EERV: crise de foi dans une église d’Etat

Joël Reymond
Ecrivain et journaliste freelance

92%, un score stalinien pour un vote sans surprise: une année après avoir avalisé le principe d’un rite religieux pour couples partenariés au sens de la loi, le Synode de l’Eglise réformée vaudoise (EERV) a fait entrer avec une écrasante majorité ce rite en vigueur, avec effet au 1er janvier 2014.

 

La presse généraliste a ça et là parlé de mariage homosexuel à l'Église, au grand dam des communicants de l'EERV. Selon ces derniers, les journalistes n'ont pas joué le jeu: il s'agit seulement d'un «rite» spécifique. On peut se demander qui est responsable de ce malentendu, à supposer que c'en fût un. Est-ce les journalistes qui connaissent mal leur sujet – c'est un fait pour ce qui concerne le religieux – ou est-ce l'EERV dont la démarche est trop subtile – voire jésuitique – pour être lisible?

 

Lot de consolation

Le Synode, qui se rassemblait les 8 et 9 novembre derniers, a au passage défini le mariage comme «l’union d’un homme et d’une femme», de manière à démarquer le rite nouveau vis-à-vis de la bénédiction de mariage, laquelle n'a aucune valeur civile et ne constitue pas, en régime protestant, un sacrement, faut-il le rappeler. Mme le Prof. Suzette Sandoz s'est félicitée, dans ces colonnes électroniques, de cette définition réformée vaudoise du mariage. Nous ajouterons à son analyse que la démarche paraît fragile. Pourquoi? Si la Confédération introduit demain un «mariage pour tous» comme en France, l'Eglise vaudoise sera à nouveau mise en demeure de s'aligner et donc de renoncer à sa définition conservatrice (ou judéo-chrétienne) du mariage. Car le rite religieux pour couples homosexuels a été introduit en s'appuyant sur l'argument selon lequel il revenait à l'Etat de définir ce qui est couple et ce qui ne l'est pas et qu'il revenait dès lors à l'Eglise d'Etat d'en prendre acte et de proposer un rite pour accompagner les pacs. La logique institutionnelle et juridique a primé sur la logique anthropologique et communautaire. Demain, la loi religieuse suivra encore la loi civile. On est en Pays de Vaud.

 

Pas de polémique cette année

Les réactions cette fin d'année sont de moindre intensité que l'an dernier, quand le principe d'un rite pour couples homosexuels a été accepté. Pas de sujet à la RTS, pas de polémique, pas de mobilisation d'opposants. Quelle est l'actualité alors?

La première concerne une dernière tentative de limiter le champ d'application du nouveau rite. Quatre délégués de la frange plus conservatrice de l'Eglise vaudoise ont tenté de faire reconnaître auprès des autorités de l'Eglise vaudoise la possibilité d'une objection de conscience pour les paroisses, telle qu'elle existe pour les pasteurs. Cette tentative devrait finir aux oubliettes, tant elle contrevient à la logique actuelle. Si un ministre ne peut, en son âme et conscience, célébrer un rite religieux pour couple homosexuel, il peut se faire remplacer par un collègue – il n'est pas un maire français. Mais si une paroisse refuse d'accueillir ce rite, elle crée par là un espace où la loi ecclésiastique ne s'applique pas, une espèce de village de Gaulois qui résiste encore et toujours. Rome ne saurait tolérer telle impudence.

 

Les opposants veulent travailler sur une confession de foi

Ensuite et d'après nos informations, les opposants à l'introduction du rite, qui se réunissaient en parallèle du Synode ailleurs dans le canton, ont décidé de se structurer davantage en mouvement organisé, en forme de lobby, et d'entreprendre un travail de réflexion pour attaquer ce qui est selon eux la racine des troubles actuels: l'absence de confession de foi dans l'Eglise vaudoise. Comment vont-ils opérer? En se dotant d'une confession de foi, c'est-à-dire en disant en quoi ils croient en tant que frange de leur Eglise tout en reprenant les anciens credo de l'Eglise historique.

Dernière actualité qui mérite également d'être relevée, les départs volontaires de fidèles invoquant précisément cette question de rite pour homosexuel, depuis une année, ont dépassé la centaine de personnes, dont une demi-paroisse entière dans une localité du Nord vaudois, dans une grande discrétion. C'est peu à l'échelle des protestants vaudois inscrits dans les statistiques fédérales, qui se montent toujours à quelque deux cent mille, mais largement supérieur au nombre de protestants homosexuels vaudois qui bénéficieront de ce rite dans les années à venir.

Joël Reymond

 

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Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme (pour l’EERV)

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La foi au vote

L’EERV et les couples homosexuels

Un commentaire

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    Depuis que le mariage a fonctionné dans la Rome antique comme un rite à caractère religieux, nulle part dans l’aire de la civilisation gréco-romaine on n’a eu l’idée de concevoir le mariage autrement que l’union, pour le meilleur et pour le pire, d’une femme et d’un homme; et d’y voir le seul et meilleur moyen de prolonger et d’augmenter la société humaine dans l’espace et le temps; les abus du bas empire on amené le Concile du Latran ((1215) à déclarer le mariage sacrement, c’est-à-dire que le geste humain était sanctionné aussi dans le Ciel (Matthieu XVIII 15-19 ; Jean XX 19-24); la première erreur, à mon humble avis de citoyen simple et modeste, est que l’Eglise protestante ne s’est jamais dotée d’un magistère; qu’elle a repris les définitions de l’Eglise catholique sans leur donner de sanction spirituelle contraignante, puisqu’elle s’est fait fort d’élaguer la doctrine catholique « des oripeaux du papisme » afin de revenir à la vraie foi; or, nul n’a jamais affirmé que la vraie foi entraînait la reconnaissance du mariage comme l’union d’un homme et d’une femme: c’était déjà ouvrir la porte aux abus d’aujourd’hui.
    Si le mariage n’est pas un sacrement … alors tout est permis!

Et vous, qu'en pensez vous ?

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