L’école et le Bien Commun

Stevan Miljevic
Enseignant

L'école alimente régulièrement les conversations. Pas toujours de manière constructive il faut le reconnaître, mais, dans l'ensemble, c'est un sujet d'intérêt qui captive. Je me rend compte cependant que bien souvent, la discussion passe largement à côté de ce qui devrait être le coeur de toute réflexion: sa finalité. Si les divers acteurs du monde scolaire et politique débattent plus ou moins régulièrement des méthodes pédagogiques, de plans d'étude, de son organisation structurelle, voir des moyens financiers à y consacrer, en revanche, personne ou presque ne pousse la réflexion jusqu'à son terme, à savoir quel est le but de l'institution scolaire. Ou disons plutôt que si le sujet est esquissé il n'est jamais vraiment développé. On entendra par exemple dire que l'école doit fournir une culture générale, permettre de s'intégrer dans la société ou dans le monde professionnel. Mais en définitive, l'ensemble de ces considérations ne sont pas suffisantes: l'école ne doit pas se contenter de favoriser le développement individuel, elle doit favoriser l'épanouissement de la société et des personnes qui la composent. L'école doit chercher le Bien Commun.

Qu'est-ce que le Bien Commun?

Comme dit précédemment, le Bien Commun n'est pas la somme des intérêts individuels des gens. Pour qu'une société fonctionne dans l'harmonie et pour le meilleur épanouissement de ses membres, elle ne peut pas se contenter de simplement mettre en valeur le développement individuel des personnes qui la composent. Il est évident que cette tâche fait partie des missions de l'école, mais elle ne suffit pas. Procéder de la sorte contribuerait à promouvoir des comportements égoïstes au possible au détriment des faibles et des différents liens communautaires. A l'inverse, le Bien Commun ne consiste pas non plus à promouvoir l'intérêt général uniquement. Favoriser l'intérêt du tout au détriment des intérêts personnels créée des lignes de conflit entre les différents individus. La complexité de notre monde étant ce qu'elle est, il faut encore ajouter à cette première distinction entre intérêt individuel et général, une réflexion sur l'intérêt communautaire: Les communautés sont des associations de type extrêmement variées: la famille, les associations religieuses, sportives et culturelles, les associations d'intérêt (économiques, syndicales), ethniques, etc. Là aussi, il n'est pas question pour l'école de favoriser des intérêts communautaires clivants: si les intérêts de ces communautés se heurtent entre eux, à ceux des individus ou du tout, alors faire le Bien Commun ne consiste en tout cas pas à défendre leurs intérêts.

Rechercher le Bien Commun consiste donc à tenter de dépasser ces antagonisme et à faire cohabiter harmonieusement les intérêts individuels, communautaires et l'intérêt général. Toutefois, cette première réflexion n'est pas suffisante: le Bien Commun ne peut pas s'arrêter à une éventuelle situation d'équilibre entre ces différents intérêts. D'ailleurs le Bien Commun n'est jamais acquis et doit être continuellement recherché. L'équilibre ne suffit pas: les tendances à la dissolution étant bien forte dans ce monde, quiconque vise le Bien Commun doit chercher à renforcer la cohésion du tout (le tout étant compris au niveau communal, cantonal ou national puisque ce sont là les différentes communautés politiques institutionnalisées dans notre pays). Le Bien Commun doit viser également la perpétuation de la société: une société qui se meurt, fut-elle heureuse (au moins en apparence), n'est pas une société soutenue par le Bien Commun

Enfin, le Bien Commun dépasse également, pour les croyants, les frontières de ce monde et doit permettre à ceux-ci de se comporter de manière à pouvoir atteindre la vie éternelle qui leur est promise.

Qui peut contribuer au Bien Commun

De nos jours, il est de plus en plus difficile d'orienter l'ensemble des individus d'un groupe donné vers la recherche du Bien Commun: les institutions capables de fournir les impulsions nécessaires à l'ensemble de la population sont de plus en plus rares. Par le passé, l'Eglise pouvait jouer ce rôle. Le phénomène de déchristianisation de l'Europe occidentale a largement affaibli sa capacité de le faire. L'armée, dont le mode de fonctionnement n'orientait déjà que vers la cohésion, préalable certes nécessaire au Bien Commun mais insuffisant, ne peut plus non plus jouer son rôle: toutes les avancées allant dans le sens de sa professionnalisation ainsi que les moyens de la contourner ont considérablement réduit sa puissance de resserrer les liens entre les personnes. Et ce sans oublier que la moitié féminine de la population qui ne fait pas l'armée n'est pas concernée.

Si l'entreprise peut dans une certaine mesure également jouer ce rôle formateur, il semble que les mutations profondes que subit l'économie de marché depuis quelques dizaines d'années déjà, ont eu raison de son utilité: l'entreprise oriente de plus en plus vers un fonctionnement purement égoïste qui n'a rien à faire du Bien Commun. Tout au plus certaines bribes de pseudo-recherches de celui-ci peuvent-elles servir l'entreprise à des fins publicitaires.

Il y encore bien entendu les diverses associations. Mais là aussi, nombre d'entre elles peinent à trouver de la relève et, pour les autres, leur finalité ne permet qu'une toute relative participation à la recherche du Bien Commun. Quand ce n'est pas une opposition profonde à celui-ci qu'elles promeuvent.

Quant à la politique, elle est clivante par essence dans une démocratie fondée sur les partis et le faible intérêt qu'elle génère (il n'y a qu'à voir l'évolution des taux de participation pour s'en convaincre) limite également considérablement sa capacité à mobiliser les esprit pour la recherche du Bien Commun.

Ne restent donc en définitive que les familles et….l'école pour essayer d'insuffler cet élan pourtant indispensable à la société. Et encore, une société qui arrive bientôt à un taux de divorce de près de 50% ne peut décidément pas non plus se fier aux familles dans leur ensemble pour faire l'indispensable. Les familles font ce qu'elles peuvent, avec ce qu'elles ont reçu. Si bien qu'en définitive, le seul levier d'ampleur qu'il reste pour tenter d'ouvrir les coeurs et les esprits à la recherche du Bien Commun, c'est l'école.

Qu'on se comprenne bien, il n'est pas question pour moi de dire que seul l'école peut le faire. Chacune des entités dont il a été question jusqu'ici a une capacité d'agir pour orienter les conscience dans la bonne direction. Ce que j'ai voulu montrer c'est qu'étant donné la situation actuelle, l'école est vraisemblablement un des organismes aujourd'hui les plus aptes à propager cette mission.

Comment l'école peut travailler au Bien Commun

Des méthodes d'enseignement adéquates

Si l'école peut être un acteur prépondérant dans la recherche du Bien Commun, elle peut aussi s'y opposer de manière virulente. Essayons donc d'analyser quelles sont les pratiques correctes et quelles sont celles qui ne le sont pas.

Une école qui favorise la meilleure acquisition de connaissances, d'habilités et de compétences chez les élèves est une école qui travaille à mon sens clairement dans l'optique du Bien Commun. Les futurs adultes issus d'une telle école sont les constructeurs du monde de demain: plus ils disposent de savoirs solides, plus leurs capacités de raisonnement et de créativité augmentent: on ne raisonne et on ne créée en effet qu'à partir des connaissances et schémas mentaux qu'on possède. En partant de ce constat, si l'école veut servir le Bien Commun, alors elle se doit de favoriser tous les moyens qui permettent une meilleure acquisition de ces savoirs. Les études scientifiques sont là d'un apport précieux puisqu'elles permettent de trier les pratiques efficaces de celles qui ne le sont pas. J'ai déjà à maintes reprises fait remarqué que les plus grosses études quantitatives à ce jour sont unanimes à montrer que les pratiques instructionnistes et explicites sont les plus favorables en moyenne. Reste à savoir si elles le sont également pour toutes les catégories d'élèves ou si certains élèves ont besoin de procéder autrement. Une étude couvrant une centaine d'années de recherches en éducation menée par la chercheuse Jeanne Chall a démontré que l'approche instructionniste, outre des résultats moyens meilleurs, procurait également une plus grande efficacité auprès des élèves présentant des difficultés d'apprentissage, une plus grande efficacité auprès des élèves à risques de tous les milieux socio-économiques, une plus grande efficacité chez les élèves de culture différente (1). Watkins et Slocum confirment que les pratiques explicites sont les plus efficaces pour les élèves doués, les élèves moyens et les élèves qui présenteraient des styles d'apprentissage variés (2). Et le constat vaut également pour les élèves des classes d'éducation spécialisée (3). En clair, la recherche scientifique démontre que la démarche instructionniste et explicite est la plus efficace pour toutes les catégories d'élèves. Ainsi donc, ce ne sont pas seulement l'ensemble des individus pris à part qui profitent d'un tel enseignement, ce sont en même temps l'ensemble des communautés auxquelles ils appartiennent. C'est donc dans ce sens que doivent s'orienter les programmes de réforme scolaire s'ils veulent oeuvrer à un meilleur apprentissage pour tous et, par là même, au Bien Commun.

Si le développement d'un jeune en formation passe par l'acquisition de nouveaux savoirs, les aspects humains ne doivent pas être oubliés. Un être humain dont la tête serait bien pleine mais qui vivrait mal cette situation n'est pas un être humain pleinement épanoui. Le projet Follow Through, mené auprès de plus de 350'000 élèves de 180 écoles, a non seulement confirmé ce qui a été dit plus haut au sujet de de l'efficacité de l'enseignement explicite mais a de plus prouvé que les élèves qui étaient soumis aux pédagogies instructionnistes étaient plus épanouis au niveau des affects (4). La raison est assez simple: le malaise que peut provoquer l'école réside surtout dans l'incompréhension que les élèves ont face à certains savoirs. Un élève qui se sait capable de réussir est un élève plus heureux, plus épanoui émotionnellement. Alors bien sûr l'école ne peut pas pallier les déficiences de la société, les malheurs que peuvent vivre des enfants dont les familles sont déchirées par exemple, mais elle peut au moins éviter d'en rajouter une couche.

Selon Goldenberg, l'apprentissage de la langue est également largement favorisé par des méthodes d'enseignement explicite (5). La langue étant un des principaux vecteurs d'intégration, notamment pour les migrants dans une société, on réalise que les méthodes instructionnistes et explicites ne jouent pas qu'un simple rôle de performance, mais influent également considérablement sur l'intégration des communautés étrangères, jouant par là-même un rôle de rempart face aux tendances destructrice de  certaines formes de communautarismes: des personnes qui parlent la langue du lieu où ils s'installent s'intègrent plus facilement dans la société et se réfugient nettement moins dans leur propre communauté d'origine.

Cet aspect intégratif doit cependant être prolongé. Il n'est pas uniquement question d'intégrer des migrants au travers de l'apprentissage de la langue. Pour qu'une société puisse fonctionner harmonieusement et donc tendre au Bien Commun, il lui faut avoir un socle de références communes à chacun de ses membres: des personnes dont les références en terme de savoirs sont les mêmes ne sont pas des personnes qui pensent de manière uniforme, ce sont en revanche des personnes qui ont plus de capacités à se comprendre les uns les autres et, de là, à prendre en compte leur prochain. Lorsque l'école fournit des contenus communs comme cela a quasi toujours été le cas, alors la population qui en sort est une population qui a un lien, un cadre de pensée commun sur lequel chacun s'appuie pour développer ses idées, sa vision du monde mais qui permet aux autres de saisir justement ces raisonnements.

En revanche, lorsque l'école commence à développer des méthodes où chaque élève s'investit et apprend des choses en fonction de son projet propre, par conséquent radicalement différentes des savoirs des autres, ce socle commun s'effondre. Je pense par exemple à la pédagogie de projet ou à certaines méthodes d'enquêtes. La pédagogie de projet est un dangereux facteur de dissolution de l'unité communautaire: c'est l'équivalent d'une pensée ultra individualiste, atomisant la société à la manière des ultra-libéraux mais l'efficacité en moins puisque fort peu d'études semblent accréditer l'idée que cette manière de procéder soit efficace. Les projets collectifs ne sont pas beaucoup plus intéressants puisque, s'ils fournissent éventuellement un socle commun à une classe, voir un établissement, dès que l'on sort de ce cadre, ce socle s'effondre. Un projet à Martigny n'aura vraisemblablement rien à voir avec un projet à Sion ou à Lausanne.

Peut-être, cependant, certains élèves trouvent-ils motivante cette manière de procéder. Toutefois, celui qui cherche le Bien Commun ne peut faire l'économie de la question suivante: vaut-il mieux favoriser la motivation individuelle ou le Bien communautaire? A mon avis, la réponse est vite trouvée. Surtout si l'on prend en compte un autre aspect important, à savoir que l'école doit également former les jeunes au travail, au goût de l'effort. Ce n'est pas en passant tous les caprices des élèves, en faisant en sorte d'absolument vouloir les motiver coûte que coûte qu'on leur apprend à supporter des situations peu intéressantes comme on peut en rencontrer dans la vie professionnelle et personnelle. La société a besoin de gens qui savent s'accrocher et se motiver par eux-mêmes dans toutes les situations. C'est un besoin collectif, un besoin pour les diverses communautés et un besoin pour les individus eux-mêmes. Toute réflexion aboutie sur l'école ne peut donc qu'évacuer l'idée de faire des activités en fonction des envies de la jeunesse. Surtout si ces manières de faire n'ont pas fait la preuve de leur efficacité comme nous le démontrent les études empiriques qui se sont penchées sur la question (6).

A ce propos, le philosophe Michael Devitt a dit:

J’ai un candidat à proposer pour le titre de tendance intellectuelle la plus dangereuse de notre temps : […] le constructivisme. […] dans certains mouvements politiques bien intentionnés, mais confus, cela a conduit à une véritable épidémie de construction de mondes. Le constructivisme s’attaque au système immunitaire qui nous prémunit contre la folie (7).

Par là il faut entendre que par sa manière propre d'appréhender le monde, le constructivisme sous toutes ses formes (éducatives comme sociétales) fait voler en éclat l'idée qu'il existe un monde réel concret que nous essayons chacun de percevoir, mais que chacun se construit son propre monde et donc démolit totalement toute idée de communauté de savoirs, savoir-faires et savoir-êtres, pourtant si nécessaire pour qu'une société soit soudée et puisse tendre au bien commun.

Dès lors que la société n'est plus soudée, qu'il n'existe plus aucun réel lien autre que l'intérêt qui lie les différents individus, ce sont les concepts mêmes de charité et de solidarité qui disparaissent également. Il est à ce propos risible de penser que les pratiques pédagogiques coopératives aient quelque chose à voir avec cela: lorsque l'école promeut les travaux de groupe (=pédagogie coopérative), elle ne travaille absolument pas à promouvoir ces deux idées: le fait d'imposer à deux ou plusieurs personnes de travailler ensemble ne les aide en rien un sentiment charitable ou de solidarité. Cela ne développe en fait qu'un sentiment de dépendance (puisqu'on n'apprend pas à travailler seul) alors que charité et solidarités demandent d'aller volontairement vers son prochain, fut-il quelqu'un qu'on n'apprécie guère ou qu'on ne connait pas. L'aspect "faire ensemble", lui, étant inhérent au développement humain en société (8), il faut bien se rendre à l'évidence: forcer un élève à travailler avec untel n'a rien à voir avec lui apprendre à aller vers autrui. De même, le laisser volontairement choisir un ou plusieurs camarades pour travailler selon des critères comme l'affectif ou l'intérêt (si l'élève en question est doué par exemple) n'a pas non plus à voir avec le fait de vouloir aider son prochain quel qu'il soit.

 Des contenus adéquats

Il n'y a bien évidemment pas que par les méthodes d'enseignement que l'école peut contribuer au Bien Commun. Elle dispose dans sa panoplie d'outils de puissants moyens pour orienter les individus vers la recherche du Bien Commun. Malheureusement, ces outils, s'ils sont mal utilisés, peuvent à l'inverse avoir une action corrosive sur les disponibilités des êtres humains à s'ouvrir à la recherche du Bien Commun.

Par exemple, il n'y a pas que sous l'aspect méthode que le constructivisme est un puissant dissolvant communautaire, il y a aussi du point de vue des contenus: il n'y a qu'à s'arrêter un instant sur les plans d'étude conçus selon l'idée constructiviste pour voir à quel point Devitt dit vrai: les exigences du plan d'étude romand dans les disciplines dites culturelles est un véritable cas d'école en la matière puisque les objectifs d'apprentissage sont déclinés de manière à ce qu'il soit impossible de déterminer précisément ce qui est attendu de la part de l'élève. Prenons un exemple concret pour illustrer la chose: en géographie, en 9ème, il est entre autre demandé de l'élève d'être capable de réaliser une identification des différents acteurs et de leur localisation. Tout le monde comprend qu'il s'agit dans une situation ayant trait à la géographie de repérer les acteurs et où ils se situent. Mais après? Plus précisément?  Est-ce qu'il s'agit de lire un petit texte et de savoir répondre à des questions sur ce texte portant sur les acteurs? Auquel cas on a affaire à un vulgaire exercice d'étude de texte. Si on estime que cet objectif est un peu trop basique et n'a rien à voir avec de la géographie, est-ce qu'on parle de répondre à des questions écrites portants sur plusieurs documents? Ou est-ce qu'on demande que les élèves sachent par eux-même développer un questionnement sans que celui-ci soit écrit face à une situation ayant trait à la géographie? Et s'il s'agit de cela, est-ce qu'il s'agit simplement de savoir poser les questions "qui" et "où" ou est-ce un peu plus ambitieux? Ce petit exemple sert simplement à montrer que les constructivistes fournissent des objectifs dont la l'imprécision est telle qu'on ne sait pas vraiment de quoi on parle et que toutes les pratiques, y compris celle consistant à ne rien apprendre du tout, sont acceptables. En conséquence, étant donné la vacuité totale de la définition, le socle de connaissances/habilités/compétences commune éclate une nouvelle fois sous l'assaut des objectifs constructivistes.

Toujours au sujet des objectifs d'apprentissage, signalons que certains autres objectifs sont également à proscrire par leur aspect politique: traiter de sujets politiques brûlants en classe de manière impartiale peut s'avérer compliquer. Je l'ai déjà démontré dans deux articles ayant trait aux supports de cours reçus en géographie en Valais (9). En plus, certains enseignants ne se gênent pas de mettre en évidence leurs propres croyances, ce qui n'est pas leur rôle. Le fait donc de traiter de sujets à connotation partisane à l'école ne fait que contribuer à faire monter l'éclatement partisan de la société. Et donc à dresser un peu plus les communautés de pensée politique les unes contre les autres. La démocratie c'est bien, mais la polarisation partisane qui peut en découler n'a strictement rien à voir avec le Bien Commun. Par conséquent, l'école devrait plutôt donner les notions nécessaires à la compréhension de ces sujets, voir, si l'exercice s'avère périlleux de ne pas verser dans le politique proprement dit, s'abstenir et se concentrer sur des sujets plus neutres.

La polarisation partisane est en fait un des travers les moins graves que l'école peut commettre quand il s'agit de dresser les communautés les unes contre les autres et ainsi rompre l'harmonie nécessaire à la recherche du Bien Commun: lorsqu'elle promeut des programmes à caractère de constructivisme social comme la théorie du genre ou la lutte contre les préjugés, elle heurte de plein fouet nombre de familles (communauté de base de la société) ainsi que diverses communautés (religieuses notamment). Par conséquent, elle augmente le degré de conflictualité inutile d'une société qui ne peut alors pas se consacrer à la recherche du mieux pour tous. De plus, il est irréaliste de croire qu'on peut déconstruire les préjugés d'un claquement de doigt. La seule chose qui se produit c'est qu'après ce genre d'enseignement, celui à qui on prête des préjugés (sans se demander un instant si ceux-ci sont fondés ou non) sera à son tour pointé du doigt et exclu. Le degré d'exclusion augmente puisque les préjugés restent mais que le nombre d'exclus augmente. Il est évident qu'on ne laisser personne se faire discriminer, mais la recherche du Bien Commun voudrait plutôt qu'on enseigne aux gens le respect plutôt qu'on essaie de les formater à penser autrement. Untel a des préjugés? soit! Ce qu'il doit apprendre, c'est à ne pas avoir de comportements blessants vis-à-vis de ses semblables et non subir un formatage idéologique. D'ailleurs, en passant, on constate que ce qui est présenté comme vérité scientifique (la théorie du genre par exemple) est en fait une hypothèse qui n'a même pas passé le cap du test en laboratoire. Le docteur John Money a bien tenté de tester la validité de son hypothèse au prix d'une expérience effroyablement inhumaine, mais le résultat (suicide de la malheureuse victime) a apporté un cinglant démenti à son délire (10). Quiconque sait ce qu'est une démarche scientifique se rend vite compte qu'il n'a donc même pas passé le cap de l'expérimentation en laboratoire et que, par conséquent, la théorie doit être rejetée.

Non seulement donc le constructivisme social érigé en objectif d'apprentissage contribue à détruire la cohésion communautaire, mais il est de plus d'une nature qui n'a strictement rien de scientifique. Remarquons au passage que l'ensemble des volontés de l'école de s'immiscer dans la sexualité des individus dresse nécessairement certaines familles contre les autres dès lors qu'elle dépasse le stade de l'explication du fonctionnement physiologique. Si l'on ajoute encore le fait qu'une des caractéristiques de la pensée de quiconque cherche le Bien Commun est de chercher à perpétuer la communauté dont il fait partie, alors on se rend vite compte qu'il existe une sévère confusion entre ce qui devrait être le rôle de l'école et celui que certains essaient de lui faire jouer. La recherche du Bien Commun ne peut donc en aucun cas passer par la sexualisation des écoles.

Je conclurai ce texte en m'intéressant encore à deux derniers aspects: le traitement par l'école des religions et celui du passé. Pour ce qui concerne les religions, la recherche du Bien Commun doit être distinguée selon qu'on parle d'une école d'un état laïc ou d'un état confessionnel. Dans le premier cas, la laïcité ne doit pas être confondue avec la promotion de l'athéisme. Il s'agit alors d'une école qui n'a pas à former une pensée et des pratiques dignes de permettre au croyant la Vie Eternelle. En revanche, elle doit nécessairement respecter et permettre au croyant de faire par lui-même les démarches lui permettant d'accéder à son Paradis. Il n'est donc pas question de faire la promotion de comportements contraires puisque la jeunesse est extrêmement influençable. Dans un état confessionnel par contre, il est du ressort de l'école d'aider le jeune à obtenir la Vie Eternelle. Bien entendu, celui qui n'en veut pas doit être libre de pouvoir ne pas y adhérer. On mesure à l'aune de ce raisonnement à quel point l'école d'aujourd'hui est à mille lieux de rechercher le Bien Commun en la matière.

Enfin, last but not least, le traitement du passé. Si on veut qu'une population soit soudée et qu'elle puisse oeuvrer à chercher le Bien, alors il faut lui donner envie de vivre ensemble. Sans quoi, la société s'atomise, les solidarités se défont, la charité disparait et c'est le chacun pour soi généralisé. Si donc on veut faire adhérer les jeunes à la communauté régionale/cantonale ou nationale dans laquelle il va vivre, il faut donc lui faire connaitre son passé. Et, par là même, éviter de le faire dans une posture masochiste consistant à montrer systématiquement du doigt tout ce qui a été imparfait dans son histoire. Il faut être sérieux un moment, comment veux-t-on intégrer des nouveaux venus si on passe son temps à dire que la Suisse/France c'est de la m…, que tout son héritage est un scandale etc. Personne ne souhaite adhérer à un club dont l'identité est fondé sur le mal. L'école obligatoire, si elle désire chercher le Bien de tous doit donner envie d'adhérer à la communauté. Ce n'est que comme cela que les individus peuvent s'investir pour la bonifier. Il n'y a de plus rien de mal à mettre en évidence les bonnes choses et à passer un peu plus dans l'ombre les aspects plus négatifs. L'école obligatoire n'est pas là pour former des historiens qui connaissent sur le bout des ongles la réalité historique de leur pays, l'université et les médias s'en chargeront. Elle a pour devoir, au travers de l'histoire, de donner un bagage de connaissances qui permet entre autres, d'adhérer pleinement à la communauté d'accueil et ainsi participer à son développement de manière optimale.

Voilà, c'en est tout pour cette réflexion non exhaustive sur la définition d'une école qui cherche réellement le Bien Commun.

Stevan Miljevic, le 8 avril 2014

http://stevanmiljevic.wordpress.com

(1) Jeanne Chall "The Academic Achievement Challenge", 2000, cité dans Hollingsworth et Ybarra "L'enseignement explicite, une pratique efficace", Chenelière Education, 2013, Montréal, p.5

(2) Watkins et Slocum "The Components of Direct Instruction" dans "Introduction to Direct Instruction" publié sous la direction de Marchand, Slocum, Martella, Boston, MA: Allyn & Bacon, 2004, p.28-65

(3) American Federation of Teachers, (1999), cité dans Hollingsworth et Ybarra "L'enseignement explicite, une pratique efficace" Chenelière Education, 2013, Montréal, p.9

(4) http://en.wikipedia.org/wiki/Project_Follow_Through#Analytical_methods consulté le 6 avril 2014

(5) Goldenberg, "Improving achievement for English-learners: what the research tell us", Education  Week, vol.25 n.43 pages 34-36 consultable ici: http://www.edweek.org/ew/articles/2006/07/26/43goldenberg.h25.html consulté le 6 avril 2014

(6) je citerai à nouveau le Visible Learning de John Hattie dont on retrouve les principaux résultats ici http://visible-learning.org/hattie-ranking-influences-effect-sizes-learning-achievement/ consulté le 8 avril 2014 ou le projet Follow Through entre autre.

(7) http://www.ababord.org/spip.php?article86 consulté le 8 avril 2014

(8)  S.Bissonnette, M.Richard et C.Gauthier "Echecs scolaires et réformes éducatives: quand les solutions proposées deviennent la source du problème", les presses de l’université Laval, 2005, p.79 citation de David Geary: "L’apprentissage des habilités cognitives primaires s’effectue naturellement à travers le développement de l’enfant et des situations de manipulations, de jeux, d’explorations, de découvertes, etc. qu’il expérimente au contact de son environnement. Ces apprentissages sont naturels et universaux, et sont observables dans toutes les sociétés. Les habilités cognitives primaires s’acquièrent naturellement grâce au développement et à la maturation de l’appareil cognitif de l’enfant et des expériences, riches en stimulations de toutes sortes, qu’il vit." où les habilités cognitives primaires comprennent le développement de la socialisation notamment.

(9) voir ici http://stevanmiljevic.wordpress.com/2013/11/14/la-propagande-politique-na-pas-sa-place-a-lecole-partie-1/ et ici http://stevanmiljevic.wordpress.com/2013/11/29/la-propagande-politique-na-pas-sa-place-a-lecole-partie-2-limmigrationnisme/

(10) http://www.lesobservateurs.ch/2014/03/12/le-dr-money-et-le-garcon-sans-penis-video/ consulté le 8 avril 2014

4 commentaires

  1. Posté par Gabarra le

    Pardon pour ma remarque précédente, un peu précipitée – j’espère qu’elle ne vous aura pas blessé !
    Vous évoquez, dans votre réflexion, la question des préjugés et de la lutte contre les préjugés, que vous rapprochez de la lutte contre la discrimination. Ce combat, conçu comme un impératif de la cohésion sociale, est très à la mode. Il y aurait cependant beaucoup à dire sur ce point dans une réflexion sur le bien commun. La justification de cet impératif, en effet, est loin de s’imposer comme une évidence.

    Toute société repose sur des préjugés. L’universalité de cette observation devrait conduire à s’interroger sur la relation de ce fait au bien commun social. Le préjugé est un sédiment culturel. Il permet à une génération de tenir pour acquis ce que d’autres ont jugé avant elle. Ainsi, par exemple, le caractère rationnel et raisonnable de la nature humaine est, de ce point de vue, un préjugé. La définition du mariage humain constitué par un homme et une femme en est un autre. Dans un autre domaine, sans préjugé, la notion même de transmission des savoirs volerait en éclats. L’enseignement ne peut pas exister sans préjugés. L’éducation parentale pas davantage.

    L’idée diffusée par la modernité est d’associer systématiquement le préjugé à l’irrationalité et à l’aveuglement, alors pourtant que le terme indique précisément le contraire. Un préjugé n’a certes pas été jugé par celui qui le tient, mais il a par hypothèse été jugé avant lui. Il peut être reproché à quelqu’un de ne pas avoir éprouvé lui-même le bien-fondé d’un préjugé, mais il ne peut pas être reproché à ce dernier d’être irrationnel. La modernité met sa vanité à être inventrice d’elle-même, sans dette à l’égard du passé. Elle pense être meilleure parce qu’elle est actuelle et que, ce faisant, elle dépasse qualitativement tout ce qui la précède. Peut-être y a-t-il une corrélation entre son mépris du passé et sa haine du préjugé.

    Le même procès est fait à la discrimination, ce pourquoi d’ailleurs la lutte contre la discrimination embrasse la lutte contre les préjugés. Discriminer est pourtant, par essence, l’acte d’une intelligence qui juge, par lequel elle opère un tri entre ce qu’elle dit être ceci et n’être pas cela. Une intelligence qui ne discrimine pas ne fonctionne pas.

    Il est étonnant, à cet égard, de constater que la lutte contre les discriminations et la lutte contre les préjugés trouvent en l’intelligence un ennemi commun. Cette lutte, et ce n’est probablement pas un hasard, propose aux citoyens – en particulier dans l’enseignement – un “savoir” de substitution venant combler les vides creusés par l’absence recherchée d’exercice de l’intelligence. Là où vous ne devez pas juger, là où vous ne devez pas avoir de préjugés, une “conscience sociale” vous est proposée, qui vous dicte ce que vous devez penser. L’escroquerie est manifeste : car il ne s’agit là rien d’autre que de faire prendre la place d’un préjugé par un autre pour redéfinir, sans attache historique ou morale, les conditions “modernes” de la vie sociale. Cette manipulation du préjugé, d’ailleurs, manifeste a posteriori sa nécessité. L’enseignement propose ses instruments pour aider cette entreprise depuis l’enfance. L’amplitude de cette conscience sociale de substitution dépend de la définition extensible donnée dans le monde moderne aux termes “préjugé” et “discrimination”. Il suffit par exemple d’y faire entrer la foi religieuse – qui est par hypothèse dogmatique, et donc discriminatoire – pour justifier que la croyance n’est pas conforme au bien commun.
    La définition de ces notions est dès lors de première importance, à mes yeux, dans une réflexion sur le bien commun.
    Cordialement

  2. Posté par Gabarra le

    Article bien intéressant, mais que de fautes d’orthographe pour un enseignant !

  3. Posté par Sancenay le

    Bien entendu on ne peut que souscrire à cette sagesse qui a fait ses preuves, mais en elle, c’est la fin du règne des lobbies qui prospèrent tout au contraire de la promotion de la « libre volonté ». Autrement dit qui porocèdent de la loi du renard libre dans le poulailler libre. Et le système , tout particulièrement en France , est jusqu’à preuve du contraire, le garant de cet immoral désordre qui protège le règne des lobbies , ceux-ci manipulant sans grande peine comme autant de pantins « décrispés » tant d’ « élus du peuple  » dont l’aussweiss initial pour un accès au râtelier fut justement une déclaration solennelle de renonciation à toute conviction , en particulier religieuse et à toute allégeance au passé ( « du passé faisons table rase ». ) et renouvelée autant de fois que de besoin , sur demande de l’Inquisiteur médiatique de service.

  4. Posté par Stevan Miljevic le

    Petite précision en ce qui concerne le lien avec les religions dans un état confessionnel: il va sans dire que l’état confessionnel ne doit favoriser que la pratique et la croyance religieuse qui sont siennes. A l’égard des autres confessions il doit adopter une attitude de laïcité: rien pour favoriser et rien qui va à l’encontre de l’obtention du Salut de ceux-ci. Sauf bien sûr dans le cas de contradictions flagrantes (attitudes fanatiques qui seraient contraires aux autres aspects visant au Bien Commun etc…)

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