Suisse: Suicide assisté de dépressifs et de déments. Interview

Le Fonds national suisse de recherche scientifique vient de publier une étude approfondie sur le phénomène du suicide assisté en Suisse. Etude fondée sur des indications anonymisées relatives aux 1301 cas de suicides assistés traités, entre 2003 et 2008, par les organisations d’assistance au suicide Exit et Dignitas.

 

L'Etude révèle divers aspects fondamentaux:

1. Plus de femmes que d'hommes

L’aide au suicide est nettement plus fréquente chez les femmes que chez les hommes (740 femmes contre 561 hommes). La proportion de femmes est plus élevée même si l’on tient compte du fait que les femmes vivent plus longtemps que les hommes.

 

2. La famille protège

Les personnes vivant seules et divorcées se font davantage accompagner au suicide que les personnes mariées et les personnes socialement intégrées. Les individus relativement jeunes avec enfants sollicitent l’aide au suicide plus rarement que les personnes sans enfants; en revanche, chez les personnes plus âgées, les enfants ne semblent plus être un facteur de protection.

Le taux de veufs est immense, 17,3 pour 100'000 habitants, contre 8,2 pour les divorcés, 3,4 pour les mariés et 2,8 pour célibataires.

 

3. La religion aussi

Les catholiques, 42,3% de la population, ne sont que 20,9% à demander le suicide (soit 2,2 cas pour 100'000 habitants), les protestants, 36,2% de la population sont 47% à le demander (soit 5,9 cas pour 100'000 habitants), alors que les sans religion, 11.6% de la population, sont le plus durement touchés avec un taux de 25,4% de suicide assisté (soit 9.9 cas pour 100'000 habitants). Les personnes religieuses seraient mieux intégrées explique encore l'étude.

 

4. Mais pas la ville ni l'éducation

L’accompagnement au suicide est également plus fréquent qu’en moyenne chez les individus ayant un meilleur degré d’instruction, dans les zones urbaines et dans les régions aisées, précise le communiqué.

 

5. Ni la langue française

Les Romands sont 5,1 pour 100'000 à demander le suicide, contre 4,5 pour les Alémaniques et 2,8 pour les italophones.

Dans l'interview qu'il accorde aux Observateurs, le Pr Matthias Egger, l'un des responsables de la recherche, met ce résultat en relation avec l'offre de suicide assisté du CHUV de Lausanne.

 

6. Ni la jeunesse

L'âge moyen des suicides assistés est de 48 ans. On en trouve dès l'âge de 25 ans (2).

 

7. Pas toujours de maladie mortelle

Dans près de 200 des 1301 cas signalés, l’acte de décès officiel ne comportait aucune indication quant à la maladie mortelle dont la personne concernée était atteinte au moment de son suicide accompagné.

"Pour un sujet aussi délicat, l’Etat devrait regarder les choses de plus près",

déclare Matthias Egger,.

 

La consultation de cette étude pose la question essentielle du poids de la dépression et des maladies psychiques dans la décision des candidats au suicide assisté. L'étude prend d'ailleurs en considération des cas faisant état de maladies mentales, comportementales et de troubles de l'humeur chez des individus accédant à l'assistance au suicide. Parmi ces cas, elle n'en compte pas moins de 16 souffrant de dépression et de démence. L'étude rappelle d'ailleurs fort à propos l'arrêt du Tribunal fédéral (1) condamnant pour homicide un médecin ayant assisté le suicide de deux personnes souffrant de maladie mentale.

"On a un souci. On aimerait en savoir un peu plus, savoir si cette personne était vraiment capable de prendre cette décision. Ca doit être documenté par les médecins avant de procéder au suicide assisté. [...] On aimerait savoir un petit peu mieux ce qui s'est passé",

reconnaît le Pr Egger.

L'on apprend encore qu'une assistance au suicide est fournie gratuitement pour les membres moyennant des cotisations allant de 45 à 105 dollars (monnaie choisie par l'étude) ou 1000 dollars pour les non-membres. A environ 1300 cas (2) à mille dollars pièce, on arrive toute de même à 1'300'000 dollars en 5 ans, soit 260'000 dollars par an; un joli bénéfice (260 suicides assistés par an, 1 par jour ouvrable, ça ne chôme pas). Et ce prix ne compte pas les donations. On rappelle qu'en Suisse, le suicide assisté n'est pénalisé que si "poussé par un mobile égoïste"... ça se discute.

 

Interview de M. le Pr. Matthias Egger, professeur de médecine sociale et préventive de l'université de Berne, les Observateurs.ch, 19.02.2014

 

Source

Site de l'étude

(1) Decision 6B_48/2009.

(2) En fait plus, les cas de moins de 25 ans et de plus de 95 ans ont été écartés.

8 commentaires

  1. Posté par ETIENNE le

    J’aimerais savoir si dans le cas d’une dépression chronique et majeure, il est possible de recevoir une assistance au suicide mais SANS que la famille n’en soit informée et donc, que cela passe pour une mort naturelle?
    Je suis membre de Dignitas et vis en Suisse.
    Haudrey ETIENNE

  2. Posté par Benetti le

    Je suis dépressive depuis longtemps et n’arrive plus à être heureuse à vivre normalement est ce que Dignitas m’aiderais ?

  3. Posté par ghislain valette le

    1 300 000 CH soit 260 000 CH par an…un joli bénéfice? quel bénéfice ? c’est un chiffre d’affaire, ça n’a rien çà voir !

  4. Posté par FRANCINE LEVY le

    Je vis en Israel. je vais avoir 80 ans et je suis une rescapee de la shoah , ce qui fait que toute la vie je suis depressive . En revanche ma sante physique est bonne. Je veux mourir avant mon 80eme anniversaire , tant que ma sante me permet de le faire dignement. Est-ce que Dignitas est une bonne solution pour moi ?

  5. Posté par Ourson le

    Je pense que si une personne ayant toutes ses facultés, déclare et pose son désir sur papier signé qu’en cas de maladie Alzheimer-cancer- se trouvant dans un comas irréversible opte pour ne plus vivre, de partir avec Exit ou autre doit être respecté.

  6. Posté par Isis le

    De savoir qu’il est possible de choisir l’heure de partir aide à vivre plus paisiblement jusqu’au jour de la grande décision. Merci !

  7. Posté par colibri le

    Tous ces article qui conduisent de plus en plus à banaliser l’euthanasie montre bien le réel danger à ce qu’un jour un illuminé remette d’actualité la solution T34

  8. Posté par pragma2 le

    Et de l’autre cote on essaie sans arret d’imposer un controle de plus en plus stricte des armes a feu, parce que les gens pourraient s’en servir pour se suicider. Vu le tarif pratique par dignitas, je peux comprendre le choix…

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