Les plans de Washington pour une guerre mondiale, par Patrick Martin

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Source : Patrick Martin, WSWS, 6 août 2014

Un document extraordinaire publié le 31 juillet à propos du calendrier prévisionnel militaire des États-Unis enjoint le Pentagone de se préparer à déclencher jusqu’à une demie douzaine de guerres simultanément, y compris des guerres dans lesquelles les adversaires possèdent des armes nucléaires.

Ce n’est pas les USA qui se battent ils utilisent des tiers

Ce document, intitulé « Ensuring a Strong Defense for the Future » (« Assurer une défense forte pour le futur »), a été rédigé par le National Defense Panel, un groupe d’anciens hauts responsables civils et militaires, missionnés par le Congrès pour fournir un regard critique sur le calendrier prévisionnel officiel du Pentagone publié cette année, le plan quadriennal de défense 2014.

Le National Defense Panel est coprésidé par William Perry, secrétaire à la Défense sous la présidence Clinton, et par le général John Abizaid, ex-chef du Commandement central des États-Unis. Parmi ses membres, il comprend quatre autres généraux à la retraite, ainsi que Michele Flournoy, anciennement secrétaire adjoint à la Défense sous Obama, et Eric Edelman, un éminent néo-conservateur et sous-secrétaire à la Défense dans le gouvernement de George W. Bush.

Il s’agit donc d’un groupe bipartisan [Républicains + Démocrates], qui représente l’intégralité du spectre politique des dirigeants officiels de Washington en matière de sécurité. Son rapport a été publié sous les auspices d’une agence financée par le gouvernement des États-Unis qui se consacre à l’étude des conflits, et dont le nom, choisi avec une logique orwellienne irréprochable, est l’US Institute of Peace [Institut américain de la paix].

Ce document nous prévient des dangers auxquels les États-Unis vont devoir faire face, en parlant en premier lieu de la puissante expansion de la Chine et de la Russie, avant de mentionner la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Moyen-Orient tout entier, puis l’Afrique. La Chine et la Russie ont donc été promues à la première place des cibles potentielles d’une intervention militaire des États-Unis, devant les trois pays mis en avant par George W. Bush dans son fameux discours de 2002 sur « l’Axe du mal ».

Le document précise que pendant les deux décennies précédentes, depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, la doctrine militaire des États-Unis a exigé la capacité de pouvoir financer deux conflits militaires majeurs simultanément. Ensuite, il y est demandé un changement radical de cette doctrine :

« Étant donné que, dans le contexte actuel, les menaces s’intensifient, nous croyons qu’un nouveau format renforcé des forces armées, plus complet – un format qui soit différent du format double conflit (NdT : le “two-war construct” est un terme faisant référence à une doctrine militaire classique aux États-Unis et qui prévoit que ses forces armées doivent être dimensionnées de manière à être capables de mener simultanément deux conflits majeurs), mais au moins aussi puissant − est approprié. »

Par la suite, cette idée est davantage détaillée :

« Nous croyons [...] qu’une capacité à faire la guerre partout est la condition sine qua non pour être une superpuissance et s’avère donc essentielle à la crédibilité de la stratégie globale de l’Amérique en matière de sécurité nationale. Dans le contexte actuel de menaces, les États-Unis pourraient, selon toute vraisemblance, être amenés à mener des actions préventives ou à combattre dans plusieurs régions sur des périodes qui se superposent : dans la péninsule coréenne, dans les mers de Chine orientale et méridionale, au Moyen-Orient, en Asie du Sud, et pourquoi pas en Europe. Les États-Unis sont également confrontés à la possibilité d’avoir à faire face à des adversaires dotés de l’arme nucléaire. De surcroît, l’expansion d’Al-Qaïda et de ses émanations dans de nouvelles parties de l’Afrique et du Moyen-Orient implique que l’armée américaine doive pouvoir assumer des opérations antiterroristes au niveau mondial et défendre le territoire américain tout en étant engagée dans des conflits régionaux hors de nos frontières. » (Souligné par nous.)

Cette liste suggère que les États-Unis doivent être préparés à mener de front cinq ou six guerres majeures. Ce n’est rien moins que la demande à l’impérialisme américain de se préparer à gérer une guerre mondiale qui pourrait menacer l’humanité d’extinction.

La mise en avant de la Chine et de la Russie comme cibles potentielles d’une action militaire américaine est de très mauvais augure quant à ses implications, puisque ces deux pays possèdent respectivement le deuxième et le troisième arsenal nucléaire de la planète, derrière les États-Unis eux-mêmes.

Le rapport soutient la position de l’administration Obama, qui prône un « rééquilibrage » des forces militaires américaines pour affronter la Chine, décrivant cette initiative stratégique comme un effort pour réaffirmer « la primauté de la région Asie-Pacifique parmi les intérêts de sécurité des États-Unis.»

En ce qui concerne la possibilité pour qu’une telle guerre se produise, il convient de souligner que le Comité de défense nationale (National Defense Panel) discute actuellement des déclencheurs possibles pour un conflit majeur, en particulier en Extrême-Orient. Les termes utilisés ont beau être pleins de jargon, les perspectives n’en font pas moins froid dans le dos :

« La prolifération de systèmes de plus en plus autonomes et ne nécessitant pas d’intervention humaine, en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient par exemple, aura un impact préjudiciable sur le maintien de la stabilité durant une crise ou sur la gestion de l’escalade si un conflit éclate. Ajoutés à la multiplication d’outils cyber-offensifs et défensifs ainsi que de défense anti-spatiale, ces systèmes affecteront sérieusement le rapport entre force militaire offensive et défensive dans des régions-clés, augmentant ainsi le risque qu’une crise dégénère rapidement en conflit – avant que les politiques et commandements militaires ne puissent réagir à temps ».

En clair, une grande guerre peut éclater, sans intervention humaine, à travers l’interaction de drones et de systèmes de réponse automatisés de part et d’autre.

Le rapport ne remet pas ouvertement en cause les forces militaires composées de volontaires, mais il met l’accent sur leur coût croissant, et appelle à une « réforme raisonnable des soldes et des avantages sociaux » pour les rendre plus abordables. La logique des pressions combinées de la hausse des coûts et des déploiements militaires croissants est inexorable, cependant cela signifie que la classe dirigeante américaine devra à plus ou moins court terme se diriger vers une certaine forme de conscription, même au-delà du projet économique actuel dans lequel les plus pauvres des travailleurs sont enrôlés comme « volontaires » de manière disproportionnée.

Le rapport de défense exprime des préoccupations sur le fait que les contraintes financières pesant sur l’impérialisme américain, et notamment des limitations imposées volontairement telles que la « saisie conservatoire » d’une partie sélectionnée des dépenses militaires imposées par le Budget Control Act (« Loi de contrôle budgétaire ») de 2011, sabrent dans les préparatifs de guerre du Pentagone.

Les auteurs se plaignent de manière répétée des limitations pesant sur les dépenses militaires états-uniennes à cause du fardeau des programmes sociaux domestiques, montrant du doigt « le large fossé grandissant entre les sommes collectées pour financer les programmes, d’une part, en particulier pour la Sécurité sociale et les principaux programmes de santé, et les sommes effectivement dépensées, d’autre part ».

Ils déclarent :

« L’Amérique doit remettre de l’ordre dans sa maison fiscale afin de financer simultanément des dépenses militaires robustes. Une limitation drastique des coûts de santé se doit d’être appliquée à la fois à l’intérieur du Département [c'est-à-dire pour les soldats et leurs familles] et plus généralement à travers tous les programmes gouvernementaux. »

Répétons-le : il s’agit d’un rapport bipartisan. Les démocrates tout comme les républicains, libéraux [NdT : au sens américain = « de gauche »] et conservateurs, ont soutenu sa demande de coupes dans les programmes sociaux dont dépendent les travailleurs pour mettre des trillions à disposition de l’appétit insatiable du complexe militaire américain.

Le caractère bipartisan de ce document témoigne de l’unité de toutes les composantes de la classe dirigeante américaine sur le recours à une violence sans précédent pour sauvegarder sa richesse et sa domination sur de vastes parties du monde. Cela confirme que le combat contre une guerre impérialiste peut être mené si, et seulement si, la classe ouvrière se libère du système politique existant aux États-Unis, et construit un mouvement politique de masse indépendant, fondé sur un programme révolutionnaire socialiste et internationaliste.

Patrick Martin, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr

 

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Un commentaire

  1. Posté par jessica le

    Les medias sont bien silencieux concernant un document publié le 31 juillet à propos du « calendrier prévisionnel militaire des États-Unis » et qui * enjoint le Pentagone de se préparer à déclencher jusqu’à une demie douzaine de guerres simultanément*, y compris des guerres dans lesquelles les adversaires possèdent des armes nucléaires.
    Hollande a finalement reconnu, mardi 19 août, pour la première fois, que la France livrait des armes aux rebelles Syriens et cela depuis plusieurs mois. Le matériel comprend notamment des mitrailleuses de calibre 12.7 mm, des lance-roquettes, des gilets pare-balles, des jumelles de visée nocturne et des moyens de communication, identiques à celles qui sont livrées aux combattants kurdes des peshmergas disent-ils.
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/08/21/comment-paris-a-livre-des-armes-aux-rebelles-syriens_4475027_3218.html
    Mercredi 17 septembre, la Chambre des représentants américain a donné son aval au projet de Barack Obama visant à armer et à former les rebelles syriens
    http://www.france24.com/fr/20140918-congres-senat-americain-barack-obama-livraison-armes-rebelles-syrie-etat-islamique-jihadistes/
    Comment feront ils pour empêcher que les armes « alliées » (pays de l’OTAN) fournies aux rebelles syriens ne tombent pas entre les mains de tous les rebelles comme en Lybie?
    Souvenez-vous les armes étaient livrées aux gentils rebelles musulmans modérés. Le pays est depuis à feu et à sang, la population massacrée et les femmes violées comme il ne l’a jamais été avant.

    Une grande quantité des armes fournies au gouvernement irakien et aux rebelles syriens, sont dans les mains de l’EI. De fait, l’US Air Force bombarde des Humvees et des véhicules blindés de transport de troupes états-uniens.
    La législation du Congrès américain est tout à fait consciente que les soldats seront attaqués et tués par les « rebelles » que nous formons, payons et équipons. Elle demande – sic – pour que ce qu’elle appelle des attaques « vert-sur-bleu », des ……rapports soient rédigés et que des statistiques soient conservées… quel cynisme ……
    Selon l’ambassadeur syrien aux Nations unies Bachar Jaafari, des rebelles syriens du groupe extrémiste al-Nosra se sont emparés d’armes, d’uniformes et de véhicules appartenant à des Casques bleus de la Force de l’ONU sur le Golan (Fnuod) et occupent désormais toute la partie syrienne du plateau, ….et ça vous étonne ?
    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-Congres-des-Etats-Unis-autorise-le-soutien-des-rebelles-en-Syrie-27968.html
    (Résumé) Le financement de ces soi-disant « rebelles modérés» syriens va engendrer une nouvelle et plus vaste guerre encore dans tout le Moyen-Orient.
    Écrivant sur la connexion entre l’Arabie saoudite et l’État Islamique (EI), l’historien Alastair Crooke a récemment décrit les insurgés
    « modérés » en Syrie comme sont « plus rares que la licorne des légendes ».
    Les rebelles « modérés » n’existent pas, ils ont juste conclu un pacte de non-agression avec l’EI
    Les « modérés » ont capturé un journaliste états-unien et l’ont vendu à l’EI, qui l’a décapité.
    L’Arabie saoudite qui, avec le Qatar, a financé les djihadistes en Syrie, propose désormais de « former » des rebelles modérés – sic .
    En résumé, ils veulent nous faire croire que les qataris et saoudiens, richissimes sponsors des djihadistes *radicaux * vont dès maintenant aussi former et financer des djihadistes « modérés » De qui se moque-t-on? …….
    La grande majorité des gens ont compris depuis longtemps que la moitié des soi-disant « rebelles » sont en fait des *mercenaires musulmans* qui viennent de plus de 20 pays. Ils s’organisent et se réorganisent constamment en nouveaux groupes, *qui offrent leur allégeance à quiconque les paye et leur fournit des armes et de la drogue et es femmes.
    Depuis que les États-Unis ont lancé leur guerre contre l’Irak en mars 2003, plus d’un million d’Irakiens innocents ont péri – c’est-à-dire 4 % de la population. Plusieurs milliers de milliards de dollars de dégâts ont été provoqués. Les Irakiens ont été dépouillés de leurs maisons, de leurs emplois, de leurs relations sociales, ils ont été humiliés au-delà de l’imaginable, leur pays a été ruiné.
    Les troupes américaines ne peuvent plus combattre au sol en Irak, elles sont haïes par la majorité de la population et n’auraient pas des problèmes qu’avec les rebelles.

    Personne n’avoue ce qu’est l’objectif final de cette politique. Ni pourquoi aussi bien Obama que l’UE ont ignoré pendant si longtemps la situation tragique des chrétiens, qui fuyaient ces régions à cause des attaques menées par des groupes armés financés par les Saoudiens et les Qataris ?

Et vous, qu'en pensez vous ?

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