Didier Burkhalter : les mots de trop

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant

« Le Conseil fédéral ne fait pas campagne, nous expliquons les enjeux ». Invité ce matin de la RSR, le président de la Confédération, répondant à une question parfaitement légitime de mon confrère Simon Matthey-Doret, a osé. Il a eu le culot, à 07.40h, de nous faire le coup de la campagne neutre et explicative, vieille légende éculée depuis des décennies, depuis le Delamuraz du 6 décembre 1992, depuis l’Ogi de la campagne pour les tunnels alpins (1992 aussi)…

Il a eu le culot de nous dire cela, un matin de grande écoute de janvier 2014, et nous, citoyens, devrions demeurer sans réagir !

Soyons clairs. Le président de la Confédération n’est pas un eunuque. Il a parfaitement le droit, comme ses six collègues, d’entrer dans l’arène lors d’une campagne de votation. Delamuraz l’a fait, il a tout donné, jusqu’à une partie de sa santé, il a sillonné la Suisse d’un bout à l’autre pour convaincre ses compatriotes de dire oui à l’Espace économique européen. Ne parlons pas d’Ogi, la même année, qui s’est transformé en infatigable commis-voyageur du Gothard et du Lötschberg, et il a gagné. Je ne vois, pour ma part, aucun inconvénient à ce que le Conseil fédéral, face à une initiative qui finalement remet en cause sa politique, fasse campagne pour défendre son point de vue.

Et vous faites campagne, M. Burkhalter. Plus que tout autre. Dès le le premier jour de l’année, dans vos vœux, vous avez annoncé la couleur. A l’émission Infrarouge, qui vous a servi la soupe pendant plus d’une heure, vous avez mené bataille. Ce matin encore, à la RSR, vous étiez le porte-flambeau du non à l’initiative contre l’immigration de masse. Je ne vous en veux pas de vous battre pour une cause à laquelle vous croyez, c’est pour moi l’une des fonctions les plus nobles de l’être humain. Mais je vous en veux infiniment de le nier, de vous draper dans cette pseudo neutralité explicative. Même les prêtres en chaire de la ma jeunesse, au moment de l’exégèse du texte biblique, ne nous cachaient pas que l’explication allait dans le sens d’une propagation de la foi. Ils le savaient, nous le savions, il n’y avait nulle duperie.

Vous êtes, M. Buskhalter, le chef du camp du non. Le chef d’un camp qui a pour lui le grand patronat, avec ses moyens titanesques, l’immense majorité de la classe politique suisse, le quasi-totalité des médias, à part la Weltwoche, votre serviteur et quelques autres. Vous avez décidé, au napalm, de gagner cette votation. C’est votre droit. N’ayant jamais reproché à Jean-Pascal Delamuraz, dont j’ai suivi la campagne de 1992 au jour le jour, d’entrer dans l’arène, je ne vous adresserai nul grief pour cela. Mais de grâce, Monsieur le Président, ne prenez pas les auditeurs de la RSR pour des idiots. Vous faites campagne, vous êtes un combattant, un belligérant dans cette affaire. Soyez gentils, ne nous faites plus jamais, d’ici au 9 février, le coup de la gentille explication objective et asexuée. Nous avons, vous et moi, fait pas mal d'armée. Nous savons que les couleurs doivent être affichées. Nul combattant ne se camoufle, en armes, dans l'ambulance à croix rouge.

Pascal Décaillet, Sur le Vif, 14 janvier 2014

 

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6 commentaires

  1. Posté par Edouard Tr. le

    Et ce n’est pas tout, préparez-vous à un certain Maudet dans l’ère post-Burkhalter. Changez les mêmes et on recommence. En bobsleigh dans l’UE, s’il-vous-plaît.
    Où sont les Philippe Müller romands au PLR, ras-le-bol de ces radicaux aux frontières de la sociale-démocratie.

  2. Posté par Antonio Giovanni le

    M.Burkhalter est, comme ses collègues du C.F. un homme sous influence, en cela on ne peut plus lui reconnaître l’indépendance politique que laConstitution suppose ; sont-ce encore les Suisses qui gouvernent le pays ou plutôt déjà la Commission européenne? Combien de lois nous sont-elles ditctées par des politiciens que non seulement nous n’avons pas élus, mais dont nous ignorons les noms et les attaches politiques? Ce OUI à l’initiative UDC donnera à cette C.eur une bonne idée que les Suisses se font de la démocratie vraie, et leur préférence pour celle-ci, plutôt pour sa réplique fallacieuse que diffuse l’Europe.

  3. Posté par certeny le

    La mauvaise foi de cet homme est révoltante… j’ose espérer que le peuple, les citoyens ne se laisseront pas abuser. Le Burkhalter et la majorité du CF n’ont aucune réponse à l’explosion de la violence et l’insécurité tout azimut jour et nuit dans les villes et villages… qui ose se promener tranquillement à la tombée de la nuit ? Et le bétonnage du pays pour loger les immigrants… 25% aujourd’hui de la population en Suisse… 80 000 par année… citoyens arrêtons ce tsunami qui détruit notre identité, nos valeurs !!

  4. Posté par Le pragmatique le

    Avec un tel pilonnage, le CF commence de plus en plus à douter de l’issue des votations.

    Proverbe russe: pour que la confiance dure, il faut que le mensonge soit solide.

  5. Posté par Ueli Davel le

    Excellente observation Monsieur Décaillet. J’ai été aussi étonné pour ne pas dire plus par le discour de M. Burkhalter. Lors de la dernière Arena, son style « cause toujours » et son sourir diplomatique en coin au dessous de tout soupcons ne m’ont guère convaincu mais auront certainement fait fureur dans le EMS, « Il est gentil le Monsieur ».

  6. Posté par colibri le

    si libre circulation est synonyme d’interdits en tous genres et pluie de taxes supplémentaires on peut se réjouir .Frontières ouvertes mais punitions garanties pour tous.Y’a comme qui dirait des relents qui sentent pas bons du tout c’est le moins qu’on puisse dire surtout en voyant le livre Mein Kampf reprendre l’ascenseur des ventes

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