Autant quitter l’OTAN…

 

En Mars 1966, la France quittait le Commandement intégré de l’Otan. Le général de Gaulle entendait redonner à la France les moyens de son indépendance sur la scène internationale fondée sur la possession de l’arme nucléaire. Solidaire de son plus vieil allié qui a deux reprises avait contribué à la préservation de sa liberté, la France restait dans l’Alliance Atlantique et se trouva à ses côtés lors de la crise de Cuba. Pour autant, elle entendait ne pas être un vassal et pouvoir manifester sa ligne propre dans l’évolution des relations internationales. L’impressionnant arsenal militaire du Pacte de Varsovie, les menées offensives de l’URSS en Afrique et en Asie qui lui firent atteindre son apogée dans les années 1970, pouvaient susciter des critiques à l’encontre de la position française. L’échec des Soviétiques en Afghanistan, la chute du mur de Berlin, la réunification allemande, l’effondrement de l’URSS ont définitivement mis fin à la guerre froide. « L’empire du mal » a explosé. Mais sur les décombres, deux incendies se sont étendus jusqu’à se rejoindre. L’habile stratégie américaine menée contre les communistes en Afghanistan appuyée sur le Pakistan et l’Arabie Saoudite a réveillé le fanatisme musulman sunnite, en lui apportant des combattants et des armes. Faute d’une solution apportée au conflit entre Israël et les Palestiniens, l’islamisme radical a désormais remplacé le nationalisme arabe comme soutien essentiel de la cause palestinienne. Celui-ci était soutenu par les dictatures arabes plutôt laïques, et par l’URSS. Celui-là est financé et alimenté religieusement par des mouvements liés aux monarchies sunnites conservatrices du Golfe, alliées des Etats-Unis. Ces derniers sont donc à la fois les protecteurs d’Israël et ceux des émirats pétroliers comme ils l’ont montré en volant au secours du Koweit contre l’Irak de Saddam Hussein. Depuis la chute du Shah, l’Iran a été un adversaire affiché des Américains. Principal pays chiite, ennemi d’Israël à travers le Heisbollah libanais, allié de la dernière dictature baasiste, la Syrie, et donc de la Russie, l’Iran et sa volonté de maîtrise du nucléaire paraissent une cible dénuée d’ambiguïté de la politique américaine. Pourtant l’intervention des Etats-Unis en Irak en 2003 laisse aujourd’hui un pays dont le gouvernement chiite est proche des Iraniens et en guerre avec des extrémistes musulmans sunnites qui occupent le tiers de son sol ainsi qu’une bonne partie de la Syrie. Si on ajoute l’échec total d’Obama dont le discours du Caire, célébré sans mesure par ses thuriféraires, n’a eu pour résultat qu’un champ de ruines de la Libye à l’Afghanistan et au Yemen, il y a là de bonnes raisons de vouloir prendre quelque distance avec une politique confuse, compliquée, ambiguë voire maladroite. Le soutien aux rebelles syriens auquel la France a failli s’associer alimente une guerre civile atroce dont souffrent particulièrement les Chrétiens en Syrie d’abord puis en Irak puisque le principal opposant à Bachar Al Assad est cet EIIL, installé à Mossoul désormais, dont le fanatisme et la cruauté défient l’imagination.

En fait tout se passe comme si la priorité de l’administration américaine demeurait l’obsession russe plutôt que le terrorisme islamique auquel le Président Bush avait déclaré la guerre après le 11/09/2001. Il avait été promis, lors de la réunification allemande en octobre 1990, que l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’Est. En 1999, la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque la rejoignaient. Ces pays ont eu à subir l’occupation soviétique. Leur attitude est compréhensible. En 2004, ce fut le tour des Pays Baltes. Cette fois il s’agissait d’Etats qui avaient pendant longtemps fait partie de la Russie puis de l’URSS, sont frontaliers de la Russie et comprennent de nombreux citoyens russophones. Lorsque l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie ont également exprimé le souhait d’adhérer à l’OTAN, alors que leur appartenance à l’Empire Russe puis soviétique avait été quasi-continue, la Russie a considéré que la politique d’encerclement et d’isolement menée par les Etats-Unis lui était hostile. Les interventions « occidentales » musclées contre les Serbes, slaves et orthodoxes, en Bosnie et au Kosovo, et le plus souvent en faveur des Musulmans, avec le soutien de la Turquie et de l’Arabie saoudite, sont allées dans le même sens avec une participation de la France qui trahissait sa vieille amitié serbe. Or, c’est alors que son objet même devenait moins clair, que les Présidents Chirac et Sarkozy réalisaient la réintégration de la France dans l’OTAN !

Il faut espérer que les Etats-Unis aient une politique, bien qu’on puisse en douter après leurs déconvenues irakienne ou libyenne. Mais si elle existe, cette politique n’a guère contribué à construire la paix. Il est probable qu’elle ne soit pas étrangère à la dangereuse déstabilisation de l’Ukraine. Quel a été et quel est son rôle en Afrique, où la France, un moment traitée en rivale en Afrique centrale, est aujourd’hui le bouclier face aux islamistes ? L’URSS n’existe plus. Quelle que soit la sympathie que suscitent ou non la Russie et le Président Poutine, il faut être bien naïf pour situer le bien et la transparence à Washington, le mal et le machiavélisme à Moscou. La Russie ne veut pas qu’un grand Etat hostile, membre de l’OTAN, soit à ses frontières alors même qu’une partie de sa population est russe. Elle souhaite que l’Ukraine soit un Etat fédéral et neutre. La France sur laquelle s’exercent aujourd’hui d’intolérables pressions pour qu’elle ne respecte pas ses engagements de livrer des navires de guerre à la Russie, devrait reprendre sa liberté. C’est à ce prix qu’elle pourrait à nouveau se faire entendre. On sait malheureusement depuis qu’ils déposèrent une motion de censure contre le gouvernement Pompidou en 1966 lorsque la France se retira du Commandement intégré de l’OTAN que les socialistes ont toujours été de dévoués vassaux des Etats-Unis. Cela reste vrai. C’est pourquoi une opposition digne de ce nom devrait annoncer sa volonté que la France quitte l’OTAN, demeurant l’alliée des démocraties pour combattre le terrorisme, non pour poursuivre une guerre froide devenue sans objet.

Christian Vanneste, 22 juillet 2014

6 commentaires

  1. Posté par Frank Cziganj le

    Les Etats Unis ont réussi à casser l’Europe toute entière en insinuant l’OTAN jusque dans les anciens pays du bloc Soviétique. Cela ajouté aux manipulations dignes d’un Power Game fait que nous ne sommes plus capables de gérer nos affaires internes en famille (Pays de l’UE et de la Grande Europe – au moins jusque Moscou). Nous avons laissé les Etats Unis prendre le contrôle du monde entier alors que nous avions encore il y a quelques années les capacités démographiques, économiques et politiques pour les empêcher d’en arriver là. Les Européens, au sens géographique du terme, ont perdu leur identité. C’est une nation de l’autre côté de l’atlantique qui nous dirige! Et que dire aux frileux conservateurs qui ne voulaient pas d’une Europe Fédérale, d’une Europe forte, unie et indépendante qui pouvait encore s’étendre à l’Est pour faire jeu égal avec le reste du monde?
    Nous sommes maintenant des citoyens d’états fédérés et télécommandés à tel point que nous avons besoin d’un Big Boss pour écrire notre histoire.
    Sans entrer ici dans un débat sur le problème de l’Ukraine, je ne vois pas ce que l’OTAN vient y faire.
    Ce n’est pas aux Etats-Unis d’Amérique d’intervenir directement ou via l’OTAN. C’est une affaire Européenne, une affaire interne entre pays d’un même continent et à l’histoire intimement mêlée.
    Reprenons notre destin en main!

  2. Posté par Myrisa Jones le

    Je recommande la lecture des articles publiés sur le site d’un américain, le Dr Paul Craig Roberts:
    http://www.paulcraigroberts.org/2014/07/
    Il y décrit précisément les plans de Washington, notamment en Ukraine, et la diabolisation de la Russie et de Poutine, afin de pouvoir prendre le contrôle total de l’Europe, au travers de l’OTAN et l’accord de partenariat transatlantique.
    Si l’attentat de l’avion de ligne malaisien, qui est une opération sous fausse bannière orchestrée par Washington, ne suffit pas, il faut s’attendre à quelque chose de pire ces prochains temps afin de justifier le déploiement de troupes de l’OTAN en Ukraine avec les conséquences que nous connaissons.
    C’est une guerre économique à mort -et avec beaucoup de morts à la clé- car les Etats-Unis en faillite totale et sur le point de s’effondrer, préfèrent provoquer le chaos partout plutôt que de perdre leur hégémonie. ( Plus de 1000 morts dans l’est de l’Ukraine, 350 000 réfugiés et les troupes de Kiev qui tentent de s’emparer aujourd’hui même de la région du crash pour effacer les preuves, ce qui empêchent les experts de se rendre sur la lieux)
    Il est parfaitement incompréhensible qu’il n’y aie aucune réaction face au danger que les Etats-Unis représentent désormais pour le monde et le suivisme de l’UE est de la pure folie.
    Et ce sont des américains, comme le Dr P.C.Roberts, qui nous avertissent!
    Et la Suisse ne doit absolument pas se joindre aux sanctions contre la Russie et refuser toute pression de l’UE à ce sujet.
    Mais bon! Faut pas rêver, car nos « européeistes » convaincus n’ont pas vraiment de talent, ni de temps pour la géopolitique.

    Le monde est condamné par l’insouciance occidentale
    Ne vous attendez pas à vivre beaucoup plus longtemps
    Paul Craig Roberts
    « Les gouvernements européens et les médias occidentaux ont mis le monde en danger en permettant la propagande et à l’agression de Washington contre la Russie.
    Washington a réussi à utiliser des mensonges transparents et diaboliser la Russie comme un pays agressif dangereux dirigé par un nouveau Hitler ou un nouveau Staline, tout comme Washington a réussi à diaboliser Saddam Hussein en Irak, les talibans en Afghanistan, Kadhafi en Libye, Assad en Syrie, Chavez au Venezuela, et, bien sûr, l’Iran. »…
    Suite de l’article:
    http://www.paulcraigroberts.org/2014/07/26/world-doomed-western-insouciance-paul-craig-roberts/

    Dr Paul Craig Roberts fut Secrétaire Adjoint au Trésor pour la politique économique et rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal. Il était chroniqueur pour Business Week, Scripps Howard Nouvelles Service, et Creators Syndicate. Il a eu de nombreux postes universitaires.

  3. Posté par Michel Mottet le

    On peut rappeler que la machine à broyer a fonctionné lors de l’assassinat de l’amiral Carrero Blanco. La CIA s’était servie de l’ETA pour l’expédier dans l’air et dans l’autre monde car il avait commis le péché mortel de refuser d’entrer dans l’OTAN et circonstance aggravante il avait refusé que les avions US puissent utiliser les aérodromes espagnols pour ravitailler en armes Israël lors de la guerre des six jours. Kyssinger était venu visiter les lieux quelques jours avant l’attentat et vérifier que tout était bien réglé, accessoirement il hâterait ainsi l’accès à la Démocratie… comme les USA le font partout où ils l’imposeent comme dans les pays cités précédemment. La démocratie des cadavres qui sont tous égaux…

  4. Posté par Michel Mottet le

    Ce machin est en fait une énorme et horrifique machine destinée à broyer tout ceux qui ont la naïveté ou l’imbécilité de s’y introduire. C’est aussi une représentation du dernier Pouvoir sévissant sur la terre prédit par le prophète Daniel : celui qui la dévore avec ses dents de fer… Afghanistan, Irak, Lybie, libre à chacun de compléter la liste.

  5. Posté par Philippe Rouquet le

    Une Europe OTANisée sous la coupe des E.-U. ne peut mener qu’à la guerre et la Russie en est consciente : http://youtu.be/kLph8dKQBdY

  6. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Le machin, le tas de feraille sombre qu’on voit sur la photo, l’emblème en relief de l’OTAN a quelque chose de sinistre! Il représente une menace.

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