Pavane pour une Suisse défunte

Discours du 1er août de Nicolas Gagnebin, avocat à Genève, dans un cercle d’amis en privé devant 347 participants. Roboratif!

Discours du 1er Août

PAVANE POUR UNE SUISSE DEFUNTE

 

 

Chers Amis désespérés,

Chers Amants de la Vieille Suisse,

Chers Nostalgiques de Winkelried,

Chers Passionnés du droit des successions,

Chers Amateurs des résidences secondaires,

Chers Habitants des paradis fiscaux,

Chers Parents d’héritiers ruinés,

Chers Fiscalisés translucides,

Chers Habitants d’un Etat voyou,

 

Tout d’abord, je désire rendre hommage à mes Amis d’un soir, non pas ceux qui m’écoutent ici (et qui sont mes Amis de demain), mais tous ceux qui s’expriment en même temps que moi, à cet instant, je veux évoquer ces 2'485 maires de chaque Commune suisse, qui proclament leur motet patriotique annuel, même s’il a été rédigé par leur adjoint favori...

 

...Mes pauvres compatriotes : j’aimerais avoir assez d’aveuglement pour vous souhaiter une belle Fête Nationale et nous réjouir de vivre dans ce pays de paix.

Hélas, je ne peux que pleurer ma Patrie qui se délite et qui me fait amèrement conduire à vous faire cette confidence :

 

"J’AI MAL A MA SUISSE"

 

Il y a une quinzaine d’années, notre artiste national BEN présentait un tableau iconoclaste dans le cadre de l’exposition universelle de Séville, tableau qui annonçait en toutes lettres :

 

"La Suisse n’existe pas"

Grand bruit parmi les nationalistes de tout crin.

 

Or, BEN était démodé avant la lettre, car aujourd’hui son tableau s’intitulerait :

"La Suisse n’existe plus"

Vous m’accorderez en effet que depuis le dernier 1er août, tout s’abime, tout se gâte, tout coule, tout se dégrade ;

 

Rien ne s’arrange, rien ne s’améliore, rien ne progresse, rien n’est un mieux.

 

Chaque initiative est un pas en arrière, chaque innovation est un recul, chaque création est une destruction, chaque plus est un moins.

 

***

Les exemples fourmillent et chacun en connaît un bout sur la chanson. Je ne vous tirerai donc aucune surprise en évoquant :

-         Les cyclistes qui roulent en sens interdit, qui brûlent gaiement les feux rouges et qui ne sont jamais amendés, fruit d’une tolérance étatique en vue de s’approprier le domaine public par une situation d’acquis irréversibles ;

 

-         Les rues toutes (bientôt) piétonnes, qui nous empêchent de traverser efficacement la Ville, dans le seul esprit de l’intolérable convivialité de quartier dont la circulation fait les frais ;

 

-         Le méga-pharaonique chantier maximum du CEVA, au coût de milliards, évidemment déjà dépassés, qui étouffe la circulation pour une dizaine d’années encore ;

 

-         Le groupe terroriste de Roms-cambrioleurs, qui œuvrent librement en toute illégalité et ont même trouvé des défenseurs professionnels pour prôner leurs droits à clamer leur prétendue misère et à  la montrer sur les trottoirs ;

 

-         Le spectacle environnemental consternant sur notre Salève protecteur, qui devient, année après année, le décor agressif d’une carrière en perpétuel renouveau.

 

 

Voilà pour les excès insupportables de notre Genève qu’on a aimé trop fort et qui dérive sous une médiocrité imposée, la seule qui plait et qui émane d’une armée de fonctionnaires sans culture.

 

Rien ne survit à ces constats terrifiants et avilissants : seul notre Jet d’eau fait encore face et pointe la fierté de son envol, que d’aucuns ont cependant essayé de peindre en couleur : banalité oblige.

 

Même notre horloge fleurie n’échappe pas à la dégradation esthétique : de nouvelles aiguilles, grosses et lourdes, ont remplacé les anciennes, qui étaient trop élégamment dessinées pour subsister au temps.

***

Si, dans un élan audacieux, l’on franchit le rubicond de la Versoix, et que l’on s’élève jusqu’à Berne, l’on assiste alors au terrifiant spectacle du désastre helvétique face aux velléités internationales. Nos partenaires économiques d’hier se sont tous alliés pour nous expulser de la carte financière et se servir de notre réussite, pour cacher leur déficience de gestion et remplir leurs caisses en péril.

 

D’un côté, les Etats-Unis hypocrites, qui sont à l’origine de cette crise infâme des Subprimes et qui nous mettent aujourd’hui à genoux sous prétexte de rectitude moralo-fiscale, en glissant consciencieusement sur l’existence de leur Delaware si judicieusement pratique.

 

De l’autre côté, l’Europe, qui, sous le même prétexte de santé éthique, vient tranquillement piller chez nous les coffres de leurs ressortissants, en glissant eux aussi sur l’examen de conscience qui aurait consisté à se rendre compte que notre prétendu statut de paradis fiscal n’est qu’une réponse à l’enfer fiscal qu’ils ont eux-mêmes créé chez eux.

 

Et voici même que nos anciens Amis français piétinent de vieux accords sur l’autel du gain facile, en mettant à néant la solidité de nos principes essentiels de vie qui datent de 727 ans.

 

En effet,, sont mises en cause nos notions les plus sacrées, comme l’Indépendance et la Souveraineté étatiques, bases de notre démocratie, qui sont remplacées par les pires maux qui soient pour la sécurité du droit : la rétroactivité des lois et l’intrusion des juges extérieurs.

 

C’est l’essence-même du pacte de 1291 qui est en péril, sous le prétexte fallacieux de transparence, nous conduisant à être considérés comme des criminels-voyous, et nous faire passer, aux yeux du Monde, pour des complices à de prétendues illégalités créées pour l’occasion.

***

Oui, j’ai mal à ma Suisse.

 

Mais j’ai mal car, à cette situation d’agression internationale, s’ajoute le constat insupportable que nous sommes descendus plus bas encore que là où nos anciens alliés pensaient nous attirer.

 

A notre grande surprise, nous avons dû constater que nos autorités fédérales, au lieu de se battre et  se dresser sur leurs ergots magnifiques, en collant au mandat qu’ils ont reçu du peuple, se sont couchés avant même qu’on leur demande de s’asseoir.

 

Faisant la démonstration d’une passivité plus que coupable, nos Conseillers fédéraux ont renoncé à lutter, ont accepté toutes ces mesures extérieures au prétexte d’être de notre  temps, de coller à l’actualité, trahissant la Suisse, les Suisses et leurs élus, dans un irrespect de tous ceux qui, avant eux, ont travaillé dur, ont bâti notre solidité et ont participé au succès de notre pays.

 

D’où vient cette nouveauté de rompre sans combattre, de plier face au diktat étranger, répondant oui et présent à chaque sollicitation qui nous affaiblit, pas après pas, jusqu’à constater une défaite programmée face à ce qu’il convient d’appeler une véritable Guerre économique.

 

Quelle honte d’être traités d’escrocs, d’assister muets au non-respect de ce qui était loi jusqu’ici, de subir les regards accusateurs qui portent au pinacle ce que nous jetions hier  aux orties, allant jusqu’à transformer des traitres à leurs employeurs bancaires en honorables "lanceurs d’alerte" qui paradent sous couvert d’éthique.

 

Même le chef de notre Etat, partie signer à Paris une capitulation annoncée, cette pauvrette d’Eveline WIDMER-SCHLUMPF, a accepté l’humiliation suprême de faire antichambre une pleine demi-heure, avant qu’un Ministre, qui n’est même pas son homologue, veuille bien l’appeler par son prénom et la cajole d’un air protecteur en salivant de plaisir devant sa signature contrainte.

***

J’APPELLE A LA REVOLTE, au bannissement de notre Conseil fédéral, mou, gris, et inconscient, qui fait rentrer sous terre ses concitoyens terrorisés et qui se cachent bientôt pour mourir.

 

Alors quoi ?

 

Il y a 22 ans, ici-même, je clamais mon admiration basique mais sincère à notre Suisse chérie, devant ce même public, lors du 1er août 1991, qui fêtait le 700ème anniversaire de sa création.

 

Ce soir hélas, je crache ma tristesse, ma honte et ma stupéfaction.

 

Que faire devant cette tragique situation ?

***

Il nous faut en effet réagir, parier sur l’essentiel de nos forces, celles que personne ne nous enlèvera jamais.

 

Ces forces reconnues sont la recherche de pointe, la créativité de nos Pharma, l’industrie performante, l’innovation médicale, la réussite de l’EPFL.

 

Plutôt que de soutenir nos politiciens transparents, misons sur des hommes d’exception, soyons publiquement fiers d’eux et louons leur esprit constructif : nos BERTARELLI fantastiques, AEBISCHER magnifique, HERZOG & de MEURON créatifs, HAYEK Juniors bouleversants, PICCARD audacieux et tous ceux qui nous entrainent dans leur enthousiasme.

 

Revenons aux bases de notre Etat en marche depuis 1291, constitué d’hommes fiers et combattifs, indépendants et libres, dont le principe de la démarche était :

"L’union fait la force"

 

Cette association de forts montagnards courageux, sur une petite prairie sinistre au Grütli, se serrèrent les coudes pour

-         résister à l’envahisseur,

-         se promettre secours mutuel

-         et garantir l’indépendance de leurs juges.

 

Serrons les rangs, Amis, agissons pour démontrer que nous ne sommes jamais meilleurs que dans la lutte, pas celle au caleçon qui fait notre fierté du dimanche, mais la lutte du quotidien, selon cet effort constant qui faisait, jusqu’ici, l’admiration universelle : notre force de travail, notre exigence de qualité, notre acharnement à "bien faire".

 

Ainsi, en 2091, pour le 800ème anniversaire de notre constitution, nous le fêterons la tête haute, après avoir prouvé que l’attachement à nos valeurs anciennes est le gage de nos succès futurs.

 

Alors, nous pourrons clamer  à nouveau, comme il est écrit dans notre Pacte d’il y a 722 ans, toujours d’actualité :

Vive la Suisse et que Dieu la protège.

                                                                               

 

J’ai dit

Nicolas Gagnebin

3 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    « … nos anciens Amis français… » Anciens ? mais depuis quand donc ? Aveu stupéfiant d’innocence! Quand et combien de fois les Français se sont-ils, de prédateurs assoiffés d’or facile, mués en amis de pleine sollicitude envers leurs voisins de Suisse? Leurs agissements n’ont pas changé de mémoire de Suisse; et d’ailleurs, eux-mêmes ne se souviennent plus ni de Bourbaki et de son armée, ni du pauvre Daille et de sa division, à peine d’Henri Dunant! Lorsque la France reconnaîtra publiquement, sincèrement et non sur le ton de la flagornerie dithyrambique d’un Villepin à l’ONU, TOUS les services reçus de la Suisse, et jamais rendus, alors je me pencherai sur la qualité d’amical de notre rude voisin; pour l’heure je ne vois qu’un voisin hargneux et impécunieux, jaloux de notre herbe plus verte.
    Vive la Suisse!… même si je ne reconnais plus celle où il me souvient d’avoir grandi.

  2. Posté par DUTRUEL MARTINE le

    Cher Maître,
    Comme d’habitude vous êtes excellent. C’est si vrai. J’ai à l’esprit une phrase du Général du Gaulle qui disait : Comment voulez-vous gérer un peuple de moutons…
    Avec mes meilleures salutations

  3. Posté par Georges Dousse le

    Bravo ! je souscris à cette révolte pacifique, soyons fier de ce que nous sommes.
    Nous n’avons vraiment pas de leçon à recevoir d’autres états ni de leurs chefs fantoches.
    Georges Dousse, Genève

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