La Tribune de Genève revient sur l’affaire Bartholomé Tecia

Dans un article paru hier sur son site internet, la Tribune de Genève réagit à l’article des Observateurs.ch sur la pose de la plaque épigraphique faisant mémoire du jeune Bartholomé Tecia.

Dans un article intitulé "Bartholomé Tecia, victime de l'homophobie pas si innocente que ça?", le quotidien du bout du lac répond à l'article des Observateurs, publié il y a quelques jours, "Affaire Tecia: la géométrie des certitudes".

Après un bref exposé de l'article et une courte interview du Pr Uli Windisch, l'on peut lire la réaction de Mme Franceline Dupenloup, responsable du domaine égalité au Département de l'instruction publique de la culture et du sport du canton de Genève, en ces termes:

"Au Département de l'instruction publique, Franceline Dupanloup (1), en charge des questions d'homophobie pour l'Etat de Genève, ne partage pas la lecture de l'histoire genevoise proposée par le site lesobservateurs.ch. Bartolomeo Tecia a été torturé et condamné à la noyade pour crime de sodomie, pas pour contrainte sexuelle à l'égard des plaignants. Or c'était à l'époque la manière de qualifier les homosexuels. L'hommage qui est rendu à Tecia par la Ville de Genève, auquel l'Etat s'est associé, veut rappeler qu'aujourd'hui encore des hommes et des femmes de part le monde sont poursuivis et condamnés en raison de leur orientation sexuelle. Francine Dupanloup soutient la proposition d'inscrire l'homophobie dans l'article 262 bis (2) du code pénal au même titre que le racisme ou l'antisémitisme."

Sous réserve d'une lecture plus approfondie des sources et de la comptabilité de la ville de Genève au XVIe siècle, la certitude de l'exécution de la sentence, quoique plus que vraisemblable, n'est pas pleinement avérée en ce qu'elle n'est corroborée par aucune autre source objective. Testis unus testis nullus, auraient pu dire d'aucuns. Un degré d'incertitude supplémentaire recouvre la question de l'exécution de la torture. Enfin, si la mention du terme "sodomie" paraît éveiller chez Mme Dupenloup la conviction d'une intention spécifique de rejet institutionnel de la République de Genève à l'endroit de la communauté homosexuelle de l'époque - chose dont nous nous garderons bien de juger faute d'éléments concrets en notre possession - il ne fait aucun doute que les dépositions des victimes font état de tentatives de viol et de contraintes sexuelles (3). Ce sont ces faits, lesquels ne paraissent pas contestables en l'état des sources disponibles, qui sont recouverts par le terme "sodomie" dans l'acte d'accusation et non, en premier lieu, une appartenance communautaire qui découlerait de l'orientation présumée de Bartholomé Tecia.

Sur son site, la ville de Genève renvoie à une étude tendant à démontrer que:

"Le terme de sodomie désigne une relation sexuelle anale entre deux hétérosexuels, mais il englobe également la masturbation, les relations homosexuelles masculines ou féminines, le viol d’un jeune garçon impubère ou encore la « bestialité »."

L'interprétation de Mme Dupenloup selon laquelle le terme de "sodomie" aurait été un euphémisme légal à seule fin de qualification d'une homosexualité délictuelle paraît, par conséquent, fortement improbable.

LesObservateurs ne se réjouissent pas de la condamnation de Bartholomé Tecia et conservent le secret espoir qu'il ait pu s'enfuir à Lyon au même titre qu'Agrippa d'Aubigné - non pour échapper à la justice mais au moins à la mort - ou encore que sa peine ait été commuée; ce qui paraît toutefois peu probable au vu de la mentalité genevoise de l'époque. LesObservateurs n'ont pas voulu contester par leur article que "des hommes et des femmes de part le monde sont poursuivis et condamnés en raison de leur orientation sexuelle", bien au contraire, et ne se prononcent pas, dans le cadre de cette discussion, sur la modification de l'art. 261 bis du code pénal.

LesObservateurs se sont contentés d'énoncer des faits, fondés sur la lecture et la compréhension des archives d'Etat de Genève, rien de plus. Mme Dupenloup n'est pas historienne, elle n'a pas lu les archives, elle a une revendication politique, lesObservateurs, dans le cas présent, sont tout le contraire.

 

Source

 

(1) Lire Dupenloup.

(2) Lire 261 bis.

(3) Aux termes du droit suisse actuel un homme ne pas être littéralement violé.

3 commentaires

  1. Posté par Un autre pragmatique le

    Merci a la redaction pour votre reponse.

  2. Posté par Un autre pragmatique le

    Je suis sidere, je ne savais pas qu’en Suisse je pouvais me faire violer et que ca n’est pas punissable par le code penal! Est ce qu’il y a eu des cas en Suisse ces dernieres annees? A quel titre y a t’il eu des condamnations?

    [La Rédaction: Il y aura condamnation au titre de contrainte sexuelle (art. 189), mais l’art. 190 du code pénal, qui qualifie le viol, dit explicitement « Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel…« . Qui sait, un jour, peut-être, les hommes accéderont-ils enfin à l’égalité.]

  3. Posté par Nicolas Popoff le

    C’est tout à votre honneur que d’opposer une démarche fondée sur la recherche et intellectuellement articulée à une revendication politicienne et partiale.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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