Pourquoi ne pas choisir la Russie ?

Albert Leimgruber
Rédacteur

Non, non, ne vous en faites pas, je ne vais pas proposer de lancer un référendum pour l’annexion de la Suisse à la fédération de la Russie. Mais force est de constater que la politique actuelle de l’Union européenne devrait pousser Berne à envisager plusieurs options en politique étrangère et non se focaliser sur l’Union Européenne.

 

Certes, l’UE est notre voisin direct. Les échanges entre l’UE et la Suisse sont importants. Mais la Suisse en tant qu’Etat indépendant à la chance de pouvoir pratiquer une politique étrangère flexible, variée et taillée sur mesure.

 

La Suisse a tout intérêt à varier les dépendances et les risques dans son commerce extérieur. S’appuyer unilatéralement sur le commerce avec l’Europe occidentale comprend des risques non négligeables. Ainsi, la crise de la dette et celle de l’Euro n’a pas été surmontée. Les Etats de l’UE, englués dans la politique monétaire et économique commune n’ont pas été en mesure de réduire leurs dettes respectives. Le chômage reste élevé et les tensions sociales palpables.

 

Ailleurs, la croissance a repris de plus belle. La Russie est un Etat dont l’endettement est insignifiant. Ses ressources en richesses naturelles en font un partenaire incontournable sur le marché des hydrocarbures mondial. Les exportations de la Suisse vers la Russie sont en hausse constante. L’industrie Russe est un partenaire de plus en plus apprécié par les industriels Suisses.

 

Ce constat est aussi valable ailleurs en Europe. Ainsi les plus grands patrons allemands, tels les PDG des groupes Siemens, BASF, Bayer, Audi, Volkswagen... supplient la chancelière Merkel de ne pas appliquer les sanctions dictées par Washington et l’UE contre Moscou. Car au final, si les sanctions sont appliquées ce sont les exportations allemandes et donc les bénéfices de l’industrie allemande et les places de travail en Allemagne qui seront les premiers touchés. Certains analystes supposent même que la politique des sanctions dictée par Washington (et approuvée par l’UE) ne vise pas la Russie mais plutôt l’industrie allemande qui fait concurrence à l’industrie américaine.

 

Rappelons-nous que la Suisse avait entamé des négociations avec Moscou dans le but de signer un accord de libre-échange entre les deux Pays. Un acte qui aurait pu avoir une forte dimension symbolique, juste 200 ans après le début des relations diplomatiques entre les deux Etats ! Mais Berne en a décidé autrement après l’éclatement de la crise en Ukraine et à gelé les négociations.

 

Un autre élément, politique et non économique, devrait pousser la Suisse à renouer des liens avec la Russie. Contrairement à l’image transmise par nos médias du rôle de la Russie dans la crise Ukrainienne, Moscou s’est montrée très nuancée et prudent dès le début. Ainsi, Poutine a refusé de venir en soutien au président Janukovic alors que celui-ci l’a appelé à la rescousse. Poutine a également prié les militants pro-russes de l’Est Ukrainien de renoncer au référendum sur l’autonomie de leur région. Contrairement à l’Union européenne qui a activement soutenue les révolutionnaires sur la place Maïdan, Moscou a toujours tenté de calmer le jeu.

 

Le cas de la Crimée doit être considéré de façon différenciée. Ce territoire a toujours été russe jusqu’à la décision de Khrouchtchev de l’annexer à l’Ukraine, à une époque où la majorité du politburo était ukrainien. Le risque de voir le plus important port maritime de la flotte Russe passer en mains hostiles (le gouvernement transitoire à Kiev étant franchement hostile à la Russie) n’a pas laissé de choix à Poutine. La volonté populaire exprimée lors du scrutin du 16 mars lui en a donné une légitimité.

L’attitude de l’Union européenne lors de la crise Ukrainienne a été beaucoup moins défendable que la position de la Russie. De nombreux hommes politiques ont soutenu les manifestants sur la place Maïdan, aussi lorsque ceux-ci ont refusé de suivre l’accord signé avec le président Janoukovic, accord qui prévoyait de nouvelles élections et le retour à la constitution de 2004. Les ministres des affaires étrangères allemands et français tout comme l’ « humaniste et philosophe » Bernard henry Lévy ont appuyé la révolution alors même que des éléments fascistes allaient s’emparer du Pouvoir ou du moins soutenir le gouvernement provisoire de Kiev.

 

La Crise Ukrainienne a laissé beaucoup trop de morts dans les rues ukrainiennes. Mais elle a au moins un mérite : elle a démontré le vrai visage de l’Union Européenne : celle d’une marionnette servant aveuglément les intérêts des Etats-Unis, même lorsque cela nuit à l’économie et à la croissance des Etats membres.

 

Et pendant ce temps, l’Europe occidentale fête la victoire d’une drag queen barbue à l’Eurovision, un événement devenu un véritable Freak-Show au nom d’une « tolérance » qui a comme but la destruction de la famille traditionnelle et par ce biais de la société toute entière. La Russie encourage de son côté une politique familiale traditionnelle et rejette la théorie du genre au nom d’une société saine et stable.

 

La Suisse a donc tout intérêt à entretenir des relations étroites avec la Russie d’aujourd’hui. Elle a peut-être même plutôt intérêt à signer un accord-cadre bilatéral avec Moscou qu’avec Bruxelles ! Car n’oublions pas : Moscou ne veut pas s’ingérer dans les affaires internes d’Etats tiers et n’a jamais critiqué une décision démocratique étrangère. L’entente avec la Russie serait certainement plus constructive que la soumission à l’Union européenne voulue par Didier Burkhalter.
Albert Leimgruber, 13 mai 2013

 

7 commentaires

  1. Posté par Marie-France Oberson le

    Effectivement , Monsieur Rouquet « la Suisse doit penser à ses propres intérêts. », car comme disait le Général de Gaulle :« Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » et je doute fort que les USA comme l’UE se soucient de l’Ukraine pour les seuls beaux yeux de celle-ci !
    Quant au « continent européen sclérosé donneur de leçons » , en décadence, inculte ,je vous renvoie à l’article de Ivan Rioufol paru ce jour dans « Le Figaro » :  » L’Homme européen est une femme à barbe » Cela résume tout !

  2. Posté par Rouquet Philippe le

    Excellent article, merci!
    La Suisse veut-elle s’engager dans une Europe OTANisée, asservie aux intérêts des E.-U. qui refusent l’émergence d’un monde multipolaire, et qui nous mène irrémédiablement vers un conflit mondial?
    L’Allemagne aura-t-elle la force et la volonté de ré-européaniser l’Europe en établissant un partenariat solide et durable avec la Russie?
    Quel que soit le choix crucial de l’Allemagne, la Suisse doit penser à ses propres intérêts. Le choix entre des pays forts qui ne cherchent qu’à se créer un avenir viable avec une jeunesse dynamique et volontaire et un continent européen sclérosé, assisté et hypercentralisateur, et pire encore, arrogant et donneur de leçons.

  3. Posté par Sancenay le

    De l’Est à l’Ouest l’étau des pensées matérialistes qui enserraient le monde depuis des décennies sous le contrôle hégémonique des grandes oreilles que l’on sait est entrain de se désintégrer.Symboliquement, ses récentes convulsions viennnent de produire, en euro vision pourait-on dire, de la connerie humaine, une poupée barbie (!) barbue ! Comme quoi, les nostalgiques des heures les plus obscures de notre histoire n’étaient pas nécessairement ceux que les censeurs désignaient.
    Désormais, en tout cas ,les peuples se réveillent certes dans la douleur, en ce qui nous concerne en France, mais enfin, salutairement.
    Le vrai « retournement » est là qui concerne toute l’humanité.
    Certes le serpent n’est pas mort et s’agite dangereusement sur tous les continents où il cherche coûte que coûte à jouer les prolongations souvent de la façon la plus cynique.
    Mais au-delà de l’excitation angoissée des medias – la peur , sans doute de perdre l’accès exclusif, au râtelier « goûtu » de la désuète propagande – des chemins de libertés vont s’ouvrir immanquablement. Et nous pourrons alors délaisser sans regret les autoroutes dorées, mais ô combien payantes, de la » Liberté » qui ne menaient nulle part si ce n’est justement à la fin de toute humanité.
    C’est bien dans ce cadre en cours de restauration que le concours avisé de la Russie renaissante est le bienvenu.

  4. Posté par Marie-France Oberson le

    Excellente analyse et excellent article où tout est dit et bien dit !

  5. Posté par Marco le

    L’avenir de la Suisse pour son exportation n’est pas les pays faibles (UE principalement) mais avec les riches ou futurs riches. Ceux-ci sont essentiellement les pays émergents (qui d’ailleurs pour certains n’en portent que le nom et plus la définition!). La Suisse sera forte avec des partenaires forts. Ceux-ci sont entre autre la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde et bien d’autres. Alors je dis, l’UE non. Non aux bolchéviques de Bruxelles. Non à cette super structure crétiniste. Non à une UE socialiste qui encense une femme à barbe….mais ou va l’UE?
    Dans 10 ou 20 ans, quand le « Wellfare » social occidental sera mort car simplement plus financé ou en banqueroute, ne restera que ceux qui aurront gardé raison. Que nos politiciens de tout bord soient avertis.

  6. Posté par Stephan le

    C’est une bonne suggestion que d’avoir un traité de libre échange avec la Russie. Avec celui de la Chine a venir je ne comprends pas ce blocage soudain des négociations avec la Russie. Nos politiciens veulent ils vivre le même psychodrame qu’avec la négociation Croatie / programme de mobilité des étudiants et recherche / avec l’UE ? La Suisse est neutre ….elle doit continuer a négocier ….a mon sens bien sur plus avec nos voisins de l’UE que la Russie mais ne plus négocier avec l’un ou l’autre ne serait ce pas une erreur ? Pour les promesses non tenues de la Russie, je doute que ces promesses avaient une large possibilité d’interprétation quant aux velléités d’autonomie des ports de la Crimee stratégiques pour les russes….rien de nouveau ici cela fait des siècles que c’est comme cela. Et après tout ils ont eu leur referendum et comme leur présence n’est pas beaucoup plus justifiée strategiquement que la présence des britanniques a Gibraltar qui ne veulent pas par referendum devenir espagnol je ne vois pas pourquoi cela nous empêcherait de négocier?

  7. Posté par Clerc Philippe le

    La Russie fait tout juste à vous lire. Le 5 décembre 1994, elle a pourtant garanti l’intégralité du territoire ukrainien, tout comme les USA et la Grande-Bretagne, en échange de la dénucléarisation de l’Ukraine. On voit aujourd’hui ce que valent les promesses russes. Il n’y a plus d’ordre international.

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