Union Européenne : du rêve à la réalité

Murat Kunt
Professeur honoraire EPFL

L’Europe d’aujourd’hui n’est plus la réalisation du rêve de départ mais un cauchemar.

 

Depuis 1950 l’Europe a beaucoup changé pour arriver à son état d’aujourd’hui.  Les pères fondateurs n’avaient certainement pas envisagé d’en arriver là. Les 27 états qui en font parties couvrent quasi totalement l’Europe géographique. Est-ce que le but est atteint ?

Au vu des problèmes que la presse nous présente tous les jours, on peut croire que le navire, sans commandant, fait fausse route. Il y a en tout cas un résultat qui a été obtenu dont on ne parle presque pas et qui est un résultat de poids : La troisième guerre mondiale n’éclatera pas sur le sol européen et, espérons-le, ne s’y déroulera pas non plus. Pour un continent qui a été mis 2 fois à feu et à sang à 20 ans d’intervalle avec les conséquences atroces qui sont encore dans les esprits (on espère !), c’est un très bon résultat. Il a de la peine à être apprécié à sa juste valeur car ceux qui ont vécus ces horreurs ne sont presque plus là. Les générations suivantes sont de moins en moins sensibles à la question.

Ce résultat seul justifie sans doute la grande vitesse avec laquelle les 27 pays ont été admis dans l’union. Il justifie moins le gâchis financier et les détournements scandaleux en cours depuis plusieurs décennies. En plus, on ne peut pas se cacher derrière ce résultat, pour justifier les anomalies nombreuses et incontrôlables que la CE et l’UE nous servent quasi quotidiennement.

Le point le plus gênant est que le système dérive de plus en plus et personne n’ose toucher au gouvernail, en espérant qu’il y en ait un. Même un système parfait doit être modifiable - autrement il ne serait pas parfait. Les décisions sont prises par des gens dont les compétences sont douteuses et dont leur motivation cachée n’est pas l’idée de départ. Ils cherchent d’abord à bétonner leurs postes et ensuite nommer des copains pour armer encore plus le béton. On ignore la remise en question. C’est pour cela que ces messieurs-dames ont une peur viscérale des referendums nationaux. Les deux rares fois où il y en a eu, les peuples (français et hollandais) ont montré clairement qu’ils ne voulaient pas de ces décisions résultant de théories farfelues. Alors on rafistole l’édifice couche par couche pour arriver à un stade où personne ne sait comment il tient. On prétend, en plus, que ce n’est pas un super-marché où l’on peut choisir ce qu’on veut (pour nos bilatéraux) mais c’est un tout, à prendre ou à laisser. Et si l’on posait cette question aux citoyens européens, par referendum, le prendraient-ils ?

Grands vainqueurs de la 2ème guerre, les Etats Unis ont impressionné et marqué les esprits de plusieurs générations. En particulier, l’état de leur union, est donné souvent comme modèle.

Toutefois il faut être plus que naïf pour croire qu’un « copier – coller » du modèle américain marchera en Europe ou la diversité des peuples longtemps renfermés sur eux-mêmes est sans commune mesure avec l’homogénéité et l’ouverture de la société américaine. Les américains vivent avec, et de, la mobilité alors que les européens sont plutôt casaniers pour la même raison.  L’UE a voulu homogénéiser à l’américaine un certain nombre de choses comme l’enseignement et la recherche, deux secteurs vitaux de toute société moderne. Le résultat n’est pas brillant. Le couper-coller du master américain force à niveler par le bas l’enseignement à travers tout le continent européen. Les éducateurs ne sont pas formés de la même façon, les étudiants ont des cursus incompatibles. Comment fait-on ? On joue avec les titres des rubriques sans toucher le fond pour devenir rapidement « euro-compatible ».

La façon de travailler d’un chercheur portugais ou grec n’est pas la même que celle d’un suédois ou d’un allemand. Vouloir mettre ces diversités dans un même moule ne fait que dégrader les meilleurs et ne fait pas avancer les mauvais pour autant. La CE a la manie de vouloir imposer les sujets de recherche sans savoir ce qu’est la recherche. Un chercheur est la dernière personne à qui il faut dire ce qu’il doit faire. Les « experts »  et les « commissaires »  des projets sont plus souvent des cas sociaux que de vrais experts. Les sommes colossales attribuées à ces projets devaient relancer l’industrie européenne et créer des sociétés. Les industries existantes ont utilisé cette manne pour ne pas mettre leurs employés au chômage et les seules sociétés qui ont été créée ont pour but de préparer la paperasse de nouveaux projets contre finances. On n’arrive pas à boucler les comptes de la CE depuis plusieurs années car on ne trouve pas les moyens de faire correspondre les entrées et les sorties comptables.

On peut se demander à quoi sert l’UE ou la CE quand une banque américaine arrive à mettre en faillite un état membre par tricherie comptable et mettre aux postes clefs européens ses anciens cadres, sans qu’une sanction puisse lui être affligée. Alors on demande aux allemands de resserrer la ceinture par solidarité. Quel Europe peuvent faire des Cohn-Bendit, des Schults, des Baroso, etc. ?

Par ignorance de ce qu’ils font,  la CE et le Parlement européen ont amené toute la misère du monde dans les plus belles villes européennes pour les rendre invivables et veulent que l’on les suive en Suisse. Ils sont vexés que l’on protège intelligemment nos frontières contre l’immigration massive alors que celles de l’Europe sont devenues inexistantes et ils ne font que regarder et faire semblant d’être affecté.

Ces messieurs-dames de la CE et du Parlement européen font tout pour ne pas payer d’impôts en s’accordant les meilleurs privilèges fiscaux tout en dilapidant honteusement l’argent des contribuables européens mais ils pontifient contre l’évasion fiscale et le secret bancaire! La cerise sur le gâteau, ils veulent nous pénaliser pour notre participation à la recherche européenne et au projet Erasmus, mais ils ignorent qu’il y a beaucoup plus d’étudiants européens qui viennent en Suisse que d’étudiants suisses qui partent en échange et que la Suisse est classée au premier rang des pays qui attirent et retiennent les meilleurs talents (selon http://www.euractiv.com/ même!). Aux dernières nouvelles, selon la même source, la Suisse bat, de loin, tout les pays européens en capacité d’innovation.

L’Europe d’aujourd’hui n’est plus la réalisation du rêve de départ mais un cauchemar.

Murat Kunt, 24 avril 2014

 

9 commentaires

  1. Posté par Normandy le

    @Jean-Jacques

    Quelle curieuse argumentation !

    « Si en 1940 on avait demandé l’avis du peuple américain s’il était d’accord de faire la guerre aux côtés des européens, la réponse aurait été négative ». Si vous connaissiez un brin d’histoire, vous sauriez que les USA sont entrés en guerre A LA SUITE DE L’AGRESSION JAPONAISE A PEARL-HARBOR. Dès cet événement, le peuple américain était à peu près unanimement favorable à l’entrée en guerre. Votre comparaison est donc sans pertinence.

    « … la CE n’est certes pas parfaite mais c’est une réalité que personne ne peut ignorer ». D’abord, on n’en est plus à la CE depuis longtemps (pour mémoire, c’est l’UE). Ensuite, ne pas ignorer une « réalité » n’implique pas d’y adhérer ou de s’y soumettre ! Il peut au contraire être nécessaire de s’y opposer, de lui résister et même, s’il le faut, de la combattre. Certaines autres « réalités » historiques l’ont « bien » démontré.

    « Lorsque l’Histoire est en marche, ceux qui persistent à l’ignorer, le paieront tôt ou tard à leur dépens [sic]. » Il manque à peine la référence à la « Réaction » ! Encore un marxiste qui s’ignore, sans doute, un de ces « initiés » qui croient au sens de l’Histoire (qui plus est « en marche » !) et qui prétendent en sus le connaître. Sur ce thème, « sens de l’Histoire », « progressistes » et « réactionnaires », je vous recommande vivement le très remarquable commentaire d’Alain Favre, daté du 28 avril, à propos de l’eurolâtre bêlant Jacques Pilet, suite à l’article d’U.Windisch intitulé « Il y a journalisme et journalisme. ».

    Si « Comparer l’Europe à une mafia est tout simplement scandaleux » selon vous, considérer cette pseudo-Europe-là comme démocratique ne l’est pas moins !

  2. Posté par Ueli Davel le

    Cher JJ, ma foi j’aimerai que vous eussiez raison mais c’est tout simplement vrai! C’est une réalité que personne ne peut ignorer, 56000 eurocrates gagnent EN MOYENNES 6500 Euro net soit ~4,8 milliards/année, et 6000 à la retraite! On ne parle pas de notes fraîche Bruxelles-Strasbourg et hors de Bruxelles! http://www.bfmtv.com/economie/un-fonctionnaire-europeen-gagne-6-500-euros-nets-mois-653250.html ou http://www.express.be/business/fr/economy/un-appareil-couteux-11000-fonctionnaires-de-lue-gagnent-plus-quelio-di-rupo/185630.htm. Quel pays Européen offre de tels salaires moyens? Pour l’histoire qui avance… J’ai des doutes, quelle histoire, sans compter que l’histoire parle du passé? Chacun écrit son histoire, il n’y a pas d’histoire universel, ce n’est pas une science exacte. Pensez-vous réellement qu’un rwandais voit l’histoire comme un coréen ou plus près de chez nous l’histoire vue par un Français, un anglais ou un historien d’une ex colonie est la même!?
    Combien de politiciens inutiles, grillés, incompétents se voient offert une position à Bruxelles, la liste est longue.

  3. Posté par Jean-Jacques le

    La démocratie comme toute pièce à deux faces! Certes le peuple décide, mais il n’a pas forcément raison. Si en 1940 on avait demandé l’avis du peuple américain s’il était d’accord de faire la guerre aux côtés des européens, la réponse aurait été négative. Chacun peut mesurer qu’elles auraient été les conséquences pour l’Europe. Aujourd’hui, la CE n’est certes pas parfaite mais c’est une réalité que personne ne peut ignorer. Lorsque l’Histoire est en marche, ceux qui persistent à l’ignorer, le paieront tôt ou tard à leur dépens. Comparer l’Europe à une mafia est tout simplement scandaleux.

  4. Posté par Paul Taill le

    Pour y avoir « vécu » pendant 15 ans, j’affirme que l’EPFL inclut une majorité de médiocres, glandeurs et même des « escrocs ». Mais il existe une petite minorité de personnes brillantes voire exceptionnelles parmi lesquelles figure le Prof. Murat Kunt. Une référence donc !

  5. Posté par Ueli Davel le

    La menace venant bien évidemment de la France et de l’Allemagne, les autres n’ayant rien à dire!

  6. Posté par Marendo Müller le

    La Suisse par rapport à l’EU ressemble à Hong-Kong par rapport à la Chine, à savoir un Etat/Continent, deux systèmes. Si la Chine s’en sort avec deux systèmes (la Chine est un continent, dans la pratique), pourquoi pas l’Europe, même si le fait que le QI moyen des européens est apparement de 4-5% inférieur à celui des Hans pourrait être une excuse amusante pour tant de lenteur. Sur le plan de la pratique démocratique, la Suisse est à l’EU ce qu’est Israël au reste du Moyen-Orient. Il serait intéressant d’ailleures de promouvoir la démocratie directe comme un droit de l’homme fondamental (celui de décider par lui-même pour lui-même), dont les autres découlent nécessairement, étant donné qu’une charte des droits de l’homme crée et entérinée par des représentants d’Etats pour la plupart soit non-démocratiques soit pseudo-démocratiques n’a pas de bases crédibles. En se qui concerne les frontières et l’immigration, il me semble que les Etats européens post-coloniaux découvrent avec étonnement que les portes qu’ils ont ouvertes fonctionnent dans les deux sens, découverte dont les conséquences migratoires n’ont pas à être portées par les Etats qui n’ont jamais été coloniaux comme p.ex. la Suisse. La France par exemple, est devenu semi-algérienne (et semi-musulmane comme bonus), tout comme l’Algérie était devenue semi-française et la compétitivité économique future de la France va potentiellement se rapprocher de la compétitivité économique de l’Algérie et vice-versa.

  7. Posté par Gaspard le

    Brillante et pertinente analyse, qui vient en plus d’un professeur de l’EPFL!

  8. Posté par Philippe le

    J’espère qu’un jour nous puissions exiger des comptes aux Barroso, Cohn bendit, Schulz et tous les autres acteurs de l’ombre de cette organisation mafieuse, ultra libérale et totalitaire.
    Moi j’attend ce jour là avec impatience…..

  9. Posté par Ueli Davel le

    Merci pour cette brillante analyse. Elle devrait ouvrir les yeux des camarades journaleux. Notre pays est menassé par cette pieuvre bicephale sclerosée.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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