Experts internationaux donneurs de leçons: à quand la riposte?

Uli Windisch
Rédacteur en chef
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La Suisse comme d’autres pays a régulièrement droit à ce genre d’expertise mais contrairement à d’autres pays, lorsqu’elle est critiquée de manière sommaire, caricaturale, voire totalement injuste, elle ne réagit même pas ou guère.

Il existe toutes sortes d’experts, de rapporteurs spéciaux, d’observateurs, etc, envoyés par des organisations internationales pour observer les pays membres sous tel ou tel angle  particulier. Une fois, c’est  pour  observer  le respect des minorités, une autre  l’état du racisme, le respect  de la liberté, en général, ou celle  de la presse et des médias, la liberté de religion, etc.

La Suisse comme d’autres pays a régulièrement droit à ce genre d’expertise mais contrairement à d’autres pays, lorsqu’elle est critiquée de manière  sommaire, caricaturale, voire totalement injuste, elle ne réagit  même pas ou guère. Tout juste qu’elle ne s’excuse pas  et les experts se font un plaisir de convoquer des conférences de presse auxquelles les médias  accourent et servent volontiers de caisse de résonnance. Une occasion d’activer la propension à l’autoflagellation. Cette dernière est loin d’avoir disparue, contrairement  à ce que prétendent  bien des acteurs sociaux  et politiques. Ces derniers se réjouissent même de nous mettre rituellement le nez dans notre monde si imparfait  et qui, plus est, se croirait si parfait.

La Suisse ne réagit pas

En bref, face à ces critiques  rapides, superficielles et infondées, certains pays réagissent  du tact au tac, fermement, de manière très  déterminée, jusqu’à exiger parfois la rectification de ces jugements expéditifs de la part de ces experts autoproclamés. Parmi ces derniers, il y a  même parfois des représentants de pays dont les droits de l’homme laissent   pour le moins à désirer.
Parmi nos responsables politiques, on semble ne pas se rendre compte que de telles «expertises», amplifiées médiatiquement et même répercutées parfois à des assemblées générales de grandes organisations internationales, laissent des traces et finissent par influencer plus profondément qu’on ne le pense l’image générale du pays. Loin de moi l’idée de prétendre que nous sommes parfaits, ou que nous ne pouvons faire l’objet d’aucune critique. Mais de là à ne pas réagir et laisser ce genre de propos et de rapports ternir, à la longue, insidieusement, subrepticement et injustement  notre image dans le monde entier, il y a un pas  que nos autorités ne devraient plus laisser passer sans réagir.

Il existe des réflexes d’autodéfense, des défenses immunitaires, une dignité propre à tout pays. Il y a même des délégués-experts de pays dirigés par des dictateurs sanguinaires qui ont présidé certaines institutions  de défense des droits de l’homme! Suivez mon regard…

La tendance à l'autoflagellation n'est pas morte

La  tendance à l’autocritique, à l’autoflagellation et au dénigrement de soi est quasiment une tradition chez nous. Elle connaît  même  des habitués, voire des professionnels  du genre, qui ont construit pendant des décennies leur réputation à l’étranger sur ce genre de basses besognes, tout en prétendant bien sûr que notre pays  et sa population sont magnifiques. Quel est le terme qui convient à ce genre de délateur professionnel?

Mais d’autres pays réagissent  à de telles attaques, en chœur, fermement  et parfois même sans grande dissonance interne, malgré la détestation réciproque  entre majorité et opposition dans nombre de pays.

Des exemples? Doudou en Helvétie...

L’un des plus célèbres est évidemment celui du «rapporteur spécial» de l’ONU, Doudou Diène, au début de l’année 2006, qui après  3-4 jours de visites, très partielles et partiales, dans notre pays, avait donné des conférences de presse  pour signifier à quel point  il était surpris de devoir «constater que le racisme était profond en Suisse». Les journalistes, très nombreux  à être présents, lui ont laissé longuement le temps de faire part de toutes ses inquiétudes lors de grandes interviews largement répercutées( mon papier à l’époque: «Doudou en Helvétie: faut-il en rire ou en pleurer?», Bilan, no 198, 15-26 février 2006). Des réactions claires et fermes de la part de nos autorités ? On peut toujours chercher. A ce propos, il y a eu par la suite  un colloque organisé par une association d’Africains de Neuchâtel (avec qui j’étais déjà en contact) auquel nous étions  tous les deux invités  à nous exprimer. Doudou remit la compresse. Je lui ai demandé à cette occasion s’il se rendait compte qu’avec de telles exagérations il ne pouvait que renvoyer nombre de Suisses, même pas xénophobes, vers les partis les plus à droite. Sa réponse: je vais réfléchir à cela  et nous pourrons en débattre lors d’un prochain colloque, colloque qui n’a bien sûr  jamais eu lieu. Dire, en fait se défouler, sans prendre la responsabilité  des conséquences  de ses dires.

Des experts irréprochables?

Plus récemment, trois experts  des religions de l’OSCE ont passé trois jours en Suisse  pour s’informer sur la situation en matière de tolérance. Toutes sortes de critiques ont ici aussi été émises: le vote sur l’interdiction des minarets est discriminant; d’autres discriminations existent  sur le marché du travail, les naturalisations. Qui est celui de ces trois experts qui se plaint de l’hostilité envers les musulmans? Le sénateur kasakh Adil Akhmetov membre du parti  du dictateur Nasarbajew.

Il y a quelques semaines, c’est le Commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe qui  a effectué une «mission» en Suisse en vue d’un rapport sur les discriminations. Il s’est «inquiété de l’absence de réactions vigoureuses des dirigeants politiques contre les manifestations  racistes ou xénophobes»… ; «le seul fait de poser  la question des minarets lors d’un référendum contribue à stigmatiser certaines catégories de migrants et à renforcer les sentiments  islamophobes»... etc, etc. Je pense diamétralement le contraire; le fait de pouvoir s’exprimer  sur  ces sujets a abréagi les tensions en permettant d’en discuter.

On cherche encore les réponses claires, argumentées, même nuancées, de nos autorités à de telles accusations.

D'autres pays réagissent du tac au tac

Contre-exemple: lorsque dans un passé récent la France a procédé à des expulsions collectives  de Roms, la Commissaire européenne Viviane Reding, qui aime aussi sermonner la Suisse mais sans grands risques, a déclaré: «nous avons  de sinistre mémoire les déportations  pendant la deuxième Guerre mondiale, alors recommencer cela, ce serait la fin de l’Europe. Je dis non et en tant que gardienne des traités, je m’y oppose!». Propos oraux tenu  à la télévision francophone belge le 14 septembre 2010.

Vive réaction du Président Sarkhosy. Résultat: la commissaire a dû s’excuser pour ses propos.
Tout le monde connaît les avantages mais aussi les graves lacunes de Schengen dans la lutte contre la criminalité et la nécessité de rétablir certains contrôles à l’intérieur  de chaque pays.
Même s’il y a sans doute aussi quelques raisons électorales aux propos du même Président Sarkhosy sur ce thème, il a osé évoqué la possible suspension des accords de Schengen. Tollé général du côté de l’UE. Mais le problème  est clairement posé.

En bref, sans vouloir surestimer le poids de la Suisse au niveau international, on aimerait que nos autorités répondent clairement quand le pays est attaqué de manière injuste, et c’est bien souvent peu dire. Certes, la Schadenfreude s’écrit en allemand, mais elle se pratique visiblement dans bien d’autres langues.

Il faut penser aux effets profonds et graves à l’absence de réponse à de telles attaques. Sachant qu’il n’y aura pas de réponse, et qu’en plus on trouve toujours chez  nous des acteurs, par exemple médiatiques, bien disposés  à relayer  de telles  critiques en vertu de la toujours bien présente propension à l’autoflagellation, ce genre d’experts doivent savoir qu’ils n’ont pas de raison de prendre trop de précautions. Mais cela crée de la révolte rentrée chez beaucoup de nos concitoyens qui ne supportent plus guère ce genre d’attaques et de dénigrements quasi automatiques. Personne ne revendique une exemplarité suisse mais de là à servir de punching ball à cette expertocratie, adoubée par le politiquement correct, on en oublie tous les effets pervers, notamment sur le ressenti d’une population qui vit avec un des taux d’immigration parmi les plus élevés, parfois jusqu’à la moitié de la population résidente, sans pour autant connaître de  vraies vagues de racisme.

Quand je me juge je suis sévère mais quand je me compare je deviens plus indulgent!

Un contre-exemple: la Suisse a osé

Un contre-exemple récent  au manque d’affirmation de notre pays. Il y a quelques jours, deux membres de notre gouvernement ont osé signé un accord avec l’Angleterre dans le sens du modèle bancaire suisse Rubik, juste avant de rencontrer les responsables de la Commission européenne, dont le président. Tous ont été surpris d’une telle audace, mais surtout mécontents et vexés que soit le fait d’un pays auquel ils étaient habitués à faire la leçon.

C’est un pas dans la bonne direction de la part de nos autorités. Continuez le combat! Même si ce n’est pas gagné. C’est  aussi ce que la population aimerait voir plus souvent.

Mais comme il se doit, un journaliste, se croyant sans doute spécialement compétent, en réalité dans la plus pure tradition autocritique et auto-dénigrante, a titré pour rendre compte de cette audace: «Les Pieds Nickelés à Bruxelles». Cela dans un éditorial de la Tribune de Genève, le lendemain, le 22 mars 2012.

Comme quoi le combat est à mener sur plusieurs fronts.

3 commentaires

  1. Posté par conrad hausmann le

    L’ethnomasochisme est une spécialité du blanc occidental,et particulièrement du Suisse qui accepte toutes les critiques.Les Chinois par exemple que j« ai rencontrés lä-bas sont fiers de leur système, de leur race etc. Ils ne sont pas rongés par une culpabilité, cette culpabilité qui nous fait acceper tous les « dissidents » des autres cultures…

  2. Posté par François Etienne le

    A l’Expert on oppose toujours le Contre-expert. Cet état de choses est constaté dans les grands domaines médicaux, économiques, sociétaux.

    L’expert est par définition un ignorant, se focalisant sur son seul savoir. Généralement, son expérience est limitée, répétitive et/ou basée sur une connaissance théorique. Ainsi, par exemple, le Docteur en économie qui distille ses théories dans un auditorium mais n’a JAMAIS tenu les vraies manettes d’une entreprise, avec tous les risques et aléas, n’est pas crédible.

    Notre société manque de pragmatisme, tant elle est figée par la seule « lumière » purement intellectuelle et malheureusement élitaire. A ce point de vue, les USA appliquent une approche bien plus intelligente, justement basée sur les résultats, avec la possible gifle qu’est l’insuccès. Mais là encore, l’insuccès est vu comme un tremplin vers le succès !

    Prenons le cas suisse : le pays est constamment laminé et des experts s’efforcent à ignorer les grandes et vraies réalités : La Suisse, un pays fort, travailleur, sérieux, actif, jalousé, une nation clairvoyante refusant six semaines de vacances inscrites en Constitution !

    L’expertise officielle relève plus du masochisme que de la dynamique de progrès, d’avancement. La vraie expertise de l’Etat social met en exergue la nécessité d’une conduite de droite intelligente et utile.

  3. Posté par Hermann Moix le

    J’ai été auditeur pendant de nombreuses années; je pense que la problématique des experts est semblables à la nôtre. Si nous voulons rester crédibles, nous devons mettre en évidence des améliorations possibles même dans des systèmes très performants. Cela justifie des recommandations beaucoup plus sévères là où les lacunes sont criantes.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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