Au fond d’eux-mêmes, les gens savent…

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France

A propos de l’opinion et de la vérité et de l’obscurité et de la lumière.
L’une des questions les plus importantes de la politique est celle de savoir pourquoi le mensonge réussit si bien. L’occasion de cette réflexion nous est fournie par les récents sondages publiés à la fois après la révélation de l’affaire Gayet et le virage dit à droite de Hollande.

 

Ce sont les incohérences qui retiennent notre attention. En effet,  les gens soutiennent la politique de gestion de crise de Hollande dans l’affaire du cocufiage, ils croient à la billevesée du respect de la vie privée, mais… ils sont plus de 70% à ne faire confiance ni à Hollande, ni aux partis politiques, ni aux médias. Bref, d’une certaine manière, on gobe tout, y compris le pire comme le pacte de responsabilité, mais… au fond de soi-même, on n’a aucune confiance en tous ces gens.

Nous avons soutenu récemment l’idée que Trierweiler n’est pas cocue. Pourquoi n’est-elle pas cocue, expliquons-nous. Parce qu’elle savait depuis le début que Hollande avait une ou plusieurs liaisons et qu’en fait elle était en ménage à trois, ou même plus, pendant toute cette période. Elle acceptait cette situation en échange d’un statut privilégié, en échange des honneurs, en échange des faveurs et d’un peu de pouvoir. Pour faire un peu d’humour, nous sommes persuadés que lorsque le soir il prenait son casque, Trierweiler disait à Hollande : surtout fais bien attention, ne te fais pas prendre. Le problème de Trierweiler, c’était que ceci reste secret afin qu’elle puisse continuer de rester première dame. Le problème, ce qu’il fallait éviter donc, c’est la révélation, la lumière.

De la même façon, nous soutenons que les Français ne sont pas cocus avec le pacte de responsabilité, bien que ce dernier constitue un reniement total des promesses explicites du candidat Hollande. Nous pensons que les Français qui ont voté pour Hollande ne sont pas cocus car ils savaient. Au fond d’eux-mêmes, ils savaient qu’il promettait des choses impossibles, qu’il était un imposteur.

Ce qui est important dans notre affirmation, c’est le : « au fond d’eux-mêmes ». Au fond d’eux-mêmes, cela veut dire pour nous qu’inconsciemment, à un certain niveau et même à leur insu, ils savaient.

On ne comprend les incohérences des êtres humains et les incohérences du corps social que si l’on fait l’hypothèse qu’il y a plusieurs niveaux de savoir, plusieurs niveaux de conscience, et qu’il existe un niveau où les choses elles sont sues, mais inconscientes. Il y a un niveau où tout ce qui dérange est refoulé dans un gigantesque « je n’en veux rien savoir ». Vous avez dû vous-mêmes très souvent faire l’expérience de cette situation. Le fait que l’on ne veuille rien savoir de quelque chose n’implique pas que cette chose n’existe pas. De la même façon que le fait de supprimer un mot, ou des mots comme on le fait quotidiennement maintenant dans la vie sociale française, n’empêche pas que les choses que les mots désignaient, continuent d’exister. Le refoulement, puisque c’est d’un refoulement dont il s’agit, se fait sous la pression du confort ou du plaisir. Il y a des choses qui dérangent, qui font mal, des vérités que l’on ne veut pas voir. Et bien peu à peu, on fait comme si elles n’existaient pas. Et c’est là le secret de la réussite du mensonge. Il réussit parce qu’il prend les gens dans le sens du poil. Il va dans le sens de leur moindre peine, de leur plus grand confort et de leur plus grand plaisir. Le mensonge réussit parce qu’il suit la pente de la facilité, du moindre effort, de la veulerie.

Dans le cadre de l’analyse du cocufiage, ou plus exactement du double-cocufiage, celui de l’affaire Gayet et celui de l’affaire du pacte de responsabilité, j’insiste pour dire qu’au fond d’eux-mêmes les gens savaient. Aussi bien Trierweiler que la société française. Mais ils savaient et ils savent à un endroit très profond d’eux-mêmes qu’ils s’empressent de recouvrir de multiples couches de dénégations. Dénégations fournies par les paroles officielles et les soupes médiatiques.

Le cadre analytique que j’utilise dans mes écrits utilise beaucoup la notion d’inconscient, la notion de logique cachée. Je l’utilise aussi bien pour les individus que pour les systèmes. Je crois à la désinformation généralisée. Je crois au recours constant par les pouvoirs à la propagande. Je suis un adepte des outils intellectuels forgés par Freud, Young, Lévi-Strauss, Lacan, etc. et sous certains aspects ceux de Marx et de ses suiveurs modernes. Les choses ne se donnent pas à voir telles qu’elles sont, elles nous apparaissent au travers d’un prisme qui, à la fois, les révèle, mais en même temps les déforme et les masque.

J’ai développé ce point très souvent.

Les hommes et les systèmes sont agis par une logique cachée, interne, qui ne se donne pas à voir, mais qui est tyrannique. Plus ces choses sont cachées et plus elles sont tyranniques. Pour préciser ma pensée par un exemple simple, si vous avez un tic ou un toc, vous savez que ces tics et tocs vous échappent, ils sont malgré vous. La mise à jour historique de la genèse des tics et tocs les fait presque toujours disparaître, ils cessent d’être tyranniques.

Dans mon cadre de pensée, les gens se comportent comme les gestionnaires du système, ils croient en être les acteurs.  Les discours conscients, non scientifiques, les discours d’évidence sont des rationalisations dont la fonction systémique est de permettre le maintien ou la reproduction d’une situation ou d’une pratique. Nous soutenons que : « je » est un autre. Que « je » ne suis pas là où je crois être. Et que cette hypothèse est valable aussi bien pour les individus que pour les corps sociaux. Je soutiens que le sens d’une vie est de se récupérer soi-même, de faire remonter à la conscience, de s’autoriser de plus en plus de soi-même pour ne pas rester aliéné. Aliéné au sens de Raymond Aron, au sens fort, c’est-à-dire étranger à soi-même. « Wo es war, soll es werden », est une clé pour comprendre ma démarche. Elle justifie le recours que je fais à l’Histoire. C’est au fil des siècles et du temps que l’inconscient se constitue pour se mettre hors de portée et gagner son pouvoir.

Et par cette analyse, que je justifie ma position de refus du racisme et mon refus des thèses conspirationnistes. Je prétends que les gens qui tombent dans le racisme ou le conspirationnisme sont victimes d’une illusion : ils prennent les gestionnaires apparents du système pour les véritables acteurs. Ce ne sont pas les gens qui sont les acteurs, ils sont agis à leur insu. D’où ma thèse constante et radicale selon laquelle il faut changer les règles du jeu, ces règles étant ce que je nomme « la logique cachée du système ». Les gestionnaires, eux, ce sont ceux que je désigne souvent comme « les grands Prêtres ».

Exemple : la finance pervertie a ses règles, mais ce sont des règles qui ne sont pas mises à jour, des règles enfouies. Et quand on vous informe, c’est pour mieux vous enfumer et nous disons souvent que l’on vous fait prendre les vessies pour les lanternes. On pratique une transparence diabolique qui est destinée à détourner l’attention aussi sûrement que le fait le génial illusionniste Copperfield. Si vous me suivez, vous comprenez mieux que le patron de Goldman Sachs puisse dire sans rire : « j’accomplis l’œuvre de Dieu ». Il dit vrai. Etant posé que le dieu dont il parle, c’est le refuge de notre ignorance, c’est le refuge de notre « je n’en veux rien savoir », c’est l’inconscient du système financier. Je hais les règles du jeu financier telles qu’elles se sont élaborées dans la phase de maturation de la financiarisation, je ne hais pas Blankfein, le patron de Goldman Sachs.

Cet inconscient du système ou cet inconscient des gens n’a de pouvoir que tant qu’il reste enfoui, tant qu’il reste dans la partie sombre, c’est-à-dire tant qu’il n’est pas porté à la lumière. Sa tyrannie tire sa force de ce qu’il est non-su. On ne peut agir sur ce que l’on ignore. C’est à partir de là que ce que je tente de faire a un sens : révéler quelque chose qui est caché, c’est ôter du pouvoir à la tyrannie, c’est la désamorcer.

En fait, ma méthode peut se résumer de la façon suivante : je pars de ce que l’on voit, de l’actualité, pour déboucher sur ce qu’il y a derrière, et proposer une interprétation qui peut être résumée comme suit : « tout se passe comme si… ».

Tout système, que ce soit le système qui vous constitue en tant qu’individu, ou celui qui structure la société, ne survit, ne se reproduit et ne se propage, que s’il réussit à conserver le bénéfice de l’obscurité des profondeurs de l’inconscient.  D’où l’importance centrale que je donne à la Vérité. Ce n’est pas un hasard si les mythes assimilent le Vrai Savoir, la Vérité, à la Lumière. Souvenez-vous de l’expression Siècle des Lumières.

On me demande souvent : que faire ?

Voici un début de réponse : faire savoir, expliquer, donner à voir, mettre à nu…

D’où l’importance fondamentale de la liberté de parole, de la liberté d’expression, de la liberté de la presse.

Rentrer dans mes textes demande beaucoup d’efforts. Ils sont difficiles d’accès. Ils demandent attention et ils exigent un background important. Mais si c’était facile, « Ils » ne vous tromperaient pas aussi facilement.

Vous pouvez bien entendu lire en surface, comme s’il s’agissait de textes d’opinions, mais, dans ce cas, sachez que vous passez en large partie à côté de l’essentiel.

Bruno Bertez, 22 janvier 2014

5 commentaires

  1. Posté par Renaud le

    Très bien, parfait, l’apocalypse est proche, la révélation de la Vérité.
    Mais de grâce Ô prophète un peu moins de « je », « ma », « mon » dont est truffé ce texte.
    « je suis Mammon » précède l’apocalyse, tous les textes les disent et l’expérience en atteste.
    Alors prophète constatez le et n’accusez nul autre que vous de l’être, ce qui est précisément le principe du mensonge que vous dénoncez.
    Vous remarquerez que, par le fait de vous accuser d’accuser, la patate chaude se retrouve entre mes mains, ou la quenelle si vous préférez.
    Soupirez d’aise !

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    fichtre! une erreur m’a échappé! la parabole « ce matin » est celle du semeur!

  3. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Cher Jac, vous êtes enthousiaste. Alors vous imaginez que si chacun s’imposait une saine discipline la société serait sauvée. Voici qui m’impose de revenir sur la parabole ce matin. La qualité de la semence de pas en cause, au contraire de celle du terrain. Ce terme qui peut bien représenter l’inconscient, où la semence germe ou non. Et, même le terrain propice n’est pas à l’abri d’une autre semence. L’homme, celui d’aujourd’hui, est expert en ivraie! Il fait ainsi des ravages. Sans compter que c’est lui qui a piétiné le terrain. Ne vous soucier donc pas, Jac, de la société. Souvenez-vous de la parabole selon laquelle il est plus difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille. À combien plus forte raison une foule ! Éprouvez donc la gratitude, c’est un beau cadeau! Un cadeau que votre cœur vous pressera de partager. Les mots vous manqueront peut-être, vous balbutierez. Parfois, une mauvaise oreille vous laissera confus et dépité. Mais aussi vous reconnaîtrez des cœurs ouvert et généreux. Il m’est arrivé de dire à des jeunes gens : « vous vous êtes montré père, mère envers moi ». Comment? disent-ils! Voici ma réponse : « avec une chaleureuse bienveillance, vous avez écouté des propos que vous ne compreniez pas entièrement. Des balbutiements. Ce faisant vous avez contribué à la formation de mon langage. » c’est à peu près ça. À ce point je dois préciser que c’est jaunes gens sont vierges! Comme la vierge Marie. Faute de quoi il m’auraient renvoyé aux prophètes, à la loi, aux sommes théologiques et, pourquoi pas, au talmud ! Mais Saint-Augustin, Saint-Thomas d’Assises, les Papes, les Popes, les philosophes, Pascal, Mahomet peut-être, les grands rabbins, les prophètes, nul à ma connaissance n’a vu et connu la nature du péché originel.
    Les mots sont bons, beaux, justes et adéquats dites-vous, et déjà votre regard se porte sur le fruit. Le résultat ! Si, si ! Des « si » qui sont le terreau de commerce florissant. D’autant plus que vous y êtes toujours au nu de quelque chose. Jamais vous n’attendrez les sommets où trône le gourou.
    Mais ce sera tout pour aujourd’hui.

  4. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Formidable, splendide ! Et que sais-je encore ? Jamais je n’aurais cru pouvoir lire de tels propos de mon vivant. Bravo et merci. À vous, et aux observateurs de vous publier. Vous touchez à quelque chose de fondamental, d’essentiel. J’ose nommer l’Évangile ! Pas celui du Pape qui, en la basilique de Saint-Pierre à Rome, plaça avec soin de la poupée et représentant Jésus dans une crèche. Et, bien évidemment, pas celui de son assistant qui rectifia la position de la poupée. Staline en a envoyé au goulag pour moins que cela. Pas davantage celui des évangéliques ou des fondamentalistes pour lesquels Jésus a donné sa vie et verser son sang. Certes, ce sont des braves, dont le moindre des mérites est de croire en leur rédempteur. Eux aussi savent inconsciemment. Ils compensent par des chants de louanges, entre autres démonstrations. Mais, ne suis-je pas en train de m’égarer dans un propos sans fin ? C’est pourtant ce que vos mots m’inspirent. Et moult méditations dont il est prématuré de faire état. Quant à vous, ne vous souciez pas de qui comprend. Souvenez-vous de la parabole du semeur. Longtemps je l’ai méprisé, celui-ci ! N’aurais-je pas, il n’y a pas si longtemps, viré c’est incapable? Et pourtant, il a beaucoup à nous dire. Et ce sera tout, pour ce jour.
    Après tout, non ! M’autorise serez-vous de divaguer encore un peu ? Monsieur Bertez, vous avez fait référence à la psychanalyse de la psychologie, à bon droit ! J’entends encore Serge Tarassenko, physicien d’origine russe ayant participé au projet JET, se gausser des psys ! Alors que les deux premiers chapitres de la genèse les convoquent. Le Jésus de Tarassenko est quasiment magique. Mais en un coup de cuillère à pot ne fera jamais l’économie du chemin. Chemin au cours duquel, sans aucun doute, je me reconnaîtrait dans un des personnages honnis de la Bible ou de l’histoire, même récente. Toutes les fourberies dont nous sommes capables y sont exposées, en pleine lumière. Si j’ose dire ! Alors, si est quand on se reconnait, s’offrent deux choix : la justification avec tous les prétextes possibles, ou l’approbation. En ces termes : oui, c’est moi ! Non pas « c’était », mais c’est moi ! OUI! Ce qui implique l’acceptation du châtiment ! La mort ! Et vous ne pouvez pas vous l’appliquer vous-même, car cela reste de la libre volonté du Vieux. Puis je viens à la résurrection, celui que j’étais hier ou autrefois reste dans le tombeau. Ce qui peut donner ça : dire à la femme de son prochain, et en sa présence, qu’elle est belle comme un matin de printemps. Ce que je n’ai pas dit, ce que je convoitais son être à lui est ce détail n’est pas enfoui dans mon inconscient. Mon inconscient n’est pas une poubelle. Il est vrai que l’inconscient à plusieurs niveaux. Je ne me demande si le niveau le plus profond n’est pas au-delà du voile.
    Bonne nuit.

  5. Posté par Jac Etter le

    Merci pour cette analyse brillante, c’est un cadeau : la clef est offerte, la porte peut s’ouvrir et le travail commencer. Le seul salut pour nous-même et la société face à l’ignorance réside bien dans cette hygiène quotidienne d’exigence de vérité. Malheureusement votre sagesse, limpidité et discipline ne sont pas suffisamment courantes et trop souvent on croit comprendre et savoir, alors que l’on est qu’ébloui par ceux qui se prétendent « porteurs de lumière » et qui le sont effectivement….. Mais en latin.

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