La Suisse et les crimes nazis: Le grand rituel de la repentance

« Etant donné les multiples excuses déjà fournies par le passé, suivant la logique exposée, il n’y a rien de plus contreproductif à continuer ces lancinantes jérémiades sur le passé ».

S’il ne s’agissait pas d’un domaine aussi sérieux que la gestion d’un pays, le fonctionnement de notre petit monde politico-médiatique pourrait servir de fil rouge au scénario d’une comédie des plus tordantes. Imaginez qu’il suffit que notre président de la confédération ne cède pas à cette vieille tradition ethnomasochiste éculée de la repentance à tout va pour que l’ensemble du microcosme concerné s’agite, pousse des cris d’orfraie et se tortille dans tous les sens.

Et oui, Ueli Maurer a osé présenter la Suisse de la seconde guerre mondiale sous un jour positif, et ce à la barbe des Bergier, Jost et autres historiens absolument pas idéologisés (puisqu’on vous le dit…) de tous poils. La réaction ne s’est pas faite attendre et a fusé, les médias pas non plus idéologisés (puisqu’on vous le redit…) ont dégainé, le brave Ueli s’en est pris pour son grade.

Le scandale fut si grand à gauche, pardon chez les amateurs d’histoire critique et scientifique, qu’immédiatement une courageuse conseillère fédérale prit le relais et s’applaventra majestueusement. L’honneur des résistants au fascisme, aux heures les plus sombres de notre histoire et toute autre formule incantatoire du style était sauf ! On avait eu chaud !

Plus sérieusement, il serait quand même temps de brancher le cerveau sur on et de pousser la réflexion un tout petit peu plus loin que ce que les réflexes pavloviens inculqués par certains médias nous ont donné l’habitude. Il ne s’agit pas ici de savoir qui a raison et quelles sont les réelles responsabilités de la Suisse dans le drame vécu par de nombreuses personnes durant le dernier conflit mondial. Débattre de cela n’est pas le propos de ce billet.

Repentance et pardon…

Non, il y a plus intéressant. Lorsqu’on fait repentance, qu’on exprime des regrets pour quelque chose que l’on aurait fait de mal dans le passé, quelque part, c’est qu’on cherche à s’en faire pardonner. On a pris conscience d’une faute, on s’en veut, on ne recommencera plus à l’avenir et on demande à celui qu’on a lésé de nous accorder une seconde chance. Si celui-ci a une certaine grandeur d’âme, il nous pardonne et on recommence à regarder vers l’avant ensemble au lieu d’éternellement revenir sur le même souci, sans quoi cette démarche n’a aucun sens. Il n’est nullement question d’oublier quoi que ce soit, simplement de changer son regard pour avancer.

Partant de là, admettons donc un instant que les historiens, fort critiques au sujet de la Suisse de la deuxième guerre mondiale aient raison : étant donné les multiples excuses déjà fournies par le passé, suivant la logique exposée, il n’y a rien de plus contreproductif à continuer ces lancinantes jérémiades sur le passé. A moins bien sûr que notre interlocuteur ne nous ait pas pardonné. Auquel cas, il faudrait admettre que la communauté lésée à l’époque ne fait pas vraiment preuve de beaucoup de grandeur d’esprit. Dans ce cas, il serait vain également de continuer à pleurnicher. Franchement, qui d’entre vous continue à s’excuser éternellement auprès de quelqu’un qu’il a lésé ? Il y a nécessairement un moment à partir duquel vous allez faire une croix dessus et passer à autre chose. Sans quoi il va falloir songer sérieusement à aller consulter un psy pour passer outre ce blocage. Et si ce raisonnement est valable pour les individus, il n’y a guère de raison pour qu’il ne s’applique pas aux dirigeants d’une communauté.

Un symposium ou une réunion de pleureuses ?

Outre ce premier aspect, on peut également s’interroger sur les conditions dans lesquelles Mme Sommaruga a effectué son spectaculaire plongeon ethnomasochiste. D’après la presse, notre conseillère fédérale s’est exécutée lors d’un symposium tenu au sujet de l’asile. Permettez qu’on s’interroge sur l’utilité de ressasser le passé dans une réunion de spécialistes. Qu’est-ce que l’expression des regrets de notre conseillère fédérale a bien pu apporter au débat ? Quelles pistes de travail, hypothèses ou autres solutions concrètes au lancinant problème de l’asile a bien pu surgir des dires de Mme Sommaruga ? Honnêtement, il n’y en a aucune possible et donc, on peut estimer que ce discours n’avait aucune utilité dans le cadre de cette conférence. A moins bien sûr que les journalistes n’aient complètement occulté le reste d’un discours magistral auquel cas, on peut s’interroger sur leur manière d’informer. Quant à l’aspect purement cérémoniel de la chose, on ne voit pas bien non plus en quoi ces dires peuvent bien servir à souhaiter la bienvenue aux participants ou autre formulations types propres à ce genre de fonction.

Et notre image à l’étranger alors ?

Il y a enfin un troisième aspect qui mérite d’être réfléchi au sujet de cette polémique : bien souvent, lorsque certaines décisions sont prises ou simplement certaines paroles exprimées, on assiste à l’envolée lyrique de certains journalistes et autres hommes politiques se lamentant sur les conséquences du fait concerné sur l’image de la Suisse à l’étranger. Les besoins de l’industrie du tourisme servent alors de paravent pour masquer l’absence totale de pensée sous tendant la critique. Appliquons donc ce raisonnement au problème qui nous concerne : comment une personne normalement constituée, hésitante pour ses futures vacances, va-t-elle réagir devant les démonstrations de haine de soi dont nous sommes accoutumés ? Si comme le prétendent certains, l’interdiction de minarets peut donner l’image si peu attrayante d’une Suisse fermée sur elle-même qu’elle en deviendrait un repoussoir pour le touriste potentiel, que pensera ce même touriste d’un pays toujours honteux de lui-même et pleurnichant pour tout et pour rien ? Qui d’entre vous est attiré par une personne qui rumine son passé à longueur de journées et passe son temps à s’excuser ? Bien évidemment personne ou presque ! Alors imaginez ce qu’il en est pour des populations qui viennent d’endroits dans le monde où l’on est fier de ce que l’on est, l’ethnomasochisme est une composante que l’on ne retrouve qu’en Europe occidentale. Pas besoin de vous faire un dessin…

 

3 commentaires

  1. Posté par Géo le

    Vous aurez certainement entendu Serge Klarsfeld ce soir 10 février dans « forum » sur RTS 1. Y en a qui se sentent moins fiers ce soir…

  2. Posté par Antonio Giovanni le

    Et au moins, pendant qu’on ressasse sur les crimes du nazisme, on n’entend pas de critiques sur les crimes parallèles, quasi symétriques du communisme; à la seule différence des millions de victimes de l’un et des millions de l’autre; ce qui reste historique est que le nazisme s’est arrêté en 1945, tandis que… je vous laisse conclure. Il se trouvera toujours des Jost et autres Tanner pour rabâcher à seule fin d’exister et ce n’est pas pour déranger le conseiller fédéral Maurer , qui sait à quoi s’attendre de la part de cette gent journalistique, à son égard tout spécialement.

  3. Posté par Robyr Julien le

    Mme Sommaruga a été en effet très rapide lorsqu’il s’agissait de corriger le discours Ueli Maurer et de s’excuser des horribles agissements de la Suisse d’il y a 70 ans. Mais lorsqu’il s’agit de faire le bilan (largement insuffisant) de sa propre politique d’asile, ou même celui de sa prédécesseuse sur laquelle elle pourrait encore se décharger, il n’y a plus personne.
    A part ça, ce n’est pas une demi-page A4 (intitulée: « A la mémoire des victimes ») d’un conseiller fédéral lors d’une commémoration qui allait réécrire l’histoire suisse. M. Maurer a simplement remercié la génération qui a ramé en 39-45 et a exprimé une pensée envers les Juifs qui ont souffert durant cette période, ni plus ni moins; vouloir y chercher une quelconque déformation de l’histoire à des fins politiques est d’un très mauvais goût, mais c’est exactement le genre de piège dans lequel se jettent des soixante-huitards tels que H.U. Jost et J. Tanner. Ces réflèxes pavloviens montrent une fois de plus le mode de pensée de ces moralisateurs, qui ont eu la chance de ne pas avoir connu la guerre mais qui s’estiment plus intelligents que la génération de leurs parents.
    Quelle qu’ait été l’attitude de la Suisse durant la 2e guerre mondiale, quelle qu’ait été sa politique migratoire, cela n’aurait rien changé au génocide commis par les nazis. La Suisse, alors un petit pays de 4 millions d’habitants, ne pouvait en aucune façon influencer ce qui se passait au-delà de sa frontière. Vouloir critiquer la morale des politiciens d’alors, 70 ans après, est plus que déplacé, tout comme vouloir leur faire porter la responsabilité des crimes commis contre les Juifs par les nazis. Bien sûr que les politiciens d’alors ont commis des erreurs; il faut les expliquer afin de les comprendre, mais dans leur proportionnalité et sans moralisme.
    A propos d’excuses: M. Israel Singer, ancien président du Congrès Juif mondial, s’étant permis de qualifier de « criminelle » la neutralité suisse durant la 2e guerre mondiale, fut viré il y a quelques années pour s’être copieusement servi dans la caisse du CJM. S’est-il excusé, lui, pour avoir détourné des fonds pendant qu’il prêchait le moralisme?

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