alléger les conditions d’intégration

L’ECRI désirait vérifier que «les conventions d’intégration» qui incluent généralement des sanctions, n’ont pas un effet contreproductif sur l’intégration. Surprise : elle conclut qu’en effet, il serait plus efficace de recourir à des mesures d’incitation que de prononcer des sanctions. Par ailleurs, ces conventions devraient servir à encourager les migrants et à leur procurer l’assistance nécessaire. D’importantes ressources humaines devraient être allouées.

A propos du projet de révision de la loi fédérale sur les étrangers qui renforce les exigences d’obtention d’un titre de séjour, l’ECRI a été informée que les immigrés illettrés ou avec un faible niveau d’éducation -réfugiés reconnus, demandeurs d’asile, personnes admises à titre provisoire- auront de grandes difficultés à satisfaire aux exigences linguistiques et à l’intégration au marché de travail. Les autorités doivent donc tout mettre en œuvre pour que ces migrants puissent réussir. Ils devraient bénéficier d’une assistance rapide et efficace.

L’ECRI recommande vivement aux autorités de prévoir que les refus d’octroyer une autorisation d’établissement, prérogative cantonale, soient susceptibles de contrôle par le Tribunal fédéral.

Enfin, les autorités devraient «repenser la présentation des données statistiques en matière d’asile et de criminalité des étrangers » et initier un plan d’action pour empêcher  une couverture médiatique stigmatisant des groupes vulnérables comme les Roms et les personnes de couleur.

Police et population noire

«L’ECRI a reçu des informations concordantes» selon lesquelles la communauté noire vit dans la peur permanente de subir à tout moment un profilage racial et des contrôles policiers en raison de la couleur de peau. Ceux-ci peuvent impliquer un degré élevé de contrainte policière, tels l’arrestation et le ligotage en public, le déshabillage complet au poste, et la fouille corporelle pour stupéfiants.

Conclusion: la marge d’appréciation des policiers est trop grande. Il importe de légiférer afin que toute contrainte soit subordonnée à l’existence d’un « soupçon raisonnable ».

Enfin, le coup de grâce! Question politiques d’intégration, la Suisse n’occupe plus que le 23ème rang sur 31 pays. Ses points faibles? Le regroupement familial, la règlementation de la résidence à long terme, la naturalisation, la variété des politiques cantonales, et «la plus mauvaise des protections contre la discrimination parmi les pays étudiés».

Lorsque nos sociétés seront devenues de vastes Tribunaux de la pensée, lorsque la traque aux racistes aura atteint son paroxysme, lorsque l’image de la victime sacrée se sera imposée, que restera-t-il de la libre expression ?

«En plaçant la parole publique sous étroite surveillance, ce n’est pas le racisme qu’on va criminaliser, mais la divergence.» (Elisabeth Lévy)

 

 Mireille Vallette, 19 septembre 2014

11 commentaires

  1. Posté par mrpiche le

    La Suisse n’a en aucun cas intérêt à suivre les conseils issu des instituions Européennes fussent-elles non gouvernementales. L’exemple de la France qui s’est bardée un armada de loi visant a faire taire toute parole politiquement incorrect en est un parfait exemple. Nous sommes un peuple ouvert et tolérant et SOUVERAIN qui n’a de leçon à recevoir de personne, que cet organisme à tancer la Jamaïque ou d’autres pays d’Afrique dans lesquelles le racisme anti-blanc est commun.

  2. Posté par Paul Axstein le

    Le totalitarisme le plus extrême se met en place, par la volonté de l’oligarchie internationaliste.

  3. Posté par Pierre Cocasse le

    On ne naît pas raciste, on le devient… l’intolérance des migrants n’est plus à démontrer : d’où viennent les dealers ? …d’où vient la majorité des malfrats, des violeurs, qui est-ce qui remplit les prisons ? …nul n’est cencé ignorer la loi… les étrangers connaissent tous leurs droits (avant même de poser leurs pieds en Suisse) et oublient leurs devoirs etc, etc ! Non, être raciste est le résultat de l’attitude de l’UE qui veut le remplacement des populations autochtones : qu’elle aille se faire foutre ! La Suisse s’est construite sans l’UE, nous voulons défendre ce que nous avons construit… si c’est du racisme, alors je suis raciste point barre !

  4. Posté par Jean-Francois Morf le

    Voulons-nous être islamisés de force parce que l’ONU, corrompue par les millions du Qatar, l’a décidé?
    L’islam n’est ni une race ni une religion, mais une législation étrangère: nous avons le droit et le devoir d’expulser ceux qui viennent pour nous imposer par égorgements leur législation satanique, la sharia.
    Car Mahomet, c’est le faux prophète AntiChrist, annoncé pour 666 ans après la conception de Christ.
    Et Allah, unique, intolérant, veut la mort des chrétiens: Allah est donc Satan!

  5. Posté par Minona le

    Je suggère au public de faire l’exercice suivant: lire une sourate du Coran et, dans tout les versets intolérants ou violents, remplacer les mots « mécréants », « infidèles », « juifs », « chrétiens », « associateurs » (polythéistes) ou « négateurs » (ceux qui nient l’existence d’Allah) par « musulmans ».

    http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/

    Je suggère tout particulièrement les sourates 2,3,5,8 et 9.

  6. Posté par JeanDa le

    Non mais de quoi il se mêlent ces … européens ? Nous ne faisons pas partie de leur « machin ».
    Nous ne faisons pas la police chez eux non ?
    Ils n’ont pas suffisamment de problèmes chez eux pour venir nous chercher des poux ?
    L’ue se prend un peu trop pour la police du continent ! Il prennent leurs rêves pour des réalités.
    Il est vrai quel leurs sinistres réalités ne font plus rêver personne depuis belle lurette !

    Leur avis, ils peuvent se le coller sur leur « mur des cons », il y a de la place. C’est toute la façade du bâtiment du conseil de l’europe, intérieur comme extérieur !
    Circulez, il n’y a rien à voir !

  7. Posté par Ben Palmer le

    « Les autorités doivent donc tout mettre en œuvre pour que ces migrants puissent réussir. »
    Je suggère une loi contre la « non-intégration ». Une question quand-même: pourquoi ces migrants viennent en Suisse si ce n’est pour s’intégrer, quelles sont leurs motivations?

  8. Posté par Ben Palmer le

    Il existe tellement de races humaines, c’est à en perdre la tête: italiens, musulmans, juifs, africains, chinois, noirs, blancs, jeunes, vieux, punks, écolos, hétéro, trans-sexe, homo, femmes, hommes, catholiques, trafiquants de drogues …
    Et ce n’est pas fini, il y a encore les races des « immigrés illettrés ou avec un faible niveau d’éducation -réfugiés reconnus, demandeurs d’asile, personnes admises à titre provisoire »
    Des insultes contre une voisine blanche, catholique, c’est du racisme? Des disputes entre deux noirs, c’est du auto-racisme?

  9. Posté par FANECO le

    tout est dit ici :
    la Suisse n’occupe plus que le 23ème rang sur 31 pays. Ses points faibles? Le regroupement familial, la règlementation de la résidence à long terme, la naturalisation, la variété des politiques cantonales, et «la plus mauvaise des protections contre la discrimination parmi les pays étudiés

    et je signe !

  10. Posté par d degoumois le

    J’ai, il y a quelques mois, suite à une agression d’un dealer-toxicos, avec insultes, au pied de mon immeuble contacté le *centre d’écoute contre le racisme* en expliquant très clairement ce qui m^était arrivé! On m’a répondu qu’on ne pouvait rien pour moi! Je tiens les mail’s à disposition de ceux qui ne me croient pas! *Ce centre* est réservé aux étrangers. pas aux suisses blancs!

  11. Posté par d degoumois le

    le crime c’est le racisme! Ha! ha! ha! ha! Lorsqu’un dealer-toxicos me traite de *race de merde* de « sous chien* simplement parce que je le regarde, est ce du racisme? bin NON seuls les suisses sont racistes! MBG martine brunschwig graft vous renseignera mieux que moi, elle on la paye très grassement pour ça!

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