Vaste farce

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La vidéo-surveillance devient la vidéo-protection avant de se changer bientôt en vidéo-verbalisation. Autant de trouvailles censées épargner l’investissement de nouveaux effectifs sur le terrain et qui finissent par se tailler une rentabilité certaine sur le dos des honnêtes citoyens, ayant plaque d’immatriculation et pignon sur rue, qui menacent dangereusement la sécurité des places de stationnement.

La nouvelle tombe quelques jours à peine après l'annonce d'un projet-pilote de vidéo-verbalisation en plein Paris, Genève veut se mettre à la... vidéo-protection. Vidéo-protection, nouvel euphémisme en date pour signifier au citoyen que la mise en place d'une caméra tous les 20 mètres et d'un radar tous les 5km n'a pas pour but de les surveiller, bien sûr, mais de les protéger.

La vidéo-surveillance, coûteuse et inefficace, selon un récent rapport la cour des comptes en France, est loin d'avoir fait ses preuves en matière de sécurité. A mille lieux d'être dissuasives, les caméras déplacent le problème et ne font qu'inciter les criminels à toujours plus de prudence et de dissimulation. Seuls ceux qui n'ont rien de particulier à cacher seront finalement "attrapés" par la vidéosurveillance. En Suisse, la situation est encore plus entamée: le 8 février 2012, le Nouvelliste apprenait à une population ébahie que le Ministère public du Valais central ne disposait toujours pas du logiciel nécessaire au visionnement des vidéos des caméras de surveillance installées plusieurs années auparavant en gare de Sion.

L'installation de caméras de surveillance s'est toujours immanquablement accompagnée d'un désengagement des effectifs de police dans les collectivités surveillées, lequel a eu systématiquement pour effet un accroissement de la criminalité. La chose s'est vérifiée, notamment, en ville de Sion, où le nombre d’infractions traitées est passé de 11’661 en 1996 à 18’699 en 2011, soit un ratio de 42.82 affaires pour 1000 habitants en 1996 contre 49 en 2011, soit 1 crime toutes les 42 minutes en 1996 contre un toutes les 28 minutes en 2011. En 2011, 41.1% de ces actes criminels ont été commis en Valais central qui compte pourtant deux des trois communes équipées. Moralité, les caméras sont là pour la surveillance, pas pour la sécurité.

Pour la sécurité, il faut des hommes qui s'investissent, des policiers qui patrouillent à pied, des citoyens vigilants qui se soutiennent, des législateurs qui prononcent des lois fermes et des juges qui sachent les lire pour les appliquer. La sécurité semble devenue le seul domaine relatif aux activités humaines où l'homme est prié de ne plus s'engager. Il ne viendrait à personne l'idée de remplacer ,dans le cadre de l'éducation d'enfants, les enseignants ou les parents par des caméras (en Angleterre, les caméras parlent et peuvent même vous engueuler si vous jetez un papier par terre), il faut des hommes, des adultes, qui se donnent à leur tâche. Maintenant, si la police publique ne sent plus d'accomplir la sienne, qu'elle le dise, personne n'est irremplaçable.

La seule et unique utilité des caméras réside en fait dans la constitution d'un témoignage imparable devant les dénégations d'un prévenu. Mais la loi genevoise est tout sauf adapté qui demande la suppression des fichiers vidéo dans un délai de 7 jours. Or, ces 7 jours, ne correspondent pas même à 8% du délai de 3 mois normalement imparti pour un dépôt de plainte en matière pénale. Dans certains, comme le viol, ou lorsque la victime a été empêchée de poser plainte, le délai peut encore être plus long. 7 jours, c'est parfois le temps qu'une victime met à sortir de l'hôpital. Or, passé ce délai, les preuves sont effacées. Sans cette garantie de l'effacement, la vidéosurveillance devient une accumulation de données sensibles à la Big Brother, mais c'est précisément cette garantie qui entérine l'inutilité institutionnelle des caméras de surveillance.

La solution serait peut-être dans le port de chacun d'une caméra individuelle (la fameuse Dashcam des automobilistes russes, la police française s'y est d'ailleurs mise) mais il faut savoir encore que le développement de la surveillance d'Etat s'accompagne toujours d'un refus croissant de l'Etat de se voir surveiller, et pour cause.

 

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