Gay-Pride 2013: petites manipulations entre amis

Quelques légères distorsions apparaissent dans le traitement médiatique de la Gay-Pride de samedi dernier, à Fribourg. Ou quand le travail de certains confrères s’apparente de plus en plus à un exercice politique.

La couverture de la Gay-pride 2013 n'est pas franchement à l'honneur de son principal auteur, l'Agence télégraphique suisse (ATS). Le choix des mots, celui des photos, est très clairement monté sur l'horizon d'attente de l'affrontement: deux visions du monde forcément ennemies, plutôt que contraires, et qui ne peuvent entrer en dialogue. Le lecteur doit savoir qu'une fois que l'une de ces agences de presse a rendu sa sanction, la dépêche est reprise de façon systématique, pour ne pas dire informatique, par les médias abonnés et ce sans une once d'esprit critique. Ainsi, des titres tels que "Des prêtres intégristes perturbent la Pride 2013 à Fribourg" et des termes dénonçant des prêtres "en embuscade", qui ne plaident en aucun cas pour l'impartialité de l'ATS et trahissent même un léger penchant, sinon un réel parti pris, se sont retrouvés dans tous les médias du pays.

 

Histoire d'une construction

Ce déséquilibre ne s'est pas fait spontanément, mais semble avoir été le résultat d'un processus de lente édification: Le samedi 22 juin, en fin d'après-midi, le site de la RTS publie le communiqué de l'ATS intitulé "Quelques heurts en marge de la Pride 2013 à Fribourg". Ledit communiqué comporte déjà l'histoire des soutanes en embuscade, de la lettre envoyée par le supérieur de la Fraternité saint Pie X à l'évêque de Fribourg, Mgr Charles Morerod, et du "gloria parodié" entonné par les "soeurs de la perpétuelle indulgence", un groupe homosexuel d'obédience californienne à vocation de parodier les symboles du catholicisme. Le texte précise encore:

"Le cortège, de retour à Fribourg après quatorze ans d’absence, a rassemblé près de 3000 personnes. Les spectateurs étaient largement plus nombreux."

Dès 19h, le titre de l'article, sans doute insuffisant pour le but recherché, est changé en un "Des prêtres intégristes perturbent la Pride 2013 à Fribourg" autrement plus dramatique. Article dont il ne reste plus trace en ce qu'il est "écrasé", au matin du dimanche 23 juin, par la version actuelle, qui modifie la dernière phrase et rajoute un encart ("Le cortège, de retour à Fribourg après quatorze ans d'absence, a rassemblé près de 12'000 personnes (lire ci-dessous).") L'encart dit ceci:

"QUELQUE 12'000 PERSONNES

La Pride a attiré environ 12'000 participants et spectateurs samedi après-midi à Fribourg, selon les organisateurs et la police. La manifestation destinée à lutter contre l'homophobie s'est déroulée sous le soleil et dans la bonne humeur."

C'est la version officielle, moins cruellement éloignée des 25'000 personnes d'il y a 14 ans (sur trois jours): 12'000 personnes et des curés "en embuscade".

 

La vérité est ailleurs

Surprise totale dans un cas que les médias veulent à tout prix présenter en guerre de tranchée, les versions des uns et des autres concordent; à quelques détails près cependant sur la question des chiffres. La seule chose qui semble ne varier en rien est le respect mutuel dont font preuves tant les autorités de la Pride que celle de la Fraternité saint Pie X.

Interrogé par Les Observateurs, l'abbé Henry Wuilloud, supérieur pour la Suisse de la Fraternité saint Pie X, a apprécié que lui soit conservée la liberté de manifester, malgré un préavis négatif de la police, sous la protection du service de sécurité de la manifestation, mais plus encore la franche discussion menée avec les responsables du défilé comme avec diverses personnes présentes dans l'assistance. L'abbé Wuilloud a bien mentionné les quelques huées dont les contre-manifestants, qui brandissaient des pancartes en faveur de la défense de la famille, ont pu faire l'objet, mais sans jamais considérer la chose comme un drame, ni même comme une gêne.

De leur côté, MM. Alexandre Robatel, coordinateur de la Pride, et Jean-Gaëtan Tardino, vice-président et responsable de la sécurité ont, tenez-vous bien... remercié la Fraternité saint Pie X de sa présence et de sa participation. Jean-Gaëtan Tardino est allé à la rencontre des contre-manifestants pour leur signifier que leurs droits seraient respectés et que la présence du service d'ordre n'était là que pour assurer leur sécurité. Il a aussi déclaré avoir apprécié le comportement "tout à fait correct" de la Fraternité saint Pie X, qui a communiqué, par écrit et à l'avance, le lieu et la nature de sa contre-manifestation. "Ils ont respecté ce qu'ils ont dit, ils sont restés à prier, silencieusement, sur le bord du trottoir", ajoute Jean-Gaëtan Tardino.

C'est alors, avec une franchise rare et qui détonne de celle de nos médias, que le responsable sécurité de la Pride reconnaît quelques très légers débordements de la part de participants de la Gay-Pride:

"Je remercie la Fraternité saint Pie X d'être restée tout à fait digne, ce qui n'a pas tout à fait été le cas, parfois, de notre côté",

allusion aux huées, doigts d'honneur et jet d'une canette de bière qui a, par chance, manqué sa cible, et dont le responsable a d'ailleurs été immédiatement écarté du cortège par le service de sécurité. Une honnêteté et une clarté qu'il convient de saluer ici. Pas de bataille rangée, donc, et la satisfaction du travail bien fait pour Jean-Gaëtan Tardino.

MM. Robatel et Tardino regrettent encore la focalisation de certains médias sur les contre-manifestants et les aspects essentiellement voyants du défilé, pour reconnaître, notamment, que "bien qu'elles aient toutes leur place", les "soeurs de la perpétuelle indulgence" ne sauraient être représentatives de l'image de la Pride.

 

Les chiffres

Alexandre Robatel reconnaît, dans un sourire, ne pas avoir effectué de comptage pour éviter, dit-il, d'avoir des chiffres tels que "12'000 selon la police, 250'000 selon les organisateurs". Jean-Gaëtan Tardino en a effectué une ébauche qui l'a porté à près de 15'000.

Le chiffre de 3'000 évoqué par les médias semble avoir été inspiré par les attentes déclarées la veille. Jean-Gaëtan Tardino évalue à 5'000 le nombre de participants actifs réunis sur la place de l'Equilibre, en début de cortège. Le village festif, censé accueillir au moins 3'000 personnes, a souvent été plein. Le chiffre de 12'000 est donc bien celui de la police cantonale de Fribourg. La méthode de la police est celle-ci: le chef d'engagement définit une zone de comptage, un agent seul compte le nombre de manifestants sur une distance donnée (20 mètres), puis le chiffre est multiplié par la distance totale de la zone. Enfin, le résultat final est comparé au chiffre des organisateurs. Selon M. Tardino, 12'000 serait la résultante moyenne entre 10'000 et 15'000.

Dans l'esprit, il est permis de penser que la correction subreptice des médias, dans la nuit de samedi à dimanche, de 3'000 à 12'000, ait eu pour but d'assimiler la masse des curieux à une adhésion pleine et entière au message de la Pride. Une interprétation que conteste le supérieur de la Fraternité saint Pie X:

"Dans le cortège, nous avons compté deux vagues de 600 personnes. Soit 1'200 personnes et certainement pas plus de deux mille en tout".

Samedi après-midi, en centre-ville, par beau temps, il y avait du monde. L'abbé Henry Wuilloud affirme que les badauds étaient loin d'être tous acquis à la cause du défilé, il y a eu beaucoup de débat, "certains nous ont même félicité", a-t-il encore déclaré.

Jean-Gaëtan Tardino relativise aussi cette impression, tout en admettant que la population fribourgeoise a réservé majoritairement un accueil favorable et a profité de la fête; une fête plutôt qu'une manifestation de revendication.

 

Relativiser

Le relativisme et une certaine bonhomie sont ce qui marque le plus dans le discours du vice-président de la Pride, qui reconnaît lui-même volontiers que toutes les opinions ne sont pas "monolithiques" dans le mouvement, que les gays n'ont pas toujours motif de se plaindre, et se félicite en passant qu'ils ne soient pas majoritaires, "parce qu'il faut quand même poursuivre la civilisation", comme d'avoir été aussi bien traité par les autorités que pour un "défilé de vaches"; une Poya, tout un symbole à Fribourg.

Il serait faux de croire que ce calme et cette paix relative ont été gagnés sur un consensus mou. Dans sa lettre à Mgr Morerod (exclusivité LesObservateurs), la Fraternité saint Pie X emploie des termes très directs pour étayer le grief qu'elle formule à l'endroit de la Gay-Pride et de ce qu'elle symbolise, mais elle souligne aussi son intention de se garder "de juger quiconque" et, surtout, de tout faire pour tenter "de dialoguer". C'est sans doute cela la vraie tolérance, la faculté de ne rien changer à son idée et la défendre sans attenter à la vie ou à l'intégrité de quiconque.

A mille lieues de la vision fracturée qu'ont voulu produire certains médias, force est de constater que les deux parties sont parvenues à se rencontrer et à se parler et que, aussi surprenant que cela puisse paraître, elles ont toutes deux progressé l'une vers l'autre. L'histoire de la rencontre de ces deux tendances, à l'occasion des Gay-Pride, ne date pas d'hier, c'en est presque devenu une tradition. En 2005, un responsable de la Gay-Pride de Lucerne, sous le pseudonyme de "Sami Mayer", avait appelé à une expédition punitive sur le séminaire d'Ecône au jour des ordinations sacerdotales... Les temps changent, les médias devraient peut-être en faire autant.

 

Interview de M. Jean-Gaëtan Tardino, vice-président et responsable sécurité de la Pride Fribourg 2013.

2 commentaires

  1. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Si j’en juge par les photos je ne vois aucun sujet de fierté! Aucun! Si la fierté était de démontrer que l’on peut être attaché à une personne de même sexe tout en étant droit, intègre, fidèle, honnête, bon, cultivé et intelligent, je m’incline volontiers! Mais force m’est de constater qu’aucune pride ne va dans ce sens! J’ajoute que j’ai aussi de quoi être fier! Et que nul humble n’éprouve la nécessité d’étaler ses vertus sur la place publique.

  2. Posté par pepe le moko le

    ils commencent a me gonfler.
    je suis contre le mariage entre homos et leurs exhibitions indécentes telles que les gay-prides et l’ on me taxera d’ homophobie, bientôt punissable.
    Je suis contre l’ islamisation de nos sociétés occidentales et les accomodements que nous devrons de plus en plus pratiquer au nom de la tolérance.
    Je fait donc preuve d’ islamophobie, bientôt réprimée par le code pénal ?

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